Jour 1

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Jour 1 :

 Premier jour d’écriture. Je sais pas encore pourquoi j’ai accepté ce projet avec Henri. Enfin si je sais. Ça m’emmerde un peu de l’admettre c’est tout. La vérité c’est que je suis plutôt admiratif de son travail à Henri. Alors quand j’ai vu passer l’opportunité de travailler avec lui, je pouvais pas la laisser me filer entre les doigts. Pas une deuxième fois.

 Je me souviens encore du visage de cette conne de Sarah quand elle m’est passée devant la dernière fois. Son regard bovin, son sourire imbécile pendant qu’elle observait partout autour d’elle pour être certaine que tous prennent la mesure de la chance qu’elle avait de travailler avec Henri. Quelle conne ! Vraiment ! Une grosse conne !

 Pour de la merde en plus. Un pauvre article sur la dépénalisation du cannabis. Une utopie clairement dans un pays où on prescrit des drogues dures sur ordonnance, mais où on préfère criminaliser des vendeurs qui pourraient être installés dans des boutiques gérées par l’État. Mais bon, le shit c’est un truc de mecs de cités. Alors que les antidépresseurs c’est pour les CSP+ et compagnie. Je parle même pas de l’alcool. Le « patrimoine culturel français ». Pays de la picole. Renaud l’a chanté hein je sors pas ça de mon chapeau.

Ils exportent le sang de la terre
Un peu partout à l'étranger
Leur pinard et leur camembert
C'est leur seule gloire à ces tarés

 Le vin c’est même pas de l’alcool. C’est la culture ! Une belle culture hein, attention je dis pas. Mais qu’on vienne pas me sermonner qu’un joint c’est plus dangereux qu’une bouteille de Gin ou de Vodka. Parce que j’en ai vu en magasin. J’en ai même acheté. Ces bouteilles à 6€ les 75cl d’alcool distillés avec le cul qui te foutent des maux de tête plus solides que des rochers. Pas de marque. Pas d’indication sur la provenance. L’étiquette te dit juste ce que t’es ent rain d’acheter. La Vodka de la marque Vodka. Le Gin qui s’appelle Gin. Et basta. Pas besoin de marketing. Pas besoin d’habiller ta bouteille. Les types qui achètent ça le font pas pour le goût de toute manière.

 Punaise j’en ai fait des soirées avec ces bouteilles. Jusqu’à en avoir des hallucinations. Faut dire qu’on buvait ça avec du Monster. C’était moins cher que le Redbull et on faisait pas trop la différence. Mais quand mon pote Quentin a commencé à nous dire qu’il voyait des dragons lui monter sur les bras, on s’est dit qu’il fallait peut être arrêter de faire les pinces et passer à la gamme au dessus. C’est marrant parce qu’en y repensant, on s’est jamais dit que c’était les joints qui avaient créé son délire à Quentin. On aurait peut être simplement du changer de dealer.

 Parce que qu’est-ce qu’on fumait bordel. On en a fait des aquariums. On en a vécu des soirées dans le brouillard. C’était avant que la coke et la MDMA débarquent un peu partout. Maintenant ça tape ou ça prend des parachutes. Dans les deux cas, c’est de la merde. Moi j’ai l’impression d’être déjà assez en tension comme ça au boulot, j’ai pas besoin que ça recommence pendant mes soirées et mes weekends. Parce que la MD, faut savoir que ça te tend tellement qu’il faut bouffer du chewing-gum pour pas te péter les molaires à force de serrer la mâchoire. On a vu plus con comme effet indésirable ? Alors qu’un peu d’herbe ou du bon seum, c’est quand même vachement plus agréable. Attends je reviens je vais m’en rouler un petit.

 Putain ça fait du bien. Bon j’ai pas mal digressé là. Je vais relire un peu parce que je sais plus du tout de quoi je parlais…

 Ah oui ! Henri ! Putain, Henri. Le mec, c’est une machine. C’est simple, il a le double de n’importe quel mec du journal en termes d’articles rédigés et publiés. Une productivité d’Europe de l’Est années Guerre Froide. Il suffit d’en ouvrir un au hasard et de regarder. Un article sur deux c’est lui. Alors quand il a parlé de son projet d’écrire un bouquin à quatre mains sur le métier, j’ai pas hésité !

 Bon c’est vrai que maintenant que je connais ses ambitions, je déchante un peu. Mais ça va le faire. Je m’inquiète pas trop. Le type bosse bien, je suis pas dégueulasse non plus. Non vraiment ça devrait fonctionner. Y a juste un truc qui m’embête un peu. Il va être 21h et il est toujours pas arrivé. Quand il m’a annoncé qu’on se retrouvait chez moi pour 20h30, j’ai imaginé qu’il serait ponctuel et qu’on s’y mettrait directement. Je pensais vraiment pas qu’il était du genre à arriver en retard. Je vais le relancer pour voir où il en est.

Francis : Salut Henri, t’en es ou ?

Henri : J’ai eu une galère là.

Je sais pas quand j’arrive. Je

te tiens au courant.

Francis : Ok nickel

 Bah voilà. Une galère. Dès le premier soir. Ça part bien. Je sais même pas de quoi il veut vraiment parler dans son bouquin. Il m’a juste dit « je veux écrire une histoire pour mettre en avant le journalisme ». Après il a expliqué qu’on était mal considéré, que le métier se cassait la gueule, que le niveau baissait et que l’information était devenue un produit de consommation comme les autres. Je sais pas trop ce qu’il a essayé de dire avec cette phrase. Tout ce que je sais c’est qu’il avait l’air plutôt agacé en le disant, et que ça avait l’air extrêmement sérieux. Comme s’il s’était mis en tête qu’il avait une mission ou je sais pas quoi. En plus il av...

- Mais ! Qu’est-ce que tu fous là ?

- Que…quoi ?

- Tu fais quoi sur l’ordi là ?

- Heu…rien…

- Comment ça rien ? Il est minuit passé, qu’est-ce que tu fais sur l’ordi ?!

- Je voulais me mettre un petit po…

- En tapant sur le clavier comme un fanatique ? Tu me prends pour un con ? T’as même tes lunettes. T’as besoin de lunettes pour regarder du po…

- Oui j’en ai besoin ! J’ai la vue qui baisse et la qualité des vidéos est pas folle là !

- Bon allez arête tes conneries. Tu faisais quoi ?

- Tu vas m’engueuler…

- Mais non t’inquiètes. Dis-moi.

- J’étais entrain d’écrire la suite de l’histoire…

- Je m’en doutais. C’est pas grave. T’as bien avancé ?

- Un peu plus de mille mots oui. T’es pas fâché ?

- Je te dirai après avoir lu. Allez pousse toi et montre-moi.

- J’ai écrit comme ça hein, sans trop réfléchir. Si y a des trucs que t’aimes pas tu me dis on change.

- Non ça va j’aime bien. C’est un peu mou peut être, mais bon c’est le premier jour. Si on charge trop sa journée d’entrée, on va vite être à court d’idées.

- C’est ce que je me suis dit aussi.

- Par contre on devrait peut être alterner tu crois pas ?

- Comment ça ?

- Je me dis qu’on pourrait essayer d’écrire un peu ce qui arrive autour de…Francis c’est ça ?

- Oui c’est ça. Tu penses à quoi ?

- Je te propose un truc. Tu t’occupes du journal de Francis un jour sur deux. Et moi je me charge de faire avancer l’histoire autour de lui. Il a même pas besoin d’être au courant. Si tu veux je te fais juste lire les trucs en rapport avec lui. Et pour le reste, bah je lis ce que t’as écrit et je fais avancer l’histoire en conséquence. T’en penses quoi ?

- Ça me va. Je suis crevé de toute manière. Mais qui commence demain alors ?

- Laisse moi planter le décor. Mais ce sera sûrement pas demain. Y a le weekend qui arrive mon con, et je compte bien sortir m’en coller une ! Y a pas de mal à se faire du bien !

- T’as raison. On a bien assez de temps de toute manière.

- Allez bonne nuit.

- Bonne nuit. À demain.

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