Chapitre 1

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Nous sommes ton amie, nous sommes ta famille !

Il m'arrive d'être parfois victime d'un mal qui touche nombre de personnes des sociétés occidentales. Cette affliction provient probablement d’un cumul de petits mal-êtres ; un travail de chiottes, un célibat persistant et une l’estime de soi entachée par une obésité morbide. N’ayant jamais été affecté par cette maladie insensée qu’est la foi, et par conséquent parfaitement libre d’agir selon une conscience propre et sans influence religieuse, je suis devenu un expert en amour de substitution.

Mes journées ressemblent à ce genre d’enfer quotidien qui puisent leurs forces dans des fréquentations toutes plus irritantes les unes que les autres. Je passe de petits chefs ivres d'exercer leur ridicule pouvoir à des idiots carriéristes qui trainent sur internet à partir de 17h pour rallonger artificiellement leurs journées. Le repas du midi est un calvaire. Là où d'autres y trouvent une détente certaine, je reste silencieux et me concentre à ignorer les regards accusateurs de ces moralisateurs qui semblent m'interdire d'apprécier mon assiette de frites.

Nous t'aimons, nous t'avons préparé des gaufres au chocolat. Rentre vite à la maison.

Quand je rentre du travail, et que je l’odeur de mon logis vient détendre mes narines, j'aime fermer ma porte à clef, poser mon sac, retirer mon pantalon, descendre mon caleçon aux chevilles, puis marcher avec de tout petits pas jusqu'à la cuisine. Je me prépare un sandwich au fromage que je mangerai dans mon salon. Je me serre un verre de soda ainsi que quatre petits écoliers que je pose sur un plateau. Pendant que je suis dans la cuisine à regarder ce succulent goûter bien mérité, je pioche quelques M&M’s que je mange sur place. J'en prends une petite poignée pour la route entre la cuisine et le salon. Cette poignée de bonbons me permet de ne pas trop subir la frustration d'attendre alors que la bouffe est prête et me laisse un délai pour choisir une chaîne de télé, élément indispensable pour commencer à déguster mon vrai goûter. Je sais que je ne vais pas rester très longtemps devant la télévision, alors je choisi un programme qui ne demande ni concentration, ni réflexion. Quelque chose de flashy, avec des décolletés et drôle si possible. Je pose le plateau à coté de moi sur le canapé et je réconforte mon intimité d'une main pendant que je flatte mes papilles de délices laitiers de l'autre. Je passe le dos de mes mains sous mes aisselles et je respire ensuite mon fumet corporel tel un assaisonnement olfactif des plus rassurants. A cet instant, mon bonheur est complet. Je m'enfonce dans mon canapé comme dans les bras d'une maman douillette et aimante.

Tu es rentré mon chéri ? Tu as pris ton goûter ? Viens nous voir, on se sent seules !

Libéré d'un monde écrasant, léger, shooté, je sens alors mon sang nourrit et repu affluer dans ma chair, jusque dans les recoins les plus inaccessibles de mes capillaires. J'entends la chaleur taper depuis l'intérieur de sa cellule capitonnée. Un bruit sourd se propage à travers les cloisons et les vibrations entrent en résonnance avec mon corps, avec mon canapé, avec l'univers. Je décide donc de m'envoler, tous les soirs, vers ma bibliothèque. Le tabouret est déjà en place. Je me débarrasse des derniers vêtements qui entravent encore mes mouvements et monte sur le tabouret. Je tends mes bras vers le ciel et j'attrape la caisse qui est toujours rangée en hauteur. Le « boum boum » s'intensifie et je lévite vers elle. Elle se jette dans mes bras, elle m'aime. Je l'aime aussi. J'ouvre le cadenas qui n'est jamais vraiment scellé et je libère la bête.

Mon amour, chaque jour tu nous quittes, et chaque jour, nous croyons que tu ne reviendras pas. Comment s'est passée ta journée ? As-tu bien mangé ? Et tes collègues ... ont ils été gentils avec toi ? Tu as déjeuné avec Jessica ? Cette fille n'est pas faite pour toi ! Elle n'a rien dans le crâne. C'est une mauvaise fréquentation. Un jour tu trouveras quelqu'un qui te mérite, mais pour l'instant, personne ne t'aime comme nous. Nous ne souhaitons que ton bonheur mon chéri. Reste ici avec nous, tu es bien avec nous. Là làààààà.

Je m'installe dans le salon, en sueur. L'enivrant parfum de mon intimité me fait perdre pied. Lorsque la cellule est ouverte et que le « boum boum » a cessé, je sais qu'Elle a retiré sa camisole et il n'est plus question de la renfermer avant qu'Elle ne se soit endormie. Je fouille alors dans ma collection, pour trouver quelque chose qui la calmerait. Quelque chose de nouveau... un trésor enterré dans mon jardin. Je feuillète quelques pages d'archives, pour la mettre en bouche. Le nichon déjà vu d’Angel au soleil, la chatte de Clara que je ne remarque même plus… De la merde, de la merde, RIEN QUE DE LA MERDE ! Peut-elle se rassasier de ces maigres denrées après avoir jeûné toute la journée ? Il lui faut quelque chose de plus consistant ! Il faudra que je pense à faire quelques courses. Pour l'heure elle se contentera de boire sa gamelle la langue pendue et rongera les mêmes vieux os qui, il faut bien l'avouer, n'ont plus beaucoup de moelle à offrir. Il aura fallu que je la nourrisse plusieurs fois pour qu'elle se laisse à nouveau enfermer.

C’est ainsi que se déroulent la majeure partie de mes soirées. Elle m’envahi de ses aboiements incessants, et je suis à la merci de son appétit insatiable ...

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