Chapitre 29

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— Toujours fourrée avec de beaux bruns en détresse, ricanait la blonde en reposant son verre d’eau.

Nous étions seules dans la grande salle souterraine où Amélia et ses alliés prenaient leur repas.

— Très drôle.

Elle roula des yeux avant de se resservir un verre. Le silence s’installa entre nous. Kendra s’occupait de San qui ne s’était pas encore réveillé. Elle m’avait promis que nous continuerons notre discussion lorsqu’elle aurait fini. En attendant, je comptais renouer un peu avec ma sœur. Seulement je ne savais pas par où commencer.

Ce fut Amy qui prit finalement l’initiative :

— Je suis allé jusqu’à l’hôtel de Maman.

Notre mère, avant l’attaque, était directrice d’un hôtel dans Paris. Je tendais donc l’oreille.

— Comme partout, il y avait des morts et des vitres brisées. Mais je ne l’ai pas trouvé.

— Et Papa ?

— Je n’ai pas pu m’y rendre, j’étais faible et je doute que cela serve à quelque chose d’y aller pour le moment. En tout cas, je n'ai pu avoir aucun des deux au téléphone lorsque j’avais encore de la batterie.

— Tu ne m’as pas appelé.

— Ah oui. Désolé mais toi non plus je te ferais remarquer.

— Je n’ai appelé personne.

Je me sentais vraiment stupide, comment avais-je pu ne pas y penser ? De tout façon, c’était trop tard. En plus j’avais laissé mon portable chez les jumeaux.

Le silence s’installa de nouveau.

— Comment as-tu survécu ce jour-là ?

— J’ai failli mourir. Lorsque les anges ont attaqué le collège, un incendie s’est déclaré dans les cuisines. On ne pouvait pas sortir à cause des oiseaux. Les flammes se sont propagées rapidement et le toit s’est effondré. J’ai été bloqué dans ma cachette à cause d’une poutre en feu. Les flammes sont vite arrivées jusqu’à moi. Elles ont léché mon pantalon, courant le long de mes jambes. J’essayais de ne pas hurler de douleur pour ne pas attirer les créatures mais c’était impossible. Le feu a continué à monter sur moi, jusqu’à toucher mon visage.

Elle se tut quelques instants, les yeux fermés. Je voyais qu’elle revivait l’instant. La douleur crispait ses traits.

— Et je suis arrivé, intervint quelqu’un depuis la porte.

Le jeune homme asiatique sourit avec gentillesse. Il s’approcha et posa sa main sur l’épaule de ma sœur.

— J’ai entendu ses cris et j’ai accouru avec un extincteur.

— Jasper m’a sauvé la vie. Alors même que l’on ne se connaissait pas.

Je remerciais chaleureusement le garçon. Grâce à lui, j’avais encore une sœur.

— Tu me cherchais ? demanda la blonde.

— Les anges semblent avoir remarqué la disparition de prisonniers. Nous devons nous faire les plus discrets possible.

— Très bien, éteint tout.

Elle se tourna vers moi et ajouta :

— J’espère que tu n’as pas peur du noir.

Je lui tirais la langue et saluais Jasper qui s’en allait. Lorsqu’il fut assez loin, je demandais :

— Il le sait ?

— Que je ne m’intéresse pas aux hommes ? Oui je lui ai dit, pour ne pas qu’il se fasse des idées. Mais je t’avoue qu’on a d'autres préoccupations.

J'acquiesçai doucement tandis qu’elle se levait.

— Tu devrais rejoindre Kendra, cette pièce est vraiment pas agréable dans le noir. Elle est si grande que tu pourrais ne pas retrouver la porte.

Je me levais donc et lorsque que j’atteignais la porte, elle était déjà loin. Je m’enfonçais dans le couloir d’un pas rapide, je voulais arriver avant qu’ils ne coupent l’électricité.

Cela me faisait bizarre de voir toutes ces lampes. Chez les jumeaux, nous ne l'utilisons pas pour éviter d’être repéré. Mais après tout, les anges n’avaient pas coupé l’électricité. Ils avaient juste tué ceux qui s’en occupait. Probablement que d’ici quelques mois, nous n’aurions plus accès à ce vestige de la civilisation.

Je poussais une porte métallique et arrivais dans une pièce où avaient été déposés quatre matelas. Sur l’un d’entre eux reposait San.

— Ils vont éteindre les lumières, tu as fini ? demandais-je à Kendra.

— Oui. J’allais justement te rejoindre.

— Où est Isis ?

— Avec d’autres jeunes, je crois qu’ils font l’inventaire ou un truc dans le genre, me répondait-elle.

Je m’installais près de la brune lorsque l’obscurité s'abattit sur nous. Nous restâmes silencieuses, écoutant la respiration du brun.

— Comment va-t-il ?

— Mal. Il n’y a pas que son corps qui est brisé. Son esprit l’est aussi. Peut-être ne veut-il même pas se réveiller. J’ai beau le guérir...

Elle ne finit pas sa phrase, laissant un nouveau blanc s’installer.

— J’ai beaucoup réfléchi, disait finalement ma compagne.

— Sur quoi ?

— Sur la supposée mort de Kaleb. Il faudrait que je sache précisément comment il a brûlé.

— Pourquoi ?

— Parce que, comme tu le sais maintenant, les démons utilisent les flammes. Peut-être que si ça ressemblait à une combustion spontanée…

— Accouche, disais-je en roulant des yeux.

— Kaleb pourrait tout simplement être retourné de lui-même en enfer.

— C’est possible ? demandais-je en m’approchant d’elle.

— Ma mère m’a parlé d’une sorte de “rapatriement d’urgence”. Certains démons peuvent le faire en cas de danger de mort.

— Mais Kaleb ne sait même pas qu’il est un démon !

— Je te faisais seulement part de mes réflexions.

Je l’entendais hausser les épaules, elle semblait fatiguée. Je pouvais l’entendre dans sa voix.

— Cela te coûte de l’énergie de le soigner avec tes flammes ? demandais-je.

— Oui, évidemment, mais c’est tellement plus rapide que de seulement changer ses pansements en espérant que son corps fasse le travail.

Je me levais et m’approchais du blessé avec tâtonnement. J’avais profité de l’obscurité pour retirer mon cache oeil dans le but de faire respirer mon œil supposément démoniaque. Bonne ou mauvaise nouvelle, si je me fiais à mes impressions, les démons ne voyaient pas dans le noir. Je finissais par toucher son bras. Il était chaud, pas plus que la normale cela dit.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiétait Kendra.

— Tu ne sais pas quelle est la spécialité des flammes blanches n’est-ce pas ?

— Non.

— C’est le moment de savoir si elles peuvent guérir.

Je me concentrais de toutes mes forces sur le fait que San était en danger de mort. Je me centrais sur sa respiration en l’imaginant suffoquer. Moi aussi j’avais bien réfléchi. Mes flammes n’étaient apparues que lorsque j’étais sur le point de mourir. Cela fonctionnait-il lorsque quelqu’un que j’appréciais était en danger de mort ?

— Mais tu pourrais le tuer ! s’exclama la brune en se jetant sur moi.

Je l’ignorais. Tout était dans l’auto persuasion.

Des flashs de l’un de mes derniers cauchemars en date me revinrent en mémoire.

“Je plaquais mon oreille près de sa bouche, aucun souffle n’en sortait. Les mains plaquées contre son torse, je commençais un massage cardiaque.

— A l’aide ! Il ne respire plus !”

Kendra continuait à me tirer le plus loin possible du jeune homme.

Soudain, alors que des larmes coulaient de mon œil marron, la pièce fut éclairée d’une lumière blanche éclatante. Cette dernière éblouit Kendra, me permettant de m’élancer vers San et de plaquer ma main enflammée contre son front.

Le feu s’éteignit aussitôt.

L’obscurité semblait plus noire que jamais. Le silence plus oppressant.

Il ne respirait plus.

— Tu l’as tué ! criait Kendra en pleurant.

— Non, je…

Une immense respiration me coupa.

— San ?

J’entendais un corps se redresser difficilement. Des yeux aussi blanc que mes flammes se tournèrent vers moi avant de s’éteindre doucement.

— C’est bien moi. Où suis-je ? demanda le jeune homme d’une voix éraillée.

— Sous terre, en sécurité, répondais-je. Mais que vient-il de se passer ?

— Je… Oswin… Je crois que tu viens de guérir son esprit, me répondait une Kendra tremblante.

Je me sentais épuisé.

Pendant les minutes qui suivirent, je somnolais dans un coin de la pièce. J’entendais vaguement Kendra insister pour examiner une nouvelle fois le brun. Elle lui expliquait aussi comment nous étions arrivés à nous cacher sous terre.

Ce fut les lumières qui se rallumèrent qui me firent revenir à la réalité.

Nous pûmes mieux voir notre ami. Il était maigre, ses cheveux gras retombaient sur son front pâle. Il n’avait pas vu le soleil depuis si longtemps. De nombreux bandages recouvraient son corps, pourtant, il souriait. Il semblerait que la brune ait raison. C’était comme si j’avais retrouvé l’ancien San. Il discutait joyeusement avec la jeune médecin.

Pourtant, il allait falloir que je le brise à nouveau.

— San.

Il se tourna vers moi. Je pris une grande inspiration et lâchais :

— Il va falloir que tu nous raconte comment Kaleb est mort.

Une ombre passa alors sur son visage fatigué.

— Oswin, ce n’est peut-être pas le moment… commença Kendra.

— Nous avons peu de temps, la coupais-je.

— Mais…

Cette fois, c’est San qui la coupa :

— Je peux le faire, Kendra.

Il respira plusieurs fois puis s’adossa contre le mur le plus proche. D’une voix atone, il prit enfin la parole :

— Habituellement, ils nous torturaient séparément. Nous posant des questions dont je ne comprenais pas le sens. Mais cette fois, nous avons été traînés hors de notre cellule ensemble. Ils nous ont brûlé au fer rouge, coupé, fouetté, comme habituellement devant nos refus de répondre. Mais nous ne comprendions même pas leurs questions ! Tout à coups, l’uns des hommes a dit : “Est-ce qu’on est vraiment obligé de garder les deux en vie ?” L’autre a haussé les épaules puis a planté une lame dans le torse de Kaleb. Ça aurait pu être moi. C’est tout ce qu’il m’est venu à l’esprit sur le coup.

Il respira de nouveau les yeux fermés avant de reprendre.

— La lame s’était plantée profondément. Le regard plein de douleur, il avait tourné les yeux vers moi en souriant. Ses dents pleines de sang m'avaient fait frissonner. Puis, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Est-ce que l’arme avait un système intégré ? Mon frère a pris feu sous mes yeux. En quelques secondes, il ne restait plus rien.

Nous restâmes silencieux. San fixait maintenant le vide.

— J’ai failli mourir bien avant ça, vous savez, ajouta-t-il à voix basse. Mon cœur s’est arrêté et grâce à Kaleb, je suis revenu. Cela aurait dû être moi, j’aurais dû mourir. Je suis le plus faible.

Je repensais à ce prétendu cauchemar, est-ce que mon intuition première était vraie ? Avais-je vu à travers les yeux de Kaleb ?

— Ne dis pas n’importe quoi… commença Kendra.

— Tu as peut-être raison, la coupais-je. Peut-être qu’ils savaient que tu étais plus faible que ton frère. Et peut-être que c’est pour ça qu’ils t’ont gardé toi. Tu aurais été plus facilement manipulable sans Kaleb.

— Mais je ne comprenais rien de ce qu’ils demandaient ! s’exclama-t-il.

Je croisais enfin le regard de Kendra. Elle essayait de calmer le brun et semblait soucieuse mais surtout, elle semblait essayer de contenir autre une émotion totalement déplacée après ce récit. Était-ce de la joie ?

— San, tu devrais te reposer, dit-elle. Avec Oswin, nous allons te chercher de quoi manger.

La brune me fit signe de me lever et, après avoir rallongé le garçon, nous sortîmes de la pièce.

Nous marchâmes en silence, j’avais été dure avec San et elle m’en voulait sûrement. Mais c’était nécessaire.

— Alors ? demandais-je car elle ne semblait pas vouloir prendre la parole d'elle-même.

— Alors Kaleb est probablement encore en vie en enfer.

Je sentais l’espoir renaître dans ma poitrine, gonflant comme un ballon.

— Tu en es certaine ?

— D’après ce que j’en sais, oui.

— Super. Bon. Comment va-t-on en enfer ?

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