Jour 5 (partie 1)

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- Bon on arrive à combien là ?

- Combien de quoi ?

- De mots !

- Ah. 8500 un truc comme ça.

- En combien de jours ?

- Je sais plus trop. Trois ou quatre je crois. C’est un bon rythme ?

- J’ai l’impression oui.

- C’est quand même prenant cette affaire. Et j’ai l’impression qu’on a bien dévié hein. Finalement le journal c’était plutôt un prétexte. On est en train d’écrire un truc différent.

- Mais on va quand même le garder hein ?

- T’as peur de plus écrire c’est ça ?

- Bah un peu.

- Non t’inquiète pas on va le garder. C’est un moyen d’entrer dans la tête de Francis sans vraiment le faire parler. Je me dis que ça change un peu. Et puis ça va tu t’en sors pas trop mal pour l’instant.

- C’est gentil. Bon on reprend sur quoi du coup ?

- On en était où ?

- Bah t’as Francis qui peut se réveiller et aller bosser là. Et sinon t’as Henri qui est en train de se faire violer. C’est toi qui décide. Dans les deux cas c’est qui t’y colle.

- Bon bah va pour le viol. De toute manière il va bien falloir expliquer pourquoi il a planté Francis et pourquoi il s’est pas trop excusé.

- En route alors !

- Ouais. Attends que je me relise…sa main entre ses cuisses blablabla…

 Au contact des lèvres gonflées de Sarah sous ses gestes, Henri avait été rappelé à l’horreur de la situation. Il n’était pas aux commandes. Il ne contrôlait rien. Il avait simplement réussi un temps à débrancher son cerveau pour laisser opérer son corps seul, qui désormais avait besoin de soutien. Il ne pouvait pas sans aide pénétrer cette femme qui le menaçait. Il n’en avait pas la force. Des fourmillements devenus tremblements s’emparaient progressivement de ses mains, jusqu’à ses poignets, avant de venir se rependre en vagues puissantes dans ses avant-bras. Ses mouvements, mécaniques, devenaient plus complexes, plus lourds. Il luttait contre lui-même, contre ce torrent de dégout qui venait le frapper en pleine face. Ses doigts étaient humides, souillés, effectuant des va et vient à l’entrée de cette porte de chair qu’ils redoutaient de franchir. Les soupirs de Sarah ajoutaient au sordide de la scène. Il aurait voulu hurler, se débattre, mais son instinct l’en empêchait. Il devait subir l’instant pour préserver ce qu’il avait mis tant de temps à construire. Il ne pouvait pas la laisser tout détruire.

 Ils venaient d’entrer. La nausée était revenue de plus belle. Henri tentait désespérément d’oublier sa main, d’oublier ses doigts. Oublier jusqu’à l’existence de son bras. Impossible. Il ne fallait plus que les choses trainent. Il le sentait. Il ne serait plus capable de tenir longtemps. D’un bras, il avait soulevé Sarah et l’avait couchée sur son canapé. Il n’était pas particulièrement costaud, mais le désespoir permet parfois de trouver en nous des ressources insoupçonnées. Son corps avait compris. Son membre, jusque là resté inerte, s’était levé d’un bond, comme pour indiquer qu’il était prêt à se sacrifier pour que tout cesse rapidement.

- Tu crois pas que tu t’éternise un peu là ?

- Comment ça ?

- Je sais pas. C’est long et pénible à lire là non ?

- Bah c’est le but. Qu’on s’identifie un peu quoi.

- Je crois pas que qui que soit veuille s’identifier à ça hein.

- C’était mal formulé. Qu’on comprenne ce qu’il ressent.

- Mais tu sais ce qu’il ressent toi ?

- Bah j’imagine quoi.

- Tu veux pas abréger quand même ?

- Tu voudrais que j’écrive quoi ? Il l’a allongée, s’est exécuté et bonne nuit ?

- Non mais peut être un peu moins de détails ?

- J’ai fait même pas 300 mots dessus, ça me semblait correct.

- Ouais enfin en 300 mots il est juste à la porte hein. Ça peut être encore long. T’as pas une astuce scénaristique pour zapper tout ça ?

- T’as raison. J’ai peut être un truc attends.

 Le reste, il n’en avait aucun souvenir. Son corps s’était exécuté, mais son esprit avait lâché. Quand il était revenu à lui, il était allongé sur le parquet de son appartement. Sarah était assise sur son canapé, la jupe relevée et le chemisier défait. Elle buvait un verre d’eau en le regardant d’un air grave.

 - Remets ton pantalon, on sort.

En jetant un bref coup d’œil à sa montre, Henri s’était aperçu qu’il était déjà 21h passées. Il avait rendez-vous avec Francis à 20h30 ! Il avait palpé ses poches pour y chercher son téléphone afin de prévenir de son retard. Vides. Dans un sourire, Sarah lui avait demandé :

 - C’est ça que tu cherches ?

Elle tenait le téléphone entre ses doigts.

 - Ne t’inquiètes pas, j’ai prévenu Francis de ton retard. Il s’inquiétait tu sais. Il t’a écrit.

Puis, tout en continuant de le fixer du regard, elle avait glissé le téléphone entre ses cuisses.

 - Allez, je t’ai dit de te rhabiller. On va manger dehors.

 Henri s’était exécuté sans rien dire. Ils étaient sortis dîner puis danser, avant de retourner chez elle et de faire l’amour à nouveau. Toujours avec la peur au ventre. Toujours avec la nausée. Quant à son téléphone, elle pouvait bien le garder, il n’y toucherait plus jamais.

- Et voilà le travail ! T’en penses quoi ?

- Bah du coup c’est bien expéditif là.

- Faudrait savoir ! Trop de détails. Trop expéditif. Y a toujours quelque chose !

- Non mais y a peut être un juste milieu à trouver tu crois pas ?

- Tu veux qu’on échange ?

- Comment ça ?

- Bah tu prends ma place ? C’est toi qui gère les descriptions, l’histoire tout ça, et moi je fais la psychologie des personnages. Enfin surtout de Francis du coup pour l’instant vu qu’il est seul à écrire.

- Je veux bien essayer. Je promets rien hein.

- Pas de pression.

- Ok. Tu me laisses quand même faire le chapitre suivant ? J’ai des idées pour Francis là. Et puis les récits sont un peu décalés dans le temps là donc je me dis que ce que je vais écrire peut influencer la suite d’Henri. T’en penses quoi ?

- Ça me va.

- Parfait !

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