Les premières neiges du printemps

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 Un limon de glace recouvre les arbres en couronne autour des places, en lignes espacées sur les avenues. À bien y regarder, ce givre qu'on perçoit sur les branches n'a rien de celui qui existait il y a peu sur la ville. La couverture de neige se compose de pétales de fleurs blanches, irisés de discrètes taches de rose. Un parfum tenace de sève et de baumes imprègne toute la forêt urbaine. C'est qu'ici comme dans toutes les citadelles de France en ces premiers jours de mars, sur le sommet et les circonvolutions de tous les arbres alignés en croisements de vies, le drap blanc du froid hivernal a laissé place à une explosion végétale de même couleur. La stérilité précédente a été remplacée par une entêtante parfumerie à ciel ouvert. Périgueux en ce jour, Bordeaux demain, font se concurrencer les gris de leurs murs rococo et de leurs cathédrales byzantines aux masses délicates et marbrées de verts et de porcelaines d'une nature domestiquée. Comme une nuisette légère prête à glisser aux moindres stimuli sur une peau sensuelle, ce tapis d'odeurs sucrées et de fragiles corolles tombe en spirales vers le trottoir où il s'amasse comme s'y amassaient jadis les cristaux gelés. Ce sont les premières neiges. Les premières neiges du printemps.

 Les femmes et les hommes, légers en leurs cœurs respectifs, flânent. À cette saison nouvelle, ils sacrifient leurs pesanteurs passées comme un héritage renié. Les controverses et les angoisses se dissolvent dans l'ivresse des floraisons. C'est un temps éphémère, un temps du fragile et du raffinement offert à tous. Les impératifs de la vie urbaine se rappellent bien assez vite. Mais sur les rues de ces deux amas de foyers, pour quelques heures, les êtres papillonnent comme papillonnent les élégances. Ce sont les premières neiges. Les premières neiges du printemps.

 Pour plus tard, pour les besoins d'une lettre où je les disposerai en fragiles fragments sur le papier de nacre, je recueille quelques pétales épars. Et tandis que je les sens en délicates présences du bout de mes doigts jusqu'au fond de mes poches, les promeneurs sourient tous sans objet. Le bruit même semble s'être atténué comme absorbé par le doux confort des cotonnades alentours. Nulles clameurs de voitures ou de poursuites n'interrompent les rêveries des habitants. On devine des âmes d'enfants. Des farces et des fantaisies en gestation se bousculent dans leurs caboches rayonnantes. Ce sont les premières neiges. Les premières neiges du printemps.

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