2. 

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— Je ne retrouve plus ma robe bleue, vous ne l'avez pas vu ? crie Manon depuis la chambre des filles.

— Pendue dans l'armoire de ton côté, répond Camille sur le même ton, sa voix amplifiée par la résonance de la salle de bains.

Elle me regarde et lève les yeux au ciel avant de se rapprocher du miroir, son crayon à la main. D'une main experte, elle trace son eye-liner et papillonne des yeux quand c'est fait.

Manon surgit dans l'embrasure de la porte.

— Comment vous me trouver ?

Elle tourne sur elle-même pour nous montrer sa tenue dans son ensemble.

— Ça te va bien.

— T'es toute belle comme ça, renchéris-je.

Elle me sourit, flattée par le compliment, avant de faire la moue.

— J'ai demandé aux gars et ils ont dit que j'étais normale.

— Cherche pas, ils sont cons ! m'exclamé-je plus fort que nécessaire pour que Claude et Antoine entendent.

— Gnia gnia, me parvient une voix depuis le salon.

Je souris.

— Bon, je te laisse la place, j'ai fini de me préparer. Je vais rejoindre les deux autres.

Je m'écarte pour que Manon puisse se maquiller mais elle recule d'un pas et me lorgne d'un œil expert.

— Dis donc, toi aussi t'es tout beau. Il sort d'où ce pantalon en lin ?

— Je l'ai acheté il n'y a pas longtemps.

Elle hoche la tête en souriant.

— Pas mal, pas mal du tout.

— Allez, dépêchez-vous on va être en retard.

— Bien, chef !

Je quitte la pièce en riant. Après le match de volley, nous sommes restés avec nos nouveaux amis et nous avons discuté autour d'une bière. Et puis, ils nous ont invités à les rejoindre au bar ce soir. Ça explique l'effervescence qui s'est emparée de l'appartement depuis que nous sommes rentrés : il a fallu faire à manger pour cinq, dîner et se préparer, tout ça en deux heures à peine. Et nous sommes censés être là-bas dans dix minutes, sachant que c'est le temps nécessaire de marche pour rejoindre le lieu de rendez-vous.

Je pourrais blâmer les filles mais sur ce point-là, j'ai conscience d'être aussi long qu'elles pour me préparer. Antoine et Claude sont prêts depuis un quart d'heure au moins et attendent bien sagement sur le canapé. Je suppose que nos oreilles doivent siffler.

Je fais un crochet par ma chambre pour récupérer mon téléphone. Nous avons loué un appartement pouvant accueillir six personnes et comme il y a trois chambres, j'ai la chance de ne pas avoir à la partager avec quelqu'un : Camille et Antoine dorment ensemble – bien évidemment – et Manon et Claude sont dans la deuxième chambre. Ils sont amis depuis bien plus longtemps que je connais Manon et Camille et ce n'est pas la première fois qu'ils sont obligés de dormir tous les deux. Je ne me voyais pas les rejoindre dans leur lit, à partager une couche faite pour deux, à trois. Un petit coup de persuasion bien placé et me voilà assuré de dormir seul pour les vacances.

Je traverse le petit couloir et débouche dans le salon.

— Ça y est, vous êtes prêts ? lance Antoine, impatient.

— Seulement moi, réponds-je, en m’affaissant dans le canapé à côté de Claude.

— C'est pas croyable ça, c'est tout le temps la même comédie, bougonne-t-il dans sa barbe.

— Tu dois bien savoir comment est Camille depuis le temps que vous êtes ensemble.

Il hausse les épaules, fataliste.

— J'aime beaucoup ton pull, me complimente soudain Claude, je cherche quelque chose dans ce genre, tu l'as trouvé où ?

Je regarde instinctivement mon vêtement. J'avoue que je suis plutôt content de mon achat : un sweat à capuche vert et sans manche ; parfait pour les mi-saisons où, comme là, pour les sorties en ville le soir. Certes, il rendrait mieux si je prenais cinq bons kilos où bien à quelqu'un aussi musclé que Claude, mais franchement, j'ai accepté mon corps depuis longtemps et je trouve ça mignon, qu'importe qui le porte.

— Merci, tu peux en trouver partout je pense, regarde sur Internet.

Il hoche la tête, pensif.

— On a finiiii, retentit la voix de Camille avant qu'elle n'arrive au salon. Allez, on y va, on est déjà en retard !

Claude souffle bruyamment et nous nous levons. Antoine s'approche de Camille et la prend dans ses bras.

— T'es belle, chuchote-t-il.

Mais mon ouïe est fine et je l'entends.

— Evidemment, c'est ma femme !

Je pose la main dans le dos de Camille et elle quitte les bras de son copain pour rejoindre les miens. Je fixe Antoine et un sourire narquois se dessinent sur mes lèvres.

— Alors toi...

— Bon, on y va ?

Tout le monde acquiesce et nous sortons enfin.

Nous rejoignons très vite le centre-ville puis arrivons sur le bord de la plage. La plupart des bars et des restaurants se situent le long de la promenade qui borde le littoral car le paysage est idéal pour dîner. Nous avons prévu d'aller dans un de ces établissements au cours de nos vacances pour pouvoir admirer le coucher de soleil sur l'océan tout en profitant d'un bon repas.

Nous croisons des familles qui profitent de l'air frais du soir pour faire une longue balade avant d'aller se blottir dans les draps de leur lit, des couples de tout âge qui marchent main dans la main ou, comme nous, des groupes d'amis qui rejoignent les bars d'un pas pressé avant de partir à la découverte du monde de la nuit.

Enfin, nous arrivons à l'adresse que Marcus nous avait donnée un peu plus tôt.

— Ce doit être là, s'arrête Camille.

Nous cherchons du regard une tête familière, hésitants à rentrer sans être sûrs que nos nouveaux amis soient arrivés, lorsqu'une voix crie mon prénom.

Je me retourne, alerté et quelque peu embarrassé, lorsque je remarque quelqu'un nous fait signe de la main de l'autre côté du chemin. Une esplanade a été installée comme en équilibre par-dessus la plage de sable et au vu des tables qui y sont dressées, elle semble avoir été prise d'assaut par les bars, certainement autorisés à y agrandir leur propriété. Je reconnais Marcus, attablé avec ses amis.

— Ils sont là, dis-je en les montrant du doigt.

Nous les rejoignons et nous excusons pour le retard en prenant place.

— Pas de problème, nous rassure Marcus en se décalant pour que je puisse glisser ma chaise à côté de lui.

Comment me suis-je retrouvé à cette place ? Aucune idée mais j'avais l'intention de me mettre à l'opposé, j'ai été déjà bien mal à l'aise cette après-midi. Ma timidité combinée à une personne qui m'impressionne ne font jamais bon ménage. Je lui jette un regard en coin : il porte un pantalon brun et une chemise en coton largement ouverte sur son torse et dévoile ses pectoraux dessinés qui me donnent très envie de les toucher pour connaître leur consistance. Je suppose que c'est fait exprès. Je comprends que lorsqu'on a un corps comme ça, on a tendance à être légèrement imbus de soi-même et qu'on veuille le montrer. Moi-même qui n'ai pas ce physique, j'aime me montrer et je suppose que tout le monde est plus ou moins pareil.

Notre commande arrive et le serveur dépose les boissons devant chacun d'entre nous avant de repartir. Antoine paye pour celle de Camille et, d'ordinaire, j'aurai fait une réflexion à base de mièvreries de couple mais je me tais pour deux raisons : un, je suis en présence de personnes qui ne connaissent pas notre humour et deux, j'avoue non sans une pointe de honte que cette remarque ne servirait qu'à nourrir une jalousi envers l'amour.

— Alors, vos vacances vous plaisent pour le moment ? Vous restez combien de temps ? nous demande Claudia en sirotant son verre.

— Pour l'instant, on n'a rien à reprocher, répond Camille avec humour. On a prévu de rester une dizaine de jours...

Elle se tourne vers nous pour avoir notre assentiment.

— Alors on doit tout faire pour que votre petit séjour chez nous se passe du mieux possible ! s'exclame Marcus.

— Merci, c'est gentil. Vous habitez donc ici ?

— C'est ça.

— Et vous, vous venez d'où ? demande Adrien poliment.

— D'une petite ville en plein milieu de la France. Vous ne devez pas connaître, ça n'a rien à voir avec ici, répond Claude en grimaçant.

— Vous avez de la chance, déclaré-je, vivre ici, c'est un peu comme vivre en vacances toute l'année.

— Peut-être. Je dois bien avouer qu'il y a toujours quelque chose à faire, explique Julia : l'été, on se baigne et on profite des bars en terrasse et l'hiver, comme il y a beaucoup moins de touristes et que c'est balayé par le vent, on préfère faire de longues balades dans les terres ou surfer. Vous avez sans doute dû affronter les vagues en vous baignant.

Nous échangeons un regard rieur.

— Oui, marmonne Manon, je dirais plutôt qu'on en a déjà payé les frais à cause de certains gars trop bagarreurs...

— Ah les hommes ! Si je n'étais pas là, j'en connais un qui ferait n'importe quoi, rétorque Julia en jetant un regard en biais à son frère.

Mais celui-ci l'a remarqué et lève les yeux au ciel, faussement outré, provoquant des éclats de rire autour de la table.

— Oh mais j'y pense ! s'écrie Marcus. On a justement prévu d'aller surfer demain. Ça serait cool si vous veniez, non ?

— Je n'ai jamais surfé de ma vie, hasardé-je. Et je ne suis pas sûr d'y arriver.

— Nous non plus, renchérit Claude.

— Ce n'est pas grave, moi non plus, j'ai du mal. Allez venez, supplie soudain Claudia, j'en ai marre d'être la risée de tous, il y aura enfin quelqu'un pour partager ma douleur.

— Dis que nous sommes des vrais tortionnaires ! gronde Adrien.

Le regard qu'elle lui jette par dessus ses lunettes est sans équivoque, ce qui nous fait bien rire.

— Moi, je suis partant, commence Antoine.

— Moi aussi.

Je deviens la cible des regards intrigués.

— Quoi ? J'aime l'eau et ça peut être drôle, me défends-je.

— Ça, c'est mon Jules ! crie Marcus en passant le bras autour de mes épaules et en m'attirant contre lui.

La soudaine proximité et la chaleur de son corps que je sens à travers mes vêtements me provoque une étrange sensation au creux de l'estomac mais il s'écarte avant que l'embarras ne me gagne.

— Tu verras, tu vas vraiment t'amuser.

Son regard est chargé de malice, prémices d'une expérience fabuleuse.

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