Le jour où ...

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Toute sa vie durant, Clément avait été un homme raisonnable et mesuré. Petit, il ne montait jamais sur les jeux du parc pour ne pas risquer de tomber. Adolescent, il avait veillé à se laver les dents avant d’embrasser Anne-Marie derrière le muret du collège. Il était passé chez le coiffeur et avait choisi son costume avec soin pour son premier entretien d’embauche. En toutes occasions, Clément portait dans sa sacoche : son permis de conduire, son téléphone toujours chargé, vingt euros, un préservatif, un paquet de mouchoirs, une bouteille d’eau, des chewing-gums, un stylo et un carnet.

Aujourd’hui, exceptionnellement, Clément était sorti du bureau avec un peu d’avance. Il marchait à grands pas le long de l’avenue, sans prêter attention à ce qui l’entourait. Concitoyens pressés de rentrer, doux soleil de fin d’après-midi, rien ne parvenait à le distraire de ses pensées. Obnubilé par ce laxisme qu’il s’était autorisé et qui ne lui ressemblait pas, il prit un chewing-gum dans son sac. Tout aussi machinalement, il jeta l’emballage dans une poubelle croisée en route et enfourna le rectangle vert qu’il s’empressa de broyer.

Arrivé à destination, Clément s’arrêta devant la banque et attendit dans une posture polie mais décontractée. Seuls les mouvements frénétiques de ses mâchoires trahissaient sa tension. 18h05. Géraldine allait bientôt sortir. Cherchant du regard un endroit où déposer l’objet de sa mastication intense, Clément se sentit devenir fébrile. Rien en vue. Aucune possibilité de se débarrasser de l’inconvenant.

Des cheveux roux apparurent dans l’encadrement de la porte. Un flot de lycéens déferla au même instant, faisant écran entre Clément et sa belle. L’homme raisonnable perdit raison. Il saisit l’opportunité pour cracher sa petite boule aux pieds des adolescents trop hypnotisés par leurs appareils technologiques. Puis il s’empressa de se cacher derrière l’un de ses mouchoirs pour effacer sa honte et son filet de bave. Réalisant un peu tardivement qu’il aurait pu utiliser ce papier au lieu de commettre un délit.

Les lycéens passèrent, le trottoir se libéra et Géraldine l’aperçut. Les sourires des deux amoureux s’illuminèrent. Clément mesura sa chance d’avoir pu rencontrer sa belle et, même s’ils n’en étaient qu’aux prémices, il se promit de tout mettre en œuvre pour que leur relation soit aussi longue et belle que possible. Enthousiaste, il fit un pas en avant pour la rejoindre.

« Le chewi… » voulut l’avertir Géraldine. Trop tard ! L’immondice verte était collée sous sa chaussure droite. Clément leva le pied, se contorsionnant et sautillant sur place pour observer sa semelle. Mais l’émotion et le peu de pratique sportive depuis sa plus tendre enfance eurent raison de son équilibre. Clément se sentit partir vers l’arrière. Il battit des bras, recula de quelques pas et se tordit la cheville sur le bord du trottoir. Il termina sa course par terre sur la chaussée au moment où une voiture déboula. Les événements s'étaient enchaînés si rapidement. Clément commença à élaborer l’idée que « tout cela n'aurait pas eu lieu si… » avant que ne se produise l’impact.

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