A pas comptés

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La salle du théâtre est vide, les lumières éteintes.

Cela sent le vieux bois, la cire, la gélatine chauffée par les projecteurs ; l'odeur des salles de spectacle.

Tout est calme, immobile, silencieux ... Ou presque.

Sur la scène, un rond de lumière solitaire éclaire une unique danseuse. Une jeune fille frêle, mince, si légère qu'on la croirait en train de flotter dans ces ténèbres. Son teint pâle luit comme une étoile dans la plus sombre des nuits.

Cela fait si longtemps qu'elle s'entraîne, qu'elle a perdu le compte des heures. Ses vêtements sont trempés de sueur, son chignon si soigné s'est défait. A présent, ses longs cheveux roux flottent derrière elle, flamboyant étendard de sa vaillance. Parfois, au hasard d'un mouvement, viennent-ils l'envelopper, masquer son visage marqué de fatigue ; alors, elle les repousse d'un coup de tête autoritaire. Des mèches collent à son front moite, ses joues sont rouges, ses chaussons tachés de sang, mais elle continue, enchaîne sauts, pointes et grands écarts, sans relâche, sans fatigue apparente.

5, 6, 7, et 8 ... Elle compte et marque les temps, à voix basse, à voix haute, dans un souffle ou avec rage, encore, encore, juste une dernière fois, là, oui, elle y est presque ! Précision des gestes, fluidité du mouvement, ça y est, elle le tient !

Et elle reprend, répète l'enchaînement depuis le début, cette fois en riant, ses larmes coulent sans qu'elle les sente, elle l'a eue, elle a apprivoisé la bête, domptée, mise à terre, à coups de pied à coups de poing, elle domine, enfin ! Dans son bonheur, le vieux plancher résonne sous ses pas de mille tambours triomphants, les rideaux de velours fatigués sont une haie d'honneur à sa victoire, et le rond du projecteur la couronne de gloire.

Elle pose le dernier pas à terre, étourdie, ivre autant de bonheur que de fatigue. Prend enfin conscience de l'heure avancée, de ses membres lourds, douloureux, qui la feront sûrement souffrir demain. Demain ... ou tout à l'heure ?

La tête lui tourne, soudain, elle se laisse tomber à genoux, prend une grande inspiration pour calmer son coeur affolé.

Et là, seule dans la lumière sur cette scène fantôme, elle éclate de rire.

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