Le Grand Réveur

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« Concentre toi loup gris, tu dois pouvoir les sentir autour de toi »
Matthew serra les poings sur son pantalon trempé par la sueur. Cela faisait des heures qu’il était assis en tailleur à respirer ces fumées suffocantes à plein poumon, et aucun résultat !
Il ouvrit les yeux et sortit un mouchoir en tissus de son pantalon afin d’essuyer la sueur qui lui coulait dans les yeux.

L’ouest américain était connu pour ses après-midi à même de vous cuire sur place, particulièrement en cette période de l’année. Ce n’était pas comme s’il avait le choix, l’équinoxe d’été se déroulait ce soir, et pas un autre. Ce soir….il ne restait presque plus de temps.

Le psychanalyste se tourna vers le corps sans vie placé face à lui, il faisait sombre dans le tipi et le feu du chaman était réduit à quelque braises. Il pouvait déjà entendre les mouches tourner autour de l’écureuil qui gisait devant lui. Il fallait qu’il se concentre, et il y arriverait

 « Coahoma, mon ami, pourrais-je ne serait-ce qu’une fois… »

-  « Essayer seul ? »

L’indien se leva dans un bruissement de plume et de perles. Il déposa la figurine de terre cuite qu’il avait dans la main au sol.

 « Ne te fatigue pas trop, tu ne pourras assister à rien ce soir si tu vas trop loin maintenant »

- « Bien sûr, je veux juste tenter quelque chose»

L’indien sortit, après quelques instants, le docteur referma ses yeux, et ralentit sa respiration. La chaleur et les bruits s’évanouirent peu à peu, puis la conscience de son propre corps alors qu’il s’ouvrait a cette force qui peu à peu entrainait son esprit.

Tout d’un coup, il fut brutalement projeté. Il pouvait tout ressentir, l’herbe de la prairie, les chevaux, les hommes. Tout était lié par la toile. Tout….à l’exception de cette petite boule qui reposait par terre. Il concentra son esprit dessus.

C’est là qu’il la vit, bondissante dans une parodie lugubre de danse terrifiée.
Il se rapprocha, étreignant de son esprit la créature éthérée, puis la remis précautionneusement dans le petit corps qui se tenait près du feu.

Coahoma revint peu après être sorti : comme il s’y attendait, le petit écureuil se tenait sur l’épaule du médecin.

 « Tu lui donnera le nom que tu souhaites. Tu es prêt maintenant.»

Le psychanalyste releva la tête timidement. Il caressa l’animal.

- « Je…je crois que je vais l’appeler danseur »

Ils quittèrent le village et se dirigèrent vers le havre des ancêtres.

Il faisait nuit lorsqu’ils furent arrivés à destination. Les étoiles illuminaient le ciel, pareilles à une myriade de diamant.

Le chaman prit la parole.

« Tu es la premier blanc à pouvoir observer ce spectacle, c’est un formidable honneur »

-« J’en suis bien conscient Coahoma »

Lorsque venait l’équinoxe d’été, le chaman de la tribu des Navajos se rendait dans le havre des ancètres, et quittait son corps pour la nuit. Son esprit communiquait alors avec les esprits lors d’une danse surréelle, et Coahoma réintègrerait son corps avec des visions sur l’année à venir.

 « A présent écarte toi, cela va commencer. »

Sans un mot, le psychanalyste s’assit sur un rocher alors que le chaman descendait vers la plaine. Il s’arrêtât à côté d’un totem, se mettant lentement en position de méditation.
L’aurore boréale apparut, faite de bleu, de vert et de rose, alors qu’une forme humanoïde quittait le corps du chaman, dansant en rythme avec les forces invisibles que Math pouvait sentir autour de lui.

Flattant le cou de son écureuil, le docteur observa quelques instants le spectacle unique qui s’offrait à ces yeux, avant de se lasser.
Il se leva, et descendit vers la plaine à grands pas jusqu’à se placer face au corps de Coahoma. Le vieil homme était torse nu et s’était déparé de tous ses quolifichets, à l’exception d’une étrange pierre marquée d’une rune qu’il portait autour du cou.

Math arracha le collier d’un coup sec. L’air s’électrisa immédiatement autour de lui. Avec un cri aigu, danseur commença à mordre à pleines dents l’épaule du docteur. Matthew l’attrapa et le projeta froidement contre le sol.
La petite créature heurta la pierre dans un craquement, et ne bougea plus.

 « Bon, et bien merci maitre, vous m’aurez été utile. » Il sortit un colt 45 de sa poche.

Deux coups de feu retentirent dans la vallée.

La nuit était claire et froide. Matthew observa l’âme du chaman partir vers le ciel dans un cri, puis jouant avec la petite pierre, il partit en marchant vers la clairière où ces hommes l’attendaient.
« Intelligent pour un indien, mais si tu peux m’entendre Coahoma, y aura ni terrain de chasse ni havre de paix pour toi et tes braves après la mort. Il n’y aura que le grand réveur. »

Matthew s’arrêtât pour regarder les dernières marques de l’aurore boréale disparaitre.


 « Mais grâce à ta pierre, tel ne sera pas le sort de Matthew Norton. »

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