X

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X, n’est pas mon vrai prénom, ni un nom. Je ne prétends pas être humaine, mais je ne suis pas non plus un être venu d'ailleurs. Je suis X, une personne de plusieurs centaines d’années et à l’apparence d’une jeune femme ayant à peine la vingtaine. Mon prénom est X, car tout sur moi est confidentiel : ma nature, ma vie, mes missions. Je me dois de protéger la terre de mon espèce, celle qui m’a transformé, les Shadow Walker. Pour autant, personne ne me protège de ce que je suis où ne me guide dans ce que je dois être. Je peux paraître froide, insensible, colérique, voir même imprévisible.

Parce que j’affronte la mort à chacune de mes missions, bien que je sois immortelle. Des soldats succombent à mes côtés ; blessés, torturés, tués. Je pourrais tous les sauver, mais à quel prix ? Celui de ma liberté. Si je puise la puissance de l’être faisant maintenant partie de mon corps, de l’armure me protégeant, il puisera dans ce qui fait de moi une humaine : mes souvenirs, mon humanité.

À chaque fois qu’un être meurt à mes côtés, je m’oblige à repenser à ce moment, si douloureux et si dur à accepter. Ce instant où j’ai essayé de les sauver, alors que j’apprenais encore à maitriser cette puissance.

Il y a plusieurs centaines d’années, je venais d’être fraichement transformée, pleine de vitalité, d’envie, je voulais faire la différence, je voulais aider à sauver l’humanité.

Les soldats mouraient tous des coups de feu, les premières armes furent monstrueusement efficaces. Mes amis mouraient sous les tirs, alors que je survivais à chacun d’entre eux. La douleur n’était rien face à la perte des miens. Je ne supportais plus de voir leur visage inerte, leurs corps en sang. Tous ces morts me plongeaient dans les ténèbres ; amis, compatriotes, camarades, ennemis, je ne supportais plus la vue du sang, nous nous battions sans but, sans comprendre les enjeux.

À cette époque, je me faisais passer pour un homme afin de combattre avec mes amis d’enfance : Barthélémy et Isaac. Tous deux sortaient des campagnes. Ils n’étaient pas de bons soldats, mais de fidèles amis. La guerre empoignait tous les jeunes hommes pouvant se servir d’une arme. Peu importe qu’ils soient de simples paysans. Je n’acceptais pas de les voir partir en connaissance de mes pouvoirs. À l’aide de mes parents et en particulier de mon père, le seul être ayant compris mon geste, je me fis couper les cheveux comme un homme. Ma poitrine fût plaquée par de longues bandes de tissu serrées et je me faisais passer pour un frère que je n’avais jamais eu. Ma voix grave me faisait passer pour un jeunot, les autres soldats me chambraient et mes amis me haïssaient et m’aimaient pour le geste que je venais de faire. Ils connaissaient ma puissance, ils étaient les seuls à l’avoir réellement accepté, mais ils ne voulaient pas que je l’utilise pour provoquer la mort. Ils voulaient me protéger, des autres et surtout de moi-même. Ils avaient été les seuls à le faire, à essayer de m’empêcher de devenir l’être que je suis. En moins de temps que je ne le pensais, nous avions été embarqués et envoyés au combat dans la même escouade. Armée, je l’étais, cependant, malgré la puissance de mes poings, je ne pouvais les utiliser. Je ne pouvais me transformer en cette ombre noir dévastatrice. Je ne pouvais enfiler l’armure, cette seconde peau noire où seuls mes yeux verts ressortaient, me rendant surnaturelle.

Je me contentais du fusil que je n’étais pas fière d’utiliser. Barthélémy et Isaac quant à eux, étaient fiers d’aider, de participer. Ils me couvraient, me défendaient des autres alors que j’aurais dû le faire. C’était à moi de les protéger, de les couvrir, de passer la première. La peur m’envahissait sur le champ de bataille. J’y étais, j’étais à la guerre et je ne pouvais réagir. La première chose qui glaça mon sang, était le bruit des bombes, des tirs, des cris, des hurlements, des corps tombant. Les corps explosaient sous les bombes, le sang giclait sur nos joues rouges. Nos cœurs battaient en rythme, au rythme effréné de la guerre. J’étais couverte de sang, le visage noir de boue et de sang séché. Mes amis se battaient, j’étais si fiers d’eux. Je restais en arrière, ma vue incroyable me permettait de leur indiquer les ennemis à couvert. Je donnais la mort sans toucher à une arme. J’étais jeune, dépassée, fébrile et pourtant indestructible. J’étais faible, la peur m’envahissait, celle de mal faire ou encore de blesser.

Ce fût Isaac qui tomba le premier sous les coups ennemis. Il était un excellent sniper malgré le fait qu’il n’avait jamais touché à une arme auparavant. En quelques jours de guerre, il avait su se faire remarquer. Quand je l’avais vu tomber, inerte au sol, mourir d’une balle en pleine tête, deux tranchées devant la mienne, je ne pouvais pas me retenir. Sortant de ma tranchée comme un fauve bondissant sur sa proie, je m’étais mise à courir à découverte pour le rejoindre, les balles perforaient mon corps qui guérissait instantanément. Je sautais dans sa tranchée où j’attrapais son corps sans vie, j’hurlais, mais personne ne m’entendait. Barthélémy quant à lui mourra en tentant de me protéger des balles. Il savait que j’étais immortelle, mais il avait tenté de me protéger dans ma folie. Il était mort une minute après Isaac, par ma faute.

La première émotion qui me parcouru fût une profonde tristesse, une solitude qui se transforma en colère, en rage. C’était ma faute, c’était leur faute, je rejetais mon erreur sur l’ennemi, qui avait tiré pour les tuer, sur mes alliés qui ne les avaient pas protégés. Je tenais Isaac dans mes bras, son sang ruisselant sur mes mains blanches. Son sang refroidissait, son corps s’éteignait.

Mes yeux quant à eux viraient au violet, mes mains se recouvrait d’une peau noir, luisante, moitié peau, moitié armure. Mon corps entier devenait un monstre. Je succombais à son appel, à l’appel du sang pour venger mes amis.

La nuit tombait. Seule la pleine lune et les quelques torches apportaient de la lumière aux soldats. Le bruit de la mort rugissait encore. C'est alors que je perdis conscience et que je laissais échapper le monstre que j’étais en passe de devenir.

Assoiffée de sang, de vengeance, ce fût l’une des dix batailles les plus meurtrières que la terre eu connu. Ce que les livres ne mentionnaient pas, était que les pertes n’étaient pas que dans un camp et qu’il n’y eu aucune armée venue aider à gagner la guerre.

C’était moi, j’avais tué des milliers d’êtres humains, des milliers à qui j’avais arraché la vie. D’abord l’ennemi, car ils avaient tué mes seuls amis, les seuls voulant me protéger, les seuls à m’accepter. Puis mes alliés, car ils avaient échoué dans leur mission. Nous étions à quelques heures de perdre la guerre. Moi, je perdais la raison.

Mon armure est une arme et j’ai fait couler le sang de milliers d’innocents, pour assouvir un besoin humain. Je m’étais laissée emporter par elle, j’avais brisé des vies, j’avais fait tout ce que mes amis ne voulaient pas que je fasse. Je les avais trahis.

Depuis ce jour, quand je porte l’armure, mes yeux sont rouges. Rouges du sang de chaque innocent dont j’ai pris la vie, de chaque jeune homme qui avait eu le malheur de me voir cette nuit-là. Je suis X.

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