Chapitre 1 La chute des Héros p2

6 minutes de lecture

Une foutue chance dont je me serais bien passée !

Trois jours auparavant Tôlem fêtait tout juste sa seizième année dans la ferme de ses parents, situé à une demi-journée de marche de l’Altarie et à une journée de Seddis la Rouge. Pour l’occasion, son père l’avait absous des travaux inhérents à l’exploitation familiale le temps d’un après midi. Délivré de la corvée de traite et de la réparation des clôtures, Tôlem avait décidé de se rendre à Didyme, le village le plus proche, une bourgade d’environ trois milles âmes, afin d’acheter un cadeau pour l’élue de son cœur, la douce Asha. Il pourrait ainsi enfin officialiser son amour pour la jeune fille de la ferme voisine. Même son père, si rude, serait ravi de cette union qui renforcerait durablement la famille.

Seulement rien ne se déroula comme Tôlem ne l’avait prévu.

Il sortait de chez Dame Galys, avec en sa possession l’une de ces magnifiques parures très en vogue chez les jeunes femmes de la région, acheté à prix d’or avec l’ensemble de ses modestes économies, lorsque ses pas pressés croisèrent ceux d’un officier de Seddis.

Quelques jours auparavant, le Haut Conseil de Seddis, instance gouvernante de la région, avait déclaré que les villages voisins devaient désigner cinq cents jeunes hommes âgés d’au moins seize ans pour apporter leur contribution à la logistique de la grande armée des Cités Libres pour la bataille à venir. Le hasard voulu que cet après midi là, l’officier que Tôlem bouscula en sortant précipitamment de l’échoppe était justement celui en charge des recrutements dans le village de Didyme.

Soixante-dix recrues.

Telle était la contribution qu’attendait le Haut Conseil de la part de la ville de Didyme. Il manquait encore sept recrues à l’officier pour remplir sa mission. Après un long sermon et moultes questions, Tôlem devenait la soixante quatrième recrue désignée de la ville de Didyme.

Encore sous le coup du terrible concours de circonstance qui venait de sceller son destin pour les jours à venir, Tôlem se hâta de retourner voir sa chère Asha, afin de lui ouvrir enfin son cœur et de partager avec elle les doutes qui l’assaillaient.

Pendant les heures chaudes de l’après-midi, Asha avait pour habitude de se rendre avec ses bêtes près du petit ruisseau jouxtant les pâturages, afin d’y trouver fraicheur et tranquillité.

Lorsque Tôlem y courut, les chèvres paissaient paisiblement au bord du ruisseau mais il ne trouva nulle trace d’Asha à leurs côtés.

Il l’appela tout d’abord sans succès, puis ses recherches le conduisirent au vieux moulin en ruine quelques centaines de pas en contrebas. On disait la ruine hantée et ce fut la peur au ventre qu’il pénétra discrètement dans le bâtiment en partie effondré, craignant qu’un terrible malheur se soit abattu sur l’élue de son cœur.

Mais aucun mal ne se terrait au fond du vieux moulin, et lorsque Tôlem trouva enfin Asha, se fut pour découvrir la jeune femme à califourchon sur Grimmir, le fils du fermier voisin.

Tôlem jeta la parure à la rivière et se jura de plus jamais aimer. Il passa le reste de la soirée et une partie de la nuit à sangloter, inconsolable, et ne parvient à trouver le sommeil que tard dans la nuit.

Le lendemain au petit matin, deux soldats de Seddis attendaient devant la porte de la ferme familiale. Argumenter avec Fraôla, la matriarche de la famille, fut aisé. Le Haut Conseil donnait deux pièces d'argent par jour de service en dédommagement, davantage que Tôlem ne pouvait ramener après une bonne journée au marché de Didyme.

L’échange fut convenu.

Peu de temps après, Tôlem marchait pour le campement situé au bord de l’Altarie en compagnie des soixante-dix autres recrues.

                       ******

Le campement militaire grouillait d’un indescriptible chaos.

Tôlem, qui ne se rendait à Seddis qu’en de très rares occasions, n’avait jamais, de toute sa courte vie, vu autant d’hommes et de femmes ainsi que de bêtes réunis au sein d’un même endroit exigu. De partout, des soldats s’affairaient à diverses tâches confuses, au milieu d’un enchevêtrement de tentes et de bâches colorées. Le haut plateau qui jouxtait la plaine de l’Altarie, d’ordinaire morne et jaunâtre à l’arrivée de la saison sèche, se voyait coloré d’une multitude de couleurs pour chaque blason et étendard représentant une armée des Cités Libres.

Une fois arrivé à l’intérieur du campement en pleine effervescence, l’officier recruteur confia Tôlem aux bons soins d’un vieux vétéran borgne et bavard. Le vieux soldat consacra la fin de la matinée à la visite du campement encore en cours de construction. Tôlem appris de la bouche du vétéran Teguern que la date de la bataille décisive était prévue pour dans deux jours. Il restait encore fort à faire pour préparer l’affrontement.

L’après-midi, ils se consacrèrent à l’aménagement de diverses parties du camp, ainsi qu’au terrassement de la vaste plaine alluviale de l’Altarie où se déroulerait la bataille à venir. De profondes fosses furent creusées et recouvertes de branchages. Elles empêcheraient alors, expliqua Teguern à Tôlem, les mouvements des terribles chars à faux qui avaient causé tant de pertes à l’infanterie et causé de nombreuses défaites au cours des derniers affrontements.

L’effet de surprise ! C'était écrié Teguern, voilà quelle est la plus grande force des armées d’Ircania. Ce diable de Razhan sait multiplier les coups d’éclats…

Cette fois les Cités Libres disposaient de l’avantage stratégique du terrain.

Ce soir-là Tôlem goûta à un repos bien mérité, mais il ne trouva le sommeil que très tard dans la nuit - au milieu de la tente-dortoir surpeuplée - se remémorant encore et toujours les événements des derniers jours et la perspective d’une probable mort future.

La deuxième journée, Teguern la dédia à l’apprentissage de la tâche qui attendait le jeune homme pendant la bataille. Le vétéran et le garçon étaient chargés de l’approvisionnement et du rechargement de l’un des vingt-cinq Scorpions-Dardeurs, une impressionnante machine de guerre capable de projeter d’énormes carreaux d’arbalète pouvant perforer un homme en armure à plus de trois cents pas de distance, et faisant la fierté des ingénieurs Seddissiens.

La tâche bien que physique restait plutôt aisée.

Tôlem et le vétéran se retrouveraient à bonne distance du champ de bataille et des affrontements et ils disposeraient d’une vue imprenable sur les combats à venir.

Le risque de rejoindre Le Grand Néant Glacial devenait finalement limité.

La situation n’apparut plus à Tôlem si désespérée et cela lui remit un peu de baume au cœur. De plus, l’agitation continue chassa le temps d’une journée les idées noires qui lui rongeaient les viscères.

Le soir précédent le jour décisif, soldats eurent le droit à un maximum de repos afin de préserver leurs forces pour la bataille. On servit un ragoût de viande ainsi que de l’alcool de céréales au souper. Tôlem goûta pour la première fois ce liquide sucré et amer qu’affectionnait tant la matriarche Fraôla. Il trouva le breuvage passablement mauvais. Pourtant, l’excitation qui émanait de ce moment étrange précédant la mort et le drôle d’effet que produisait la boisson, le poussa à se resservir plusieurs fois.

La soirée fut également l’occasion pour Tôlem d’en apprendre plus sur la vie de Teguern. Le vétéran combattait pour les Cités Libres depuis plus de vingt ans. Il avait traversé au cours des dernières années nombre affrontements terribles, victoires et défaites, et y avait laissé un œil emporté par un fragment de flèche. Les armées d’Ircania avançaient encore et encore, annexant toujours plus de territoires et continuaient à surprendre leurs ennemis, sous l’impulsion du génie militaire Razhan. Ce fut lorsque la cinquième Cité Libre Irzinia la Dorée tomba devant les armées Ircaniens, que les Cités restantes se décidèrent enfin à unir leurs forces pour stopper l’envahisseur. Teguern espérait de tout son cœur que cette alliance historique marquerait la fin de cette guerre cruelle. Il était las des combats et aspirait désormais à retrouver son foyer qu’il avait quitté depuis si longtemps, à revoir sa femme, ses enfants, et à rencontrer enfin ses petits-enfants. Tôlem lui rappelait son plus jeune fils, qu’il n'avait plus vu depuis huit longues années.

Cette nuit-là, une fois que furent vidés les derniers tonneaux et que les discussions prirent fin, Tôlem dormit curieusement à poing fermé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Athyrion ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0