Dans l'ombre des filles en fleur

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Au fond de la cour, il y a de la terre : c'est là que sont enterrées les fleurs.

Au milieu du terrain, une petite case : à peine trois pièces, les murs en briques, les deux portes et les trois fenêtres en bois. À côté, un champ où l'on travaille une terre qui est devrait être fertile... Derrière la case, des saris étendus sur la corde à linge bougent au gré du vent et semblent prêts à s'envoler.

Les fleurs n'ont pas le droit de vivre, pas le droit de grandir, encore moins de s'épanouir... Non. Il n'y a plus de fleurs dans ce monde, il n'y a que des mauvaises herbes que l'on enterre. À peine nées, déjà condamnées, parce que : « Les fleurs nous coûtent cher. », « Elles, contrairement aux arbres, ne rapportent rien, rien sauf des problèmes ! », « On n'a besoin que d'arbres, des arbres robustes comme les banians et qui donnent des fruits comme les manguiers, les figuiers ; mais on n' a pas besoin de ces fleurs ». UN arbre vaut plus qu' UNE fleur. Voilà ce qu'on pense. Avant même qu'elles naissent, il n'y a pas de place pour elles.

Une femme s'avance jusqu'au fond de la cour. Elle passe à travers les saris, tels des rideaux qui ouvrent sur un paysage d'horreur. Le vent se tait, les oiseaux ont cessé de chanter –ils hurlent– et les nuages pleurent en pensant à ce qui va arriver, une fois de plus. La femme s'agenouille, les larmes des nuages coulent sur ses joues et se mêlent à ses propres larmes. Son cœur crie de douleur, une souffrance insoutenable et muette dans ce monde: car on refuse d'entendre le cri des fleurs. Cette femme, sans doute, sait que les fleurs sont innocentes et que le monde est cruel et insensé, mais, sans doute aussi se demande-t-elle comment les laisser pousser dans un monde où l'on nie leur valeur et les incrimine pour ce qu'elles sont.

Elle creuse la terre, sort de ses entrailles la fleur qu'elle enterre. La laisse rejoindre ses huit sœurs. Innocentes, sans patrie. À peine nées, déjà condamnées. Si ça avait été un arbre, on l'aurait laissé vivre.

Cette femme, sans doute rêve-t-elle d'un monde dans lequel on cessera de voir nos fleurs comme des fardeaux. Un monde dans lequel on comprendra que nos fleurs et nos arbres, nos filles et nos garçons sont d'une beauté égale, qu'ils ont le droit d'exister tous les deux et que sans fleurs ni arbres, le monde est incomplet. Un monde dans lequel, enfin, on n'enterrera plus les fleurs, mais on les laissera vivre et grandir. Mais, ce n'est pas avec nos rêves qu'on les sauvera. C'est avec nos actes.

M.P

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