Réponse au défi : je suis dans le sexe opposé

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Trois heures quinze. Je viens de quitter l'appartement de Lucie où nous avons fait une soirée entre amis. Ayant un peu trop bu pour conduire, j'ai décidé de rentrer à pied. J'ai quinze minutes de marche pour retourner chez moi, il fait bon, le ciel est dégagé et les étoiles brillent. Je suis dans mes rêveries lorsque d'un seul coup, je me retrouve dans le noir total, je m'arrête net. J'ai des vertiges, mes paupières sont lourdes, mes oreilles bourdonnent de plus en plus, ma respiration s'accélère puis, je m'écroule. Plus rien.

Ce matin, j'ai beaucoup de mal à ouvrir les yeux. Le soleil matinal traverse les rideaux de ma chambre. Le réveil indique neuf heures, je rage intérieurement d'avoir oublié de fermer les volets. Un mal de crâne vient faire son apparition. Je ne me souvenais plus que j'avais des rideaux dans ma chambre, cette douleur dans la tête semble me donner des hallucinations. J'ai la sensation qu'il y a quelque chose qui cloche ce matin. Je décide donc de me lever pour prendre un Doliprane, dans la salle de bain. Je suis vaseux, je manque plusieurs fois de trébucher, comme si mes pieds étaient plus petits, et ce poids au niveau du torse me perturbe.

La lumière de la salle de bain m'éblouit pendant quelques secondes. Je trouve la petite boite jaune dans le placard, c'est le dernier cachet. C'est en refermant le battant que je découvre avec effroi que le reflet dans la glace ne me ressemble pas. Je suis pris d'un sursaut en voyant ce visage. Je reste bloqué plusieurs secondes. Je bouge comme un animal que l'on place devant un miroir pour la première fois, je viens placer mes mains contre mon visage, dans mes cheveux, puis je baisse les yeux vers mon torse. Ce que je réalise manque de me faire avaler mon cachet de travers.

Je suis dans un état d'angoisse totale, le reflet que je renvoie dans le miroir m'est totalement inconnu. Me voilà à faire face à une jeune femme aux cheveux longs, châtains, les yeux bleus, un visage fin et... une poitrine. C'est comme si j'avais ma sœur "jumelle" en face de moi. Le souci, c'est que je suis l'aîné d'une fratrie masculine. Je ne peux m'empêcher de me déshabiller pour voir de quoi j'ai l'air, si c'était de la réalité virtuelle ou un simple rêve, cela m'aurait amusé, sauf que là, ça me terrifie.

J'essaie de me rappeler de ce que j'ai fait hier soir. Je me souviens avoir eu un vertige dans la rue puis, plus rien. Comment suis-je rentré ici ? Et d'où sort ce shampooing démêlant ? Ce pot de démaquillant ? Ce lisseur ? Je sors de la pièce totalement dévêtu pour voir si je suis bien dans le même appartement. Il n'y a aucun doute là dessus, je suis chez moi. À quelques détails près. La déco n'est vraiment pas la même, mes vêtements sont tous différents. Je marche comme un dératé, pardon, une dératée dans l'appart à parcourir toutes les pièces. Tout est différent d'hier, je tombe sur mes papiers, mon permis, ma clé de voiture n'est pas de la même marque. Ma carte d'identité indique :

"DUTTEY Camille, F, né(e) à Nevers le 14/06/1994"

Le stress augmente d'un cran, j'ai le même prénom, la même date et lieu de naissance, mais une simple lettre change, ce "F" me donne envie de pleurer. Cela me rappelle l'école, où mes camarades disaient que j'étais une fille avec un tel prénom, ils ignoraient tous qu'il s'agit d'un prénom mixte. J'avais été mal sexé lors de l'échographie. Voyant un garçon sortir et non une fille, ils ont décidé de me laisser ce prénom.

Je vais voir la galerie photo de mon téléphone, toutes les photos sont quasi identiques, seuls les selfies changent, j'y suis en femme.

Mes courriers, mes anciens livrets scolaires, mes SMS, tous font référence à une existence du sexe opposé, c'est comme si toute ma vie venait de changer, comme si une fille était née à ma place.

Je suis en train de suffoquer dans cet appartement, je décide de m'habiller pour sortir, j'essaie de trouver les vêtements les moins féminins que possible, je trouve un t-shirt blanc et un jean, bien que moulant, ça devrait le faire.

Je suis content qu'il n'y ait presque pas de chaussures à talons dans le couloir, car je me demande comment j'aurais fait pour passer inaperçu... En parlant d'inaperçu, je me sens observé, je vois certains mecs me reluquer, j'ai l'impression d'être une étrangère. Je sais exactement ce qu'il se passe, je suis une femme et disons que... j'ai des formes.

J'entends quelqu'un m'interpeller, un homme qui vient dans ma direction, c'est Quentin, mon meilleur ami, il est bien habillé, on dirait qu'il va à un rencard. Le stress est à son comble. Comment sait-il que c'est moi ?

À peine arrivé à mon niveau, il me prend dans ses bras accompagné d'un long baiser.

— Coucou ma p'tite chérie d'amour !

Je suis sous le choc, et pourtant, cet instant est loin de me déranger.