8 Le recrutement

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Je n'avais pas du tout envie d'être entraîné dans une guérilla contre des trafiquants. C'était de la folie. Je restais sans réaction. Elle en profita pour reprendre son argumentaire.

- Vous comprenez maintenant pourquoi ce serait fâcheux que vos exploits soient connus du grand public. Vous seul êtes capable de détruire ce laboratoire sans prendre de risques démesurés. Vous êtes mon seul espoir d'arriver à mes fins.

J'allais émettre une objection... ou plusieurs mais elle anticipa en reprenant rapidement.

- Considérez-vous comme un sniper, Je serai votre binôme. Ma mission sera de vous amener au plus prêt de la cible sans être à découvert et une fois le travail fait à vous extraire du lieu en toute sécurité.

« Sera » ! Elle parlait au futur comme si mon acceptation était un fait évident. Il me fallait vite doucher son enthousiasme.

- Qu'est-ce qui vous fait penser que je pourrais accepter une telle chose. Vous vous êtes octroyée une mission suicidaire et vous voulez m'entraîner avec vous ? Je ne suis pas un combattant et je ne me sens l'âme ni d'un héros ni d'un justicier.

- Vous en êtes pourtant un. Utiliser votre don pour mettre hors de combat un petit malfrat ou sauver une personne risquant de se faire tuer dans un accident vous suffirait ? Allons, je suis sûre que vous allez vous prendre au jeu et aspirer à un rôle plus important. Je vous ai suivi dans la carrière. J'ai vu ce que vous avez fait au bloc de pierre. Ne me dites pas que, une fois votre curiosité satisfaite, vous allez remiser votre don au placard et continuer votre petite vie terne. Il vous arrive quelque chose de spécial, vous avez une occasion en or de connaître une vie exaltante. Vous n'avez pas le droit de tourner le dos au destin qui vous est offert.

Elle m'avait suivi dans la carrière ! Je n'en revenais pas.

- Je voudrais que vous arrêtiez de me harceler. Votre acharnement à mon encontre est inadmissible. Si vous étiez dans la carrière vous avez dû voir dans quel état cette expérience m'a mis. Et d'ailleurs vous n'avez même pas essayé de me porter secours !

- Vous porter secours ? Pourquoi ?

- Vous ne m'avez pas vu étendu par terre, inconscient ?

- Non. De l'endroit où j'étais je voyais le bloc mais vous avez reculé hors de ma vue. Et après la destruction de la pierre je suis partie rapidement car j'étais de service de nuit.

Je fis la moue, guère convaincu par ses explications mais son inquiétude me sembla authentique lorsqu'elle s'enquit de ce qui m'était arrivé.

- Je vous assure que je ne vous ai pas vu tomber. Que s'est-il passé ? Vous avez été blessé ?

- J'ai perdu connaissance pendant une bonne heure et lorsque je me suis réveillé j'avais mal de partout comme si j'avais subit un passage à tabac en règle. Il m'a fallu deux jours pour récupérer.

Elle resta songeuse un moment. J'allais lui exprimer à nouveau mon opposition à son projet lorsqu'elle me coupa la parole.

- Cela ne veut pas nécessairement dire que vous ne pouvez pas faire ça en toute sécurité. Vous auriez du y aller plus progressivement, avec d'abord des cibles plus modestes.

- C'est possible mais en tout cas pour moi c'est fini. Je ne veux plus jamais connaître ça.

- N'abandonnez pas si vite. Vous devez avoir besoin d’entraînement. Votre don est peut-être comparable à celui d'un athlète. On a beau avoir un physique hors du commun on ne serra jamais champion olympique sans un entraînement très important.

- Je n'ai jamais eu l'intention de devenir champion olympique. Tout ça c'est fini. Utiliser ce don comme vous l'appelez ne m'apporterait que des problèmes alors tant pis si je retourne à ma vie terne antérieure.

- Ayez le courage de me dire que vous regrettez d'être intervenu dans la supérette et dans la ruelle. Vous ne répondez pas ? J'ai donc raison. Vous avez sauvé des gens, et vous pourrez en sauver bien d'autres. Je ne sais pas d'où vous vient ce don mais vous n'avez pas le droit de le refuser.

Je devais reconnaître qu'elle savait argumenter. C'était vrai qu'après mes deux interventions je m'étais senti plus légitime dans la société. Jusque là j'avais l'impression de ne servir à rien. Un boulot ennuyeux et répétitif, personne ne m'attendant le soir chez moi, j'étais un zombi. Avoir sauvé cette mère et son enfant m'avait changé. Mais pour autant je ne voyais pas vraiment comment utiliser ce don utilement en dehors de compter sur le destin qui m'avais déjà placé deux fois au bon endroit au bon moment. Je décidais de surseoir à ma décision, autant par besoin de réfléchir que pour ne pas céder trop facilement au lieutenant Dautun.

- Ce que vous me demandez est assez dingue. Laissez moi le temps d'y penser calmement.

- Vous avez tord, il faut battre le fer tant qu'il est chaud. Prendre du recul ne sert qu'à procrastiner.

Je la coupais dans son élan.

- Je ne vous en dirai pas plus aujourd'hui. Je ne reviendrai pas la dessus.

Déçue et en colère elle essaya encore de me convaincre mais devant ma fin de non-recevoir elle finit quand même par prendre congé. Une fois la porte fermée je m'écroulais dans un fauteuil, étourdi par tout ce qui avait été dit ce soir.

Au bout de quelques secondes je sentis une odeur inconnue émaner de mon siège. Je m'étais assis sur celui qu'elle occupait plus tôt et je réalisais qu'il s'agissait de son parfum. Je n'avais pas souvent la chance de bénéficier d'une présence féminine chez moi et je me laissais griser par cette fragrance. Dommage qu'elle appartienne à un lieutenant de police se prenant pour une justicière.

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