Chapitre 19

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La lune était haute dans le ciel, une brise fraîche entrait dans la cabane. Isis avait veillé bien plus que prévu.

— Tu aurais dû me réveiller.

— C’est moi qui lui ai dit de te laisser dormir, intervint Kendra.

— Pourquoi ?

— Parce que je voulais que tu sois parfaitement reposé pour nous raconter ce qu’il s’est passé.

Je me figeais. Il était temps. J’avalais difficilement ma salive et lâchais tout. Un lourd silence accueillit mon récit.

— As-tu vu leur cadavre ? demanda au bout d’un moment Kendra.

— Comment ça ?

— Peux-tu attester de leur mort ?

La colère commençait à me monter à la tête. A quoi jouait-elle ?

— J’ai vu l'intérieur du ventre de San ! J’ai encore le sang de Kaleb sur mon visage ! Qu’essaies-tu de faire ?! Hein ?! Ils sont morts Kendra !

Je grimaçais, rien que respirer était douloureux, crier était un supplice.

— Tant que je n’aurais pas une preuve concrète, j’estimerais qu’ils sont encore en vie, répondait-elle calmement.

— Très bien ! Libre à toi de te voiler la face. Tu n’as qu'à retourner sur place et constater par toi-même. Ne tarde pas trop, sinon tu risques de ne plus les reconnaître, avec la décomposition. De mon côté, je compte aller de l’avant et essayer de trouver d’autres vrais survivants.

Je tentais de me lever mais la douleur me coupa le souffle. Pitoyable.

Je retombais au sol dans un bruit sourd et fondais en larmes. Moi aussi je voudrais qu’ils soient en vie. Moi aussi j’aimerais espérer. Mais après ce que j’avais vu, c’était impossible.

Sans un bruit, Isis s’accroupissait près de moi. C’était la plus jeune pourtant, elle semblait être la plus lucide de la pièce. Elle m’allongea et souleva mon t-shirt. Le bleu était bien pire à la lumière du jour. La métisse avait dû faire un geste à Kendra, car cette dernière la rejoignit.

— Aide-moi à la mettre sur le lit. Cet hématome est inquiétant.

La muette dû lui demander son état à elle car elle dit :

— Ne t'inquiète pas pour moi, je tiendrais le coup.

Avec tout ce que je lui avait crier, la jeune femme me cedait quand même l’unique lit de la pièce. Peut-être était-ce juste moi qui avait perdu la raison.

Lorsque mon dos toucha enfin le matelas moelleux, ma vision était bien trouble, le déplacement avait failli me faire perdre connaissance.

—Oswin, reste avec moi.

Je grognais et elle continuait :

— Douleur. Hématome. Pâleur. Respiration rapide. Vertiges. As-tu des sueurs froides ? La peau moite ?

— Je ne sais pas. Peut-être bien.

— Confusion. Oswin, je crois bien que tu fais une hémorragie interne.

— Comment vas-tu faire sans matériel médical, marmonais-je.

— Tu ne vas pas aimer la réponse. Isis, trouves-moi quelque chose dans laquelle elle pourrait mordre.

La jeune fille ne bougea pas et lui tendit sa ceinture. La brune me la glissa entre les dents puis se tourna de nouveau vers son assistante de fortune.

— Il va falloir que tu me trouves une plante en particulier qui aidera à la coagulation.

Je n’entendais alors plus rien pendant quelques instants, je refis surface grâce à Kendra.

— Je t’ai dit de rester avec moi.

— Ces plantes, c’est juste pour l’éloigner n’est-ce pas, tendais-je de dire.

— Nous aurons besoin de ces plantes après l’intervention que j’ai pour but de finir avant qu’elle ne revienne.

Je souriais, ou du moins j’essayais, avec la ceinture entre les dents. Sans plus de cérémonie, elle planta un de ses couteaux dans l’hématome.

Je hurlais, les dents plantées dans le cuir et les larmes roulant le long de mes joues encore couvertes du sang de Kaleb. Il s’était sacrifié pour me sauver. Je ne pouvais plus mourir maintenant. Pourtant, l’envie n’était pas loin tandis que je sentais Kendra me charcuter.

J'oscillais entre la conscience et l’inconscience lorsque je sentais une vive chaleur se plaquer contre ma blessure. Je tentais de me cabrer mais la jeune docteure me maintenait assez fort contre le matelas.

Enfin, ce fut le noir.

§

L’odeur de la nourriture me fit revenir à moi. Je n’étais donc pas morte.

— N’essaie pas de te redresser, tu gâcherais mon travail, me lança celle qui m’avait encore sauvé, depuis le centre de la cabane.

Elles y avaient installé un petit réchaud sur lequel mijotait une sorte de soupe aux herbes et aux champignons.

— Merci, croassais-je.

On m'amena un bol. A l’intérieur, notre médecin attitré avait ajouté les feuilles qui étaient censées me faire coaguler plus vite. Je me rendais alors compte que chacune d’entre nous avait quelque chose à apporter aux autres. Nous avions la chance de nous avoir.

Pourquoi ne m’en étais-je pas rendu compte avant de balancer toutes ses horreurs à la figure de Kendra ? Si elle voulait espérer, c’était son droit. Si cela pouvait la garder en vie. Comme moi avec ma famille. Quel était le moteur de Isis ? Je croisais son regard et je comprennais que c’était nous.

Je lui souriais et elle vint s’assoir à côté de moi.

— Qu’allons-nous faire, maintenant ? demandais-je lorsque les bols furent vides.

— Nous allons nous reposer au maximum. Tu ne peux même pas marcher pour le moment et je reste encore faible.

— Et ensuite ?

— Ensuite, j’aimerais retourner au manoir. Il faut qu’on récupèrent le maximum de matériel et d’affaires.

— Et tu voudrais voir les jumeaux de tes propres yeux.

— Oui, mais tu…

— Je ne t’en empêcherai pas. Nous sommes une équipe maintenant. Je viendrais avec vous.

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