Pas à pas
Automne rouge, ocre et roux. La semelle avance. Mécanique du corps enrayée par un caillou minuscule dans le soulier. Après une pause, le gravillon est délaissé, la chaussure relacée. À l'instant où je repars, je perçois et ressens. Mes orteils se soulèvent et s’abaissent dans un ensemble parfait. Instrumentistes silencieux. Le talon pointe le pied en hauteur, lequel s'appuie ensuite sur le chemin. J'aplatis les feuilles, je pèse de mon poids sur les aiguilles des pins, le plaisir du geste me réjouit. Le bout de ma chaussure soulève l’amas de feuilles. Ce pied plié, tendu, ravive mon enfance.
Un muscle ignoré tire la cheville, chaque pas me propulse, pas seulement sur la terre. Je pourrais m’envoler. Après tout, j’accomplis parfois la prouesse dans mes rêves. J’en suis certaine maintenant : mon sang pulse jusqu’à mi-jambe, résonne dans ma poitrine. Tam-tam régulier, puissant, rassurant.
De la marche à la danse, il n’est qu’un pas, un emballement, une passion de la voûte plantaire, comme elle est belle cette appellation. Un équilibre assuré, parfois précaire. Musique et poésie. Comme il est étrange, ce geste si fréquent : la marche. Ce geste anodin qui devient un présent lorsqu’on en prend conscience.
Je marche sans le savoir. Chaque jour, j’avance sans y penser. Ce pied qui se meut, plie, appuie, bat la mesure de mes humeurs, de mes allures et mes postures.
Jamais nous ne songeons à ces pieds danseurs, coureurs, promeneurs discrets qui portent notre vie.
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