Chapitre 6

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— Lia ?


Alors que je marchais sans but précis dans les rues de Glenharm, mon sac dans une main, celle de Lianna dans l’autre, celle-ci me sortit de ma rêverie.


— Excuse-moi, p’tit chat. Et si on allait jouer au parc, ça te va ?

— Au parc ? Véra ?

— Non, elle ne viendra pas.

— Triste, Lia ?

— Oui. Allons au parc.


Sachant enfin où aller, j’y conduisis ma fille. On s’installa dans l’herbe, à l’ombre d’un arbre et je laissais Lianna s’amuser sur les jeux. Je voyais dans son regard qu’elle voulait réconforter mais je savais qu’elle avait aussi compris que j’avais besoin d’être seule. Pourtant, après deux heures sans rien faire, des policiers interpellèrent tous ceux qui étaient présents.


— Excusez-nous de vous déranger, Mesdame, Messieur. Mais nous sommes à la recherche d’un individu suspect signalé dans ce parc. Nous vous conseillez de faire revenir vos enfants après de vous pendant le contrôle d’identité.


Je savais qu’il allait y avoir un problème. Lianna n’avait pas encore de carte d’identité à mon nom et je n’avais pas son certificat d’adoption avec moi. J’envoyais rapidement un message à Jordan pour qu’il puisse m’en envoyer une photo.


— Bonjour Madame. Cette petite est votre fille ?

— Lianna Aubelin oui. Malheureusement, je viens juste de l’adopter et elle n’a pas encore de carte d’identité.

— Commençons déjà par la vôtre, si vous voulez bien.

— Bien sûr.


Ma carte d’identité était neuve. Les policiers risquaient de me questionner. Et j’avais eu raison d’y craindre.


— Pour être honnête avec vous, je suis la Dame de chambre de l’Impératrice. C’est elle qui a fait refaire ma carte il n’y a pas longtemps.

— Pourrait-on l’appeler pour confirmer ? Si Lianna est votre fille, elle pourra aussi confirmer.

— Et bien c’est que…

— Avez-vous une autre personne que vous pourriez contacter ?

— Je vais appeler l’impératrice, ce n’est rien.


La main tremblante, je commençais l’appel et mis le haut-parleur. Comme je m’y attendais, elle décrocha immédiatement, en colère.


— Je peux savoir où tu es Élia ?

— Ma dame, je…

— Pourquoi tu ne comprends pas que je fais tout ça pour toi ? Qu’est-ce que tu peux être égoïste !

— Stop ! Je ne suis pas seule.

— Votre Majesté, intervint alors le policier. Je suis en compagnie d’Élia Aubelin qui prétend être votre Dame de chambre et la mère de Lianna Aubelin. Malheureusement, elle n’a pas les papiers d’identité de la petite. Confirmez-vous son adoption ?

— Oh c’est vrai, je savais bien que j’avais oublié quelque chose. Je te fais la carte d’identité de Lianna rapidement. Oui, Monsieur, je vous le confirme. Élia travaille bien pour moi et les deux habitent au palais.

— Merci, Votre Majesté. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Au revoir, Mademoiselle.

— Élia…

— Je n’ai pas envie de parler.


Ayant prouvé mon lien de filiation avec Lianna, je raccrochais et laissais Lianna retourner jouer. Quand le soleil commença à se coucher, je téléphonais à un assez bon hôtel savoir s’ils avaient de la place. Nous y étions attendus rapidement. J’informais Lianna qu’on partait. On arriva à l’hôtel une vingtaine de minutes plus tard. Après avoir mangé au restaurant de l’hôtel, Lianna s’endormit immédiatement, contrairement à moi. Durant la nuit, je reçus une photo du certificat d’adoption. C’était toujours utile de l’avoir sur soi et la situation avec les policiers me l’avait bien fait comprendre. Je ne parvins à m’endormir que vers trois heures du matin, en entendant ma fille ronfler.

On se réveilla à dix heures et on partit prendre le petit déjeuner. Après avoir rangé nos affaires, je rendis la clé de l’hôtel, je payais tout et on partit. Je savais que je devais rentrer. J’étais partie sur un coup de tête, en colère mais je ne pouvais pas rester plus longtemps dehors. Mon rôle de Dame de chambre m’obligeait à rentrer et quelqu’un allait finir par se rendre compte de mon absence. Mais étais-je capable d’affronter les excuses vaines de Véra puis le regard incompréhensif de Rosalie et du reste de sa famille ? Je devais moi aussi m’excuser, pour l’avoir giflé et être partie si subitement. Alors qu’on marchait tranquillement en direction du palais, je tentais de respirer calmement, pour faire ralentir les battements de mon cœur.


— Lia ?


Je m’arrêtais et m’agenouillais pour la prendre dans mes bras.


— Excuse-moi p’tit chat. Excuse-moi de m’être disputée avec ta maman.

— On rentre ?

— Oui, on rentre. Tu dormiras dans ta chambre ce soir. Et tu pourras aller au bal si tu veux.

— Danser ?

— Oui, tu pourras danser.

—Yeah!


Lianna était la personne parfaite pour me faire retrouver le sourire. Je devais me l’avouer, mais si Véra ne m’avait rien dit, c’était aussi ma faute. Parce qu’elle savait que je n’étais pas prête. C’était la raison même qui expliquait pourquoi on cachait nos fiançailles à tout le monde. Quand on arriva au palais, il était déjà midi et je savais que tout le monde était dans la salle de bal. Discrètement, je remontais dans la chambre, changeait Lianna puis en fit de même. Après une première grande respiration, on redescendit.


— Mademoiselle Élia, contente de vous revoir, commença l’un des soldats qui gardaient la salle de bal. Voulez-vous…

— Non. Laissez entrer Lianna seulement. Laisse-moi un peu de temps.

— Comme vous voudrez.


Il entrouvrit légèrement la porte, Lianna m’adressa un regard puis courut pour aller rejoindre Véra. Appuyé contre le mur, la musique résonnant dans le couloir, je fermais les yeux, respirant un grand coup une deuxième fois. Je n’étais pas prête à tous les rencontrer, je le savais. Mais je savais aussi qu’Elena, Lizéa et Marcus seraient là pour me soutenir. Ceux qui comptaient le plus pour moi étaient là et c’était tout ce qui importait. Avant que Véra décide de sortir me rejoindre, je fis le grand pas qui me séparait de ma fiancée.


— Vous pouvez ouvrir.

— Mademoiselle, vous n’avez pas votre diadème.

— Je n’en ai pas besoin.


Avec un sourire discret, lui et son collègue ouvrir la porte. En face de moi, je vis Véra s’arrêter de parler puis tous les regards convergèrent d’un seul coup vers moi. Nombreux étaient ceux que je ne connaissais pas. Nombreux étaient aussi ceux que je connaissais. Ignorant le regard duplicateur de ma fiancée, j’approchais du buffet pour vérifier que rien ne manquait.


— Ajouter des serviettes et changez cette assiette, interpellais une domestique.

— Bien sûr Mademoiselle.


Dans mon dos, je savais que les regards étaient toujours sur moi. Je n’avais ni la tenue d’une domestique ni mon diadème de représentante impériale. Ceux qui ne me connaissait pas ne devez cesser de se questionner sur ma présence.


— Élia, est-ce qu’on peut discuter ? tenta Véra en posant sa main sur mon épaule.

— Pas maintenant. Je fais un effort alors ne vient pas tout gâcher.

— Merci. Merci d’être venu.


Avant qu’elle ne puisse faire ce qu’elle aimait faire, je m’éloignais, lui tournant le dos et approche d’Elena. Elle était en compagnie d’une magnifique femme aux cheveux rose et d’une femme brune, couronnée elle aussi.


— Contente de voir que tu n’as rien, commença Elena avant moi.

— Joyeux anniversaire, Votre Altesse.

— Besoin d’un calin ? compris-t-elle.

— Oui.


Dans ses bras, je ne pus retenir mes larmes. Véra m’avait blessée, je l’avais aussi blessée mais je n’arrivais pas à passer outre son mensonge. Elle savait qu’enfant, j’avais toujours été mise à l’écart de tous et elle avait fait exactement la même chose en ne prévenant pas pour cette réception.


— Ma petite fille m’a expliquée, vous avez toutes les deux vos tors.

— Je sais mais…

— Vous en discuterez toutes les deux, tout à l’heure. Merci d’être venue. Tu veux que je te présente ?

— Je ne sais pas si…

— Stephania, je vous présente Élia Aubelin. Elle est la Dame de chambre de Véra et… un peu comme ma petite fille.

— Enchanter Mademoiselle. Je suis Stephania Alec, ancienne Reine de Carandis et la grand-mère de Marcus.

— Vous… Vous…

— Bah alors Princesse ? Tu bégaies devant ma grand-mère ? rigola Marcus en m’attrapant par la taille.

— Tais-toi crétin.

— Je te présente aussi Emma, ma meilleure amie, cousine et tante de mes enfants.

— Et ancienne Reine de Thérésia, ajouta la concernée.

— Enchantée.

— Tu viens Princesse ? Je te présente à mes parents ?

— Non merci, c’est déjà suffisant pour une journée.

— Ne fais pas ta timide.

— Marcus !


Sans me laisser le choix, il attrapa ma main et m’obligea à le suivre. Derrière moi, Elena, Stephania et Emma, rigolèrent en même temps. Quand on approcha de deux têtes couronnées, je rougis et baissais la tête. Marcus entoura ma taille de ses bras, suscitant l’incompréhension chez ses parents.


— Papa, maman, je vous présente Élia Aubelin. Ma meilleure amie, ma partenaire de danse et la fiancée de Véra.

— Mais t’es con ou tu fais exprès ! m’énervais-je.

— Merde, j’en ai trop dit. Excuse-moi, Élia.

— Enchanter mademoiselle. Je suis Benjamin Stinley et voici ma femme Luna Alec.

— Enchantées, Vos majestés. Si vous voulez bien m’excuser.

— Élia ! Attends-moi !


Je fis quelques pas et il m’arrêta en attrapant mon poignet. Apprendre à pardonner, ce que je devais faire en permanence depuis que j’étais au palais. Ce que, parfois, je n’arrivais pas.


— Excuse-moi, Élia.

— Tu exagères. Même Elena ne sait pas.

— Je suis désolée, vraiment. Une danse pour me faire pardonner, ça te va ?

— Tu sais comment m’amadouer, toi.

— Je me dépêche.


Profitant de l’absence de Marcus, c’est Véra qui s’approcha. Cette fois-ci, elle ne me toucha pas.


— Ma deuxième grand-mère semble t’apprécier, tenta-t-elle à nouveau.

— Ne me refais jamais un coup pareil.

— Je te le promets, enchaîna-t-elle en se plaçant devant moi et en attrapant mes mains.

— Hum… rougissais-je.

— Oh, c’est vrai. Que tous les domestiques et musiciens sortent de la pièce !


Je ne pus m’empêchais de rire et elle le remarqua. Il n’y avait que quand elle jouait l’impératrice, pour qu’elle soit seule, que j’aimais ça. Quand elle jouait se rôle pour faire parler mon entourage, je n’aimais pas.


— Je suis sincèrement désolée, chérie. Je pensais bien faire. J’essaie de te comprendre mais parfois, je n’y arrive pas.

— Ta joue, ça va ?

— Je l’ai méritée, rigola-t-elle.

— Je dois aussi m’excuser.

— On la fait cette danse ? nous coupa Marcus.


Véra se plaça immédiatement entre lui et moi. Son instinct de protection et de possession reprenait le dessus me faisant rire.


— Vous avez fini, oui.

— Elle est à moi, souffla Véra.

— Elle est ma partenaire de danse.

— Si c’est comme ça, je vais danser avec Lianna.


Véra attrapa mon poignet pour me ramener contre elle, pour mon plus grand plaisir.


— Isa ! Viens donc récupérer ton idiot de mari, lui lançais-je.

— Mais avec plaisir, compris-t-elle.

— Ce n’est pas juste.

— Je te laisse choisir la musique pour me faire pardonner, enchaînais-je.

— Youpi !


J’éclatais de rire jusqu’à ce que le regard brillant et amoureux de Véra me cloue sur place. Ses mains avaient glissé dans mon dos et je me mis à mordiller ma lèvre inférieure.


— Jusqu’où es-tu prête à aller devant ma famille ? m’interrogea-t-elle.

— Marcus, Lizéa, ton oncle et ta tante savent déjà. Et j’ai envie de le dire à ta grand-mère.

— Que dois-je en conclure ?

— Je sens que je vais le regretter.


Je glissais mes bras autour de son coup et l’embrassais, plus passionnément que j’avais. Marcus nous avait déjà trahis une fois, il aurait pu le refaire. Or je voulais être libre de le dire à qui je voulais, quand je le voulais.


— Je t’aime, lui soufflais-je.

— Élia et moi allons nous mariée, dit-elle haut et fort. Je t’aime aussi mon amour.

— Et moi ? Et moi ?


Comme à chaque fois, Lianna faisait la petite fille jalouse. Je m’éloigne de Véra, la récupère dans mes bras et déposais un baisé sur son front avant que Véra n’en fasse de même.

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