Les malheurs qui ne nous tuent pas nous grandissent. *

3 minutes de lecture

* citation de Louis Pauwels

Geoffreoy compose un numéro de téléphone et après deux sonneries :

— Bonjour Monsieur Job, Service contentieux du Camping de la Prairie, cet appel concerne votre facture du mois d’août 2015.

— Heu... oui, pardon. J'ai bien reçu vos rappels depuis plus de deux ans. Nous n'avons pas pu venir cet été là comme prévu.

— Vous connaissiez le clauses du contrat : toute réservation est due.

— Oui, mais suite à ma réservation, j'ai connu quelques problèmes.

— Désolé, la procédure est enclenchée. Vous auriez dû annuler. Comprenez : votre bungalow réservé demeuré vide nous a causé une perte sèche d'autant que votre choix portait sur le plus beau et donc le plus cher.

— Vous allez comprendre pourquoi j'ai oublié la réservation faite... Ma femme devait accoucher en juin de notre premier enfant. Rendez-vous compte de cette bénédiction : un enfant après quinze années de mariage ! On n'y croyait plus à notre âge (elle quarante-deux ans et moi quarante-sept). Le luxe renommé de votre camping, promettait d'être notre havre pour profiter de notre bébé et permettre à ma femme de se reposer de sa grossesse qui la fatiguait beaucoup.

—Et notre équipe aurait été heureuse de vous satisfaire.

— Oui mais quelques jours après la réservation signée, ma femme s'est plainte de violentes douleurs. On a dû l'hospitaliser pour accoucher en catastrophe. Un accouchement, long et difficile… Vous êtes papa, Monsieur ?

— Oui, mais... heu... ça n'a rien à voir...

— La prouesse des médecins ont sauvé notre petit Hugo d'une mort quasi-certaine sans leur secours. Mais son cerveau n'a pas été épargné. Il est dans un état "végétatif" depuis tout ce temps, il ne réagit à rien. Un grand prématuré, ça laisse des séquelles irréversibles, paraît-il.

— Je comprends le désarroi de vous et votre épouse ; mais je vous le répète, vous auriez dû annuler votre réservation... Notre préjudice à nous, s'élève à 2000 euros.

— Le désarroi de mon épouse a été de courte durée : la mort l'a emporté quelques jours après l'accouchement. Les médecins s'aperçurent d'une anomalie de son utérus à l'origine d'une « magnifique » hémorragie, selon leur propre expression.

—Toutes mes condoléances Monsieur.

—Je ne veux pas jouer de mon malheur, ce n'est pas mon style ; mais pourriez-vous m'accorder un délai supplémentaire pour ma dette ?

— Je vais voir ce que je peux faire... mais ne nourrissez pas de faux espoirs.

Les deux hommes raccrochèrent. Geoffroy s'adresse à son collègue Michel :

— Alors, celle-là on ne me l'a jamais faite : le client s'est inventé un déluge de malheurs pour attirer ma pitié. Il a tellement forcé la dose de bobards que c'en est imbuvable. Geoffroy résume sa conversation à Michel. « S'il croit que je vais stopper la procédure avec ses bobards ! Allez, je mets l'huissier dans le coup. »

Quelques jours plus tard, Michel ouvre le journal sur les faits divers :

— Comment s'appelle ton client avec ses "bobards" ?

— Monsieur "Job", pourquoi ?

— Ecoute l'article dans le journal : « Accident mortel sur la route : une voiture sans permis a pris feu après avoir percuté un arbre. Le conducteur Monsieur Job Justin, ce quinquagénaire se rendait à sa visite hebdomadaire au centre de rééducation où vit son bébé lourdement handicapé. Une collecte initiée par ses voisins et collègues est organisée pour financer la sépulture pour rejoindre celle de sa feue épouse décédée, des suites de son accouchement il y a deux ans. Le surplus des sommes récoltées sera mis à disposition de leur fils. »

... Silence... Geoffroy compose un numéro :

— Je préviens l'huissier de cesser la procédure ; pourvu qu'il nous facture pas les frais de saisie prévue demain.

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