Jais et porcelaine

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Quand je parcours le long fleuve de mon imagination, semé d'images poétiques ou fantaisistes, parfois même rempli d'horreurs, j'aperçois une silhouette à l'horizon. Il me semble bien que c'est une femme. Je ne la vois pas vraiment, je m'en approche. Elle est vêtue d'une longue cape noire en tissu, brodée d'inscriptions d'argent que je ne pourrai traduire. La capuche retombe sur son visage et je ne peux le voir.

Sous sa cape, je décèle néanmoins une longue robe trainante, noire également. Elle semble repassée et impeccable. Les manches sont courtes et laissent apparaitre ses épaules pâles. Ses bras sont nus et ses mains portent des mitaines noires assorties à son vernis de couleur nuit. Dans sa main droite, un grand sceptre de pierre noire scintillante se dresse entre elle et moi. Une pierre d'un blanc si pur qu'il m'éblouit est juchée en haut du manche et retenue par de légers liens en branches d'ébène qui semblent emboîtés dans l'étrange sceptre.

Puis elle relève sa capuche et je peux déceler sur son visage au teint de porcelaine une bouche rose pâle, un nez retroussé et des yeux bruns presques noirs qui lui donnent l'air mystérieuse. Des traits noirs en forme de lune se dessinent sous ses yeux, ils semblent incrustés dans sa peau. Plus étonnant encore, ses longs cheveux de jais ondulés laissent apparaitre des cornes en haut de sa tête. Oui, des cornes blanches comme la pierre du sceptre, mais parsemées de fils noirs semblables à une toile d'araignée.

Soudain, sa tête se relève, ses grands yeux s'ouvrent comme des billes et elle m'aperçoit. Je me fige et la regarde encore une fois de plus. Elle tend son bâton vers moi. Au lieu de baisser la tête, je bombe le torse et je me tiens droite puis je tends ma main droit devant moi, dans sa direction. Un fait étonnant se produit alors. Je me sens comme propulsée dans son esprit, je ressens ce qu'elle ressent, je pense ce qu'elle pense. Je sais qu'elle peut faire pareil dans la mien, mais je n'oppose aucune résistance, je me laisse bercer dans ses pensées et je la laisse envelopper les miennes.

Je vois tout d'abord une petite fille avec des cornes blanches aux motifs noirs identiques à celles de la femme. Elle a égalment de longs cheveux noirs ondulés mais sa tenue est tout autre. Elle porte une jupe plissée qui lui arrive aux genoux, une ample chemise qui semble beaucoup trop grande pour elle et des ballerines noires vernies. Un collant blanc recouvre ses jambes fines et une cravate noire est nouée autour de son coup. Je ne vois son sceptre nulle part. Elle semble être dans la cour d'un bâtiment, probablement une école. La petite est appuyée contre un arbre, l'air triste. Elle tient également un livre dans ses mains, il ressemble plus à un grimoire qu'à un livre ordinaire tout compte fait. Je comprend alors que cette femme est une magicienne et que dans sa jeunesse, elle étudiait dans une sorte d'école de magie.

La petite fille a l'air très seule, accoudée à cet arbre. Mon coeur se serre quand je pense à ce qu'elle doit ressentir. Un jeune garçon s'approche d'elle, d'autres garçons le suivent plus prudemment. Elle lève la tête quand elle les entend approcher, elle se redresse et ses tend sa main droite dans leur direction. Un fait étrange se produit alors : son sceptre apparait d'un seul coup dans ses mains et elle menace les garçons avec. Ils s'enfuient tous sauf un, celui qui s'est approché en premier. Il tend lui aussi la main et un éclair vert en sort. La jeune fille baisse alors son sceptre et un éclair, blanc cette fois-ci, en sort.

Une lutte commence alors entre les deux apprentis magiciens, leurs visages sont crispés et chacun fait de son mieux pour maîtriser son éclair. Finalement, l'éclair blanc prend le dessus et le garçon se retrouve expulsé en arrière. La fille, elle, reste sur place, un sourire se dessine sur ses lèvres et son sceptre disparaît.

Une personne s'approche alors d'elle et lui tend la main. Elle la saisit et elle semble transportée dans une aura de lumière. Ses vêtements changent et laissent place à la robe et la cape telles que je les ai vus portées par la femme. Une grande puissance émane d'elle. Je comprends donc qu'elle vient de réussir une sorte d'examen pour devenir magicienne mais une question trotte dans ma tête : pourquoi me montre-t-elle ces images ?

Une voix comme sortie de nulle part murmure dans ma tête une réponse, je comprends que c'est la femme qui me parle :

-Je te montre cela pour que tu saches ce que j'ai vécu. J'étais une petite fille très timide et réservée mais ma plus grande passion était la magie. Je m'entraînais sans relâche pour perfectionner ma maîtrise de cette discipline quand un jour, mes parents m'ont inscrite dans l'école qui formerait les futurs magiciens, des prodiges en magie. J'ai tout de suite sauté de joie quand ils m'ont annoncé la nouvelle. Malheureusement, dans l'école, je ne me suis pas fait beaucoup d'amis, pour ne pas dire pas du tout. J'étais seule et je ne pouvais compter que sur les grimoires, mes atouts pour étudier. Je me suis alors perfectionnée, j'ai travaillé comme une folle jusqu'à l'examen final. Tu as pu voir que l'examen se lance quand on se sent prêt. C'est pour cela que Dawën, le garçon qui m'a défiée, est venu me voir quand je lisais, alors que je n'avais rien demandé. Tu as aussi pu voir que j'ai gagné le combat, je suis désormais une enchanteresse à part entière. Mais souviens-toi, je n'existe que dans ton imagination mais la magie est bien réelle, autour de nous, tâche de le faire savoir quand c'est important et de t'en rappeler lors des moments difficiles.

Tout d'un coup, le lien entre elle et moi est coupé, je ne ressens plus ses émotions et je retrouve peu à peu mes pensées. Je la vois alors en adulte en face de moi, telle que je l'ai vue la première fois. Ses grands yeux presques noirs me fixent et je sens qu'elle s'éloigne, elle se fait de plus en plus distante et bientôt je ne distingue que sa silhouete qui s'éteint à l'horizon. Ma dernière vision d'elle reste son sceptre, resplendissant dans sa main.

Puis doucement j'ouvre les yeux. Je regarde autour de moi mais je ne trouve aucune trace de la femme. Je tâche de me rappeler d'elle pour ne jamis l'oublier et de me souvenir de ses paroles pour encore longtemps car je sais qu'elles sont importantes.

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