Document déclassifié : interrogatoire n°7 A.

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A –Je n'aurais jamais dû les suivre, je le sais depuis qu'on m'a déprogrammé.

1 –On ne vous demande pas de vous repentirs ! On veut des noms !

A –Vars.

2 –Qui est Vars ?

A –C'est le nom de ma grand-mère, elle était tout pour moi.

1 –On veut les noms de ceux qui ont orchestré la révolte des enfants !

2 –Et pourquoi nous donner le nom de votre grand-mère ? Et vos parents ?

A –Ma mère m'a abandonné, car je suis ce qu'on appelle un bliksem, un bâtard dans votre langue, dans mon village la tradition voulait qu'on tue les bliksem, car ils étaient maudits. Comme ma grand-mère était très solitaire ma mère m'abandonna là-bas, elle ne commerçait avec les habitants que très rarement, elle était bucheronne on vivait grâce à la revente de bois et de ce que la nature nous prodiguait.

2 –Continuez, qu'est-elle devenue votre grand-mère ?

A –Grand-mère m'a élevé du mieux qu'elle pouvait, elle m'a élevé un peu à la dure comme vous le dites dans votre pays développé, dès que j'ai eu l'âge de soulever du bois je l'ai aidé à travailler, je me rappelle de la fois où la pluie battante avait fait rentrer tous les habitants du village, tous sauf une personne, cet enfant brava l'intempérie, son corps dégoulinant de pluie prit place au centre du village où se tenait une idole amovible, une sorte de girouette si vous voulez, cet enfant se mit devant et pria la statuette, si son visage pointait l'ouest alors il rentrait chez lui, si son visage pointait l'est alors... alors... il partirait, le vent fit tourner l'idole d'un côté puis de l'autre et se stabilisa vers l'est, mais avant que l'enfant ne fasse quoi que ce soit une pluie de cailloux pointue vint frapper l'enfant en pleine tête, il endura l'assaut le sourire amer et résigné se lisant sur ses lèvres, à travers la pluie il entendit les pas cadencés d'un groupe qui s'approchait et une voix cria :

"Hé Bliksem !"

C'était la petite brute du village, un enfant pas plus haut que moi, du sang dégoulinait d'une entaille au-dessus de mes sourcils et me brouillait la vue, mais je reconnus la petite brute et ses sous-fifres, il reprit son air méprisant :

"Alors sale monstre ? T'aimes ça la pluie ? T'aimes ça être trempé ? Ou alors t'as enfin décidé de t'enfuir ?"

Je me retournai et essayai vainement de fuir. Les enfants m'entourèrent rapidement, leurs regards envenimés par la haine. Les parents de mes persécuteurs observaient depuis leurs cases, je le savais bien, j'y étais habitué. Ce n'était pas la première fois que j'y étais confronté, certains villageois faisaient mine d'ignorer les actions de leurs enfants, mais la plupart les encourageaient ouvertement, j'étais une créature haïe qu'ils auraient voulu faire disparaître, chaque insulte rongeait mon cœur, je me mentais à moi-même :

"Ils ne peuvent pas te faire de mal, soit fort, tiens bon"

"Oh regardez ! Le monstre va pleurer ! T'es triste parce que tout le monde te déteste et veut se débarrasser de toi ?"

Je priais pour qu'un torrent de pluie l'emporte loin de ce monde ou je n'avais aucune place, ils sourient narquoisement :

"Allez ! Donnons au monstre sa raclée !

Une pluie de coups vint marteler mon corps déjà fragilisé par les pierres, je tombai à terre fermant les yeux, je concentrais mon ouïe sur le clapotis de l'eau, même la pluie m'avait abandonné, puis plus rien, ce n'est que lorsque le rire de mes bourreaux se transforma en cris de terreur que j'osais ouvrir les yeux, la petite brute se tordait de douleur au sol la tête entre les mains du sang coulant sur ses doigts. Je n'étais plus le seul problème, ils s'éloignèrent gênés, leurs regards fixés sur une vielle femme au loin, après avoir repris son souffle elle cria :

"Ça fait foutrement mal, hein ? Je vous suggère de déguerpir avant que j'en lance une autre, petits salaud !"

"T'aurais pu me tuer espèce de vieux débris !"

"La mort est le meilleur remède contre la stupidité !"

La vielle femme se rapprocha de moi et me demanda :

"Ah mon petit Aziz pourquoi tu ne t'es pas défendu ? T'es pourtant plus fort qu'eux."

"Tous ça n'a plus aucune importance ! Tout le monde me déteste. Ils croient que je porte malheur que je suis un monstre... Je veux mourir."

L'étreinte de la vielle femme fit couler des larmes sur mes joues :

"Allons ne dis pas ça, Aziz. Tu dois te battre jusqu'au bout, tu m'entends ?"

2 –Votre grand-mère vous aimait de tout son cœur, à ce que je vois.

A –Je tenais énormément à ma grand-mère, elle était rusée, vulgaire et colérique les premières années n'avaient pas été faciles, toutefois au fil des années on était devenu proche. C'était une femme qui avait eu la vie dure, qui avait affronté la mort et avait survécu, elle seule pouvait comprendre ma douleur et ma solitude, je me souviens que souvent je me réveillais avec le son régulier d'une hache coupant du bois :

"Sale hache de merde !"

Elle battait l'air avec sa hache et jurait comme un charretier :

"Je peux t'aider Mamie !"

"Tiens coupe le bois qui reste, moi je dois vendre ce tas de bois au village voisin de l'autre côté de la rivière."

À cette époque on ne savait pas que la guerre venait de commencer et par le plus grand des hasards elle était là où se dirigeait grand-mère, j'ai fait ce qu'elle m'a demandé chaque coup de hache ne produisait que de petite fissure et si j'arrivais à asséner un puissant coup, l'outil restait coincé dans le bois et refusait de bouger, j'ai alors jeté la hache toujours attachée au bois :

"Putain de merde !"

C'est à ce moment-là que j'ai compris le plaisir que prenait grand-mère à jurer. Plusieurs heures plus tard, un véhicule militaire s'est stationné devant chez nous, je coupais toujours du bois énervé par cette hache qui ne coupait pas correctement, une jeune femme militaire est venue à ma rencontre :

"On m'a indiqué une maison où vivrait une sorcière et un monstre, c'est bien ici ?"

Je lui répondis sans me retourner :

"Et alors ?"

"La sorcière s'appelle bien Vars ?"

"Oui c'est ma grand-mère et ?"

"Elle est morte."

Une colère noire m'envahit :

"Qui a fait ça !"

Elle me présentât le coupable, un homme blanc bien habillé typique des colons, ils le firent s'agenouiller devant moi, ma colère m'aveuglait, la femme militaire me dit juste :

"Tiens."

Une arme la première que je voyais, je la pris délicatement l'arme était déverrouillée, je pressai le canon contre sa tempe et tirai.

1 –Qu'est-ce qui t'a convaincue de les rejoindre ?

A –Elle m'avait promis un nouveau foyer avec des orphelins et des bliksem comme moi, je les ai rejoints s'en est suivi un long entrainement et de longue programmation faite par elle, tous autant qu'on était on lui obéissait au doigt et à l'œil, j'avais toujours cette colère noire qui rongeait ma peau, elle m'avait programmé pour que je la ressente à chaque instant, je mangeais avec ma colère, je dormais avec elle, je tuais pour elle, j'étais plus un monstre mais une machine que personne ne pouvait arrêter excepté une bombe, elle arracha chaque membre que composait mon corps, quand je me réveilla enfin dans un lit d'hôpital, je n'étais plus qu'un tronc humain toujours vivant retenus captif par mes pires ennemis, vous.

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