Z'inthra l'Immaculée p3

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Vellin regarda Lunepâle s’éloigner dans l’une des artères les plus bondées de Z’inthra, accompagné de Nathaniel Tristetaille et de Maître Coeurvelu, son mentor. L’érudit et le gamin, tous deux considérablement gêné par leur embonpoint au milieu de la foule dense, devaient presque courir pour parvenir à suivre le svelte Coeurvelu qui s’élançait à grandes enjambés. Ils se rendaient ensemble à l’ancienne Guilde des Aventuriers -reconvertie en une antenne locale de la Maison des Découvertes depuis la fin de la guerre- pour y récupérer une relique provenant de la première expédition menée par Blastus Thaa. Vellin ignorait encore la nature de cette relique, mais Lunepâle semblait sûr qu’elle aurait son importance dans leur quête.

Les autres magistères avaient tous fait la route à cheval. Lunepâle avait prétexté des douleurs aux dos afin de voyager en charrette et cela lui avait permis d’enfin s’entretenir avec Vellin à l’abri des indésirables.

Se retrouvant seul, le jeune homme commençait à peine à mesurer la gravité de sa situation. La mission s’annonçait bien plus périlleuse qu’il ne l’avait imaginé.

Maître Lunepâle semble penser que de nombreux dangers planent au-dessus de nos têtes. Les Sympathisants de Tyr, les Adorateurs de l’Unique, des conspirateurs secrets, la Reine elle-même… Je ne me doutais pas qu'autant de personnes puissent s'intéresser de près à nos recherches. Alors s’il savait que j’ai parlé à mes amis…

Non, je suis sûr que Nathaniel et Sybille sont dignes de confiance. Ils pourront aussi m’aider en cas de besoin !

Mais tout de même, quelle sinistre affaire. Je vais devoir faire profil bas durant les prochaines semaines. Une fois les Crêtes Sifflantes passées, nous laisserons l’Empire et ses manigances derrière nous.

Quant à la suite…bah, j’aurais le temps d’y réfléchir.

Tout en se laissant aller à ses interrogations, Vellin remonta la voie principale encombrée d’échoppes marchandes, qui conduisait à la Bibliothèques des Érudits.

Z’inthra avait été construite sur une butte surplombant la rivière Tanidie, de sorte que la plupart des bâtiments importants se trouvaient en son sommet. En tant qu’ancienne Cité Libre, elle constituait le chef-lieu de la région, forte de ses trente mille habitants. Son titre de l'Immaculée provenait de ses murailles et bâtiments, presque tous bâtis en briques de grès blanc, une roche présente en grande quantité et affleurant le long des méandres creusés par la Tanidie depuis les Monts du Rhas.

A l’image de la ville, la voie principale -rebaptisée Voie Impériale- avait subi de grandes transformations suite à son annexion par l’empire. Des immeubles entiers avaient été détruits pour élargir la rue afin de faciliter le passage des chars et des chariots, très en vogue à Ircania. De profonds fossés avaient été creusés, créant autant de cicatrices boursouflées, pour permettre le passage de l’eau ainsi que l’évacuation des eaux usées. Z’inthra s’était vue appliquer les mêmes améliorations que sa consœur capitale -imaginées et développées par Razhan-, devenant en l’espace de quelques années une ville saine et vivante.

Les nombreux commerces de bouches et d’artisanats laissèrent peu à peu place à de hauts bâtiments administratifs à mesure que Vellin gravissait la butte. Il arriva finalement au point culminant, où s’étalait une large place encerclée d’édifices imposants, et dont les dalles -blanches, toujours-, reflétaient cruellement la lumière du soleil. De petits groupes de notables richement vêtus marchaient en discutant à voix basse. Le calme relatif du lieu tranchait avec l’agitation bouillonnante de la basse-ville.

La Bibliothèque des Érudits se dressait à l’extrémité gauche de la place. Il s’agissait d’un monument imposant par sa taille mais au style rudimentaire et monolithique. Une sorte d’énorme bloc de pierres cubique, exempt de la moindre fioriture stylistique et uniquement reconnaissable par ses bannières bleues qui tombaient avec lourdeur en l’absence de vent. La bibliothèque représentait le bastion local de la Maison du Savoir.

Pourtant, ce ne fut pas elle qui attira l’attention de Vellin.

Un immense temple, surmonté d’une statue haute comme cinq hommes, dominait l’ensemble des bâtiments entourant la place. L’énergie brute qui en émanait était palpable.

Il était constitué d’un complexe de quatre colonnades massives en marbres blanc encadrant la base de sa structure, lesquelles soutenaient un toît qui se terminait en une coupole faite de cristaux iridescents. Les pierres d’une beauté à couper le souffle, changeaient continuellement de teintes à chaque nouvel angle de vue que prenait l’observateur, de sorte qu’elles semblaient danser de mille couleurs dans la lumière du soleil. La statue quant à elle, forgée d’or pur, couronnait la coupole en un halo de feu doré. Elle formait un cercle parfait traversé d’un trait vertical, symbole que Vellin reconnut aussitôt.

L’Unique.

De mémoire d’Homme, jamais aucun humain au cours de l’histoire ne s’était élevé assez haut pour oser revendiquer le trône de Dieu. Ainsi, les Humains n’avaient jamais eu de Dieu et leur Panthéon restait désespérément vide. Faute de figures divines, de nombreux peuples humains s’étaient tournés vers l’Unique et le culte des Adorateurs de l’Unique avait fini par naître.

Bien que les Adorateurs de l’Unique fut le seul culte reconnu au sein de l’Empire, ses fidèles demeuraient rares au sein de la capitale. Les ircaniens ne se fiaient qu’en des grandeurs concrètes et quantifiables. Pouvoir, puissance et argent étaient leurs maîtres-mots. On notait également une certaine fébrilité pour les sciences et techniques, insufflés depuis peu par Razhan. Ircania ne disposait que de quelques temples, et de statures insignifiantes, pour accueillir les fidèles. Dans les cités de l’ouest les choses étaient différentes. Le culte jouissait d’une grande notoriété et d’imposants édifices avaient été bâti en la gloire de l’Unique.

Vellin se retrouvait face à l’un d’eux pour la première fois. Au fond de son esprit, cette image impressionnante faisait écho à sa récente prise de conscience.

Alors ça ressemble à cela, un temple à la gloire de l’Unique dans les territoires de l’ouest ? Quelle incroyable démesure… et cette sensation… quel réceptacle de pouvoir formidable ! On raconte qu’il a été construit sur les ruines du temple vénérant l’ancien souverain tyrannique de Z’inthra, le seigneur T’hesida. Avant que son peuple ne se soulève et ne le massacre…

Une ville conquise sans la moindre goutte de sang versée. Encore un éclatant fait d'armes à accrocher à la chemise de Maître Razhan.

Ainsi notre Reine n’était pas la première à se rêver en Dieu parmi les mortelles. Cette obsession semble aller de pair avec le pouvoir… D’ailleurs, ne dit-on pas chez les magistères pourpres que la puissance appelle à la puissance ? Si la soif du pouvoir croît à mesure que s’éveille la puissance, voilà bien une tare dont je ne serais pas affligé…

Pouvoir et vénération. Du pouvoir naît la vénération et de la vénération enfle le pouvoir. Un cercle vicieux qui doit s’avérer cruellement addictif pour ceux qui y ont goûté.

Serait-ce ici, devant les colonnes louant la grandeur du Tyran T’hesida, qu’ont germé les graines des ambitions folles d’une Reine ?

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