Jalousie

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Emma possédait déjà tout ce que l'on pouvait souhaiter, mais cela ne lui suffisait guère. Chaque jour, elle jalousait et haïssait ses pairs. Quand certains l'appelaient l'ambitieuse, d'autres la nommaient l'ingrate.

 - C'est le caractère des bureaucrates, riait son mari des remarques litigieuses.

Un jour, alors que la jeune femme se rendait dans sa maison natale, elle tomba sur un vieux livre reliure cuir qui portait le nom "Envie", posé devant un petit dédale.

 - Adirer un tel objet doit être immoral. Je peux cependant m'en réjouir, celui-ci servira de toile.

Emma ne tarda pas à l'examiner et se rendit compte qu'il était inexploité.

 - Je me languis de l'habiller de ma plus belle plume. Cela devrait combler mon amertume.

Durant son escale, Emma s'accointa d'une amie d'enfance qu'elle n'avait pas croisée depuis plusieurs années. Il serait mieux de l'appeler engeance.

 - Que fais-tu dans la vie, aujourd'hui ? - Je suis à la tête d'une agence immobilière. Je l'ai ouverte l'année dernière. - Ravie d'apprendre la nouvelle ! Comment s'appelle-t-elle ? - Elle tient mon nom, je n'avais pas d'autres idées disons. Mais le succès me sourit, j'ai réussi à ouvrir cinq agences dans la région.

Emma serra les dents avant de prendre congé, se réjouir du bonheur des autres n'était pas sa spécialité.

Le soir venu, l'inspiration lui parut.

"Aussitôt la réussite que l'arrogance se manifeste.
Ces moeurs ne sont qu'agrestes.
De ses lauriers, elle n'en mérite aucun,
De son succès, je veux en faire mien"

À peine le soleil ne s’était levé, que son portable ne s’arrêtait de sonner. De sa liste infinie de messages, Emma en crut voir un mirage.

Enfin !
Son travail était reconnu !
Enfin !
Ils lui faisaient hommage !
Enfin !
Cette époque est révolue !

Enfin sortie de l'ombre de son prédécesseur, elle acquit une voiture de fonction, une augmentation et une mutation proche de son habitation.

Hâte de raconter toutes ces merveilles, elle repensa à la veille.

 - J'aurais dû la croiser aujourd'hui, elle aurait été verte de jalousie.

En croisant son géniteur, celui-ci amplifia sa bonne humeur :

 - Deux agences ont fermé, des problèmes de papiers. Tu devrais aller voir ton amie, je suppose qu'elle va de mal en pis.

Emma déclina. Elle n'était pas là pour ça. De plus, elle avait un rendez-vous, un autre vieil ami à rendre fou.

Il l'invita dans son magnifique jardin orné d'une piscine chauffée, d'une cuisine extérieure et de tout le confort que l'on pouvait imaginer. Elle ressentit de la fureur.

 - Ma maison est une fierté, je n'imagine pas m'en séparer.

Le soir venu, elle transcrivit :

"Sa maison devrait être mienne,
C'est pour ça que je travaille avec peine
Du regard des autres, il devrait se méfier
De moult malheurs pourraient lui arriver"

Le lendemain matin, elle appela son mari qui lui apprit :

 - Les travailleurs sont partis ! Le jardin est enfin fini !

Elle constata avec joie que son jardin était bien mieux que celui de son voisin.

 - Ce livre est magique, je vais enfin avoir tout ce dont je mérite, ma vie deviendra magnifique.

Ce jour-là, son reflet choqua Emma.

 - D'où viennent ces rides et ces cheveux blancs ? Je suis trop jeune pour développer une toison d'argent !

Les jours défilèrent alors que les pages du livre se noircissèrent.

De retour chez elle, la jeune femme constata que son jardin n'avait point changé. Au même moment, elle reçut un message lui apprenant que les problèmes administratifs de son amie étaient réglés.

 - Chéri ? Où sont la piscine chauffée, la cuisine d'extérieur et tout le reste que nous avions mérité ?

 - Madame, vous faites erreur, je ne vous connais pas, veuillez sortir de chez moi !

Paniquée, Emma s'enferma dans la salle de bain. Le miroir lui renvoya une image d'une femme très âgée.

 - Qu'est-ce qui s'est passé ?

Elle sortit en courant.

 - Il suffit d'écrire et je retrouverais ma jeunesse. Je ne devrais pas connaitre la vieillesse.

Alors qu'elle feuilletait le livre afin de trouver un espace libre, elle vit que sa main partait peu à peu en poussière.

Elle n'eut juste le temps de lire, sur la dernière page : "Tu as eu tout ce que tu voulais, ton temps est écoulé. Le temps est la seule chose que l'on ne peut revendiquer, acheter ou voler. Tu avais déjà tout ce qu'il te fallait. Leçon apprise. Leçon comprise"

***************

Martin possédait déjà tout ce que l'on pouvait souhaiter, mais cela ne lui suffisait guère...

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