Un ange est passé dans ma vie

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Dehors c’était l’hiver. 

Menaçant, sévère. 

Alors j‘ai mis du temps à renaître !

*

Je sentais en moi mais également à fleur de peau, une présence. Parfois un frôlement. Une autre fois, une caresse apaisante sur ma main.

Mais je n’étais pas sûr.

Je voulais ouvrir cette « sorte de rideau » et en même temps, j’avais si peur.

Tu étais là, peut-être. Je t’ai entendu. Cette sorte de présence intime me donnait l'envie de te tutoyer.

Tu me parlais souvent ! Et moi, je n’avais rien à t’offrir en échange de ces mots qui mis bout à bout étaient comme une « écharpe d’amour ». Je me demandais si tu me lisais un livre ou cela sortait-il de toi. De ton cœur.

Et moi j'avais mal.

[6 mois]

J’avais mis du temps, seconde après seconde.

Goutte à goutte, jour après jour.

J’entendais autour de moi des gens parler.

Pas fort, parfois même, des murmures.

Ils semblaient s’opposer sur une stratégie. Ils négociaient dans des termes techniques auxquels je n’entendais rien. Et moi, je croyais même qu’ils se disputaient.


Un fois, j’avais même cru entendre quelqu’un pleurer.

D'autres vinrent s’adresser à moi, comme portés par une infinie tristesse. Je sentais une grande compassion. Ils avaient l'air d'espérer. Ils parlaient de voyage, de profondeur, de retour !


Et cette détresse, cette émotion palpable me saisissait.

Tant d’inquiétudes.


Je voulais leur dire quelque chose, participer, répondre.

Mais quelque chose parlait à ma place. J’entendais cette sorte de respiration puissante et frénétique, cyclique, profonde et aussi d’étranges pulsations venaient juste derrière.

Je voulais parler à cette « présence mécanique » et lui demander de s’éloigner, de se taire.


« Observer sans voir » sans cesse et ne jamais rien pouvoir dire !

Un supplice.


[2 ans]

Parfois, je sentais des parfums mélangés.

Ils m’évoquaient la campagne, la montagne, des jardins.

Le vent couchait des blés à perte de vue.

Ces odeurs dessinaient pour moi des paysages. Elles me mettaient de la joie dans tout mon être même si ce dernier me restait invisible.

C’était quand même étrange que je puisse réunir autour de moi, autant de personnes qui me semblaient des proches et qui dans mon souvenir — Tiens ! Étrange, je me souviens ! — passaient habituellement un temps infini à se chamailler, à se quereller, sur des choses futiles.

Un instant, je m’étais cru comme habité d’un pouvoir étrange m’offrant la possibilité d’attirer, de réconcilier la famille, les amis, des voisins.


Je me voyais messie, devin, ermite, moine, gourou.


[5 ans]


Depuis quelques temps, je n’entends plus cette respiration et ces pulsations !

Ils ont dû congédier ces accessoires bruyants, étranges mécaniques aux bruits suspects.

Quelqu’un m’a retiré des morceaux de plastique qui encombraient ma bouche et m’empêchaient de parler. Je suis content car je n'ai plus ce goût désagréable et permanent. Et puis je peux remuer ma langue et sentir ma salive.

Je sens encore l’empreinte désagréable sur le palais et j’ai comme une sensation d'endormissement de la joue, suscitant l'idée d'une peau de cuir épais.


[5ans, 6 mois et 1er jour]

À présent, je vois — Je vois ? — des lignes de lumière.

Elles défilent en pointillé dans une sorte de long passage, peut-être un couloir.

Elles sont situées au plafond.


Étrange ! On dirait des néons.


[5ans, 6 mois et 2ème jour]


Subitement, il y a tout une foule qui s’affaire autour de moi.

Des gens circulent dans les couloirs.

Des ascenseurs avalent des gens.

Des chariots se déplacent tout seuls.

Des blouses bipèdes répondent à des appels téléphoniques à l'aide d'une oreillette.

On dirait une ruche.


Cela m’oppresse.

  • Allez, on rentre !

Qui a dit cela ?


[5ans, 6 mois et 5ème jour]

  • Pierre, tu vas sortir aujourd’hui. Ne m'oublie pas !

Quelqu’un ralentit et stoppe le véhicule dans lequel à présent je suis assis.

Il !

Non !

Elle pose une main affectueuse, bienveillante, chaleureuse sur mon épaule. Ses doigts " magnifiques " glissent en se retirant comme à regret mais je sens encore leurs présences.


Puis levant les yeux.

Oh ! Mince ! Tous ces gens sont-ils là pour moi ?


Pas de réponse.


Un instant, je ne veux pas les voir.

Je refuse, je tourne la tête, cherchant " Elle " du regard.

Cette présence si douce, ce réconfort, cette compagne de mes nuits de douleurs n'est plus là.

Avec elle, cette voix chaude, cette sorte de grain, de fêlure.

Le genre de voix qui vous envahit, vous enlace, vous charme, vous emporte.


Oh ! Cette voix qui m’a bouleversé bien des fois.

Si tu savais, comme j’ai rêvé de toi.

Nos corps enlacés ne faisaient qu’un et nous respirions nos parfums, nos émois.

Formes, courbes, étreintes.

Non, je n’ai pas imaginé tout cela ?

Apparemment je suis libre et pourtant, je ne bouge pas.

Je t’en supplie mon amour ! Reviens-moi !

J’ai tant besoin de toi.

Des larmes coulent sur mes joues.

J’ai la gorge tellement serrée. Je sens monter comme des flots tumultueux.

Alors, armé de mon seul courage, je me lève, me déplie, me redresse.

Instantanément, toutes ces personnes ne disent plus rien, comme figées, sidérées.


Le silence est palpable.

Ou plutôt tous les bruits autour s’estompent.

Aucune hostilité.

Non, plutôt de la douceur.Tous ces visages qui me regardent.


Si vous saviez ce que je lis en vous, tellement d’émotions, tellement de messages que seuls mes yeux traduisent pour moi, rien que pour moi.

Alors j’ouvre la bouche pour parler, enfin.

  • Quelqu’un l’a vue ?

Puis me tournant légèrement, ma main dessine comme une arabesque dans l’air.

  • Elle était là.

Ma voix tremble d’émotions contenues.

Elle était là ! reprend la pièce en écho.


Les mains jointes et le regard habité, je libère ces mots dans un sanglot irrépressible.

  • Elle a veillé sur moi !!!

=O=


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