Les enfants,

Si tout était simple, je vous parlerais de tout ce que mes parents m’ont appris, de ce que j’ai expérimenté moi-même, de ce que j’ai découvert par hasard, des erreurs que j’ai faites (et qu’il faut éviter) et des choses réellement importantes à faire dans une vie. Et surtout, si tout était simple, vous m’écouteriez.

Ce sont des choses qui devraient se partager devant un coucher de soleil, lors d’un moment de complicité suspendu dans le temps qui resterait à jamais gravé dans votre mémoire. Mais vous serez toujours plus jeunes, et moi toujours plus vieux. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle à juste titre le fossé des générations. Il est possible que tout ce que je vais vous dire vous paraisse au mieux inutile, au pire ennuyeux. Il est même probable que ce soit déjà le cas. J’essaierai d’être bref. J’essaierai …

Pourtant, ce serait tellement plus simple si votre connaissance était la somme de celles de vos aïeux! Imaginez donc avec quelles armes vous affronteriez le monde, riches de millénaires d’expérience. Hélas, tout n’est qu’un éternel recommencement. On naît sans défense, incapable de marcher ou de parler, sans savoir ni lire ni écrire ni compter, sans aucune notion du danger, sans connaissance des limites de son corps et de son esprit. Et on passe malgré tout nos jeunes années avec ce sentiment inébranlable d’être immortels et omniscients. Vous n’imaginez pas à quel point il est désespérant pour un parent d'être le spectateur impuissant des errances et des souffrances de son enfant.

Les années passant, avant qu’il ne soit trop tard je l’espère, vous allez prendre conscience des limites de vos connaissances et du danger qui nous entoure à tout moment. Naturellement, vous voudrez aider vos enfants en tentant de les mettre en garde. Ils ne vous écouteront pas. Et la boucle sera bouclée. Finalement, la seule chose que nous parvenons à nous transmettre de génération en génération depuis la nuit des temps se résume à un laconique “tu verras !”.

J’aimerais vous transmettre un peu plus que cela. Et s’il me parait bien difficile de vous le dire, je vais peut-être au moins pouvoir vous l’écrire.