Un petit pas pour l'Homme...

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Adam était un charmant petit bonhomme joufflu, à la peau rose et tendre. Le cheveu court et l’air un peu niais, il s’ébattait dans la luzerne en riant comme un benêt. Pour se nourrir, il lui suffisait de tendre la main et de piocher au hasard dans les arbres fruitiers. Il ne bouffait pas encore de bidoche, probablement à cause de sa dentition encore trop fragile. Quelques légumineuses, riches en fibres, des baies pour les sucres rapides, ceux que l’on n’accumule pas pour en faire des boules de graisse, et des fruits, riches en vitamines C, B12 et autres.

Adam n’avait pas de miroir pour s’admirer mais il savait qu’il était beau comme un Dieu. Une voix venue de nulle part le lui disait souvent. Il ignorait encore ce qu'était une divinité, mais c'était un mot que Raymond lui soufflait souvent, pour l'habituer.

En effet, son petit taré lui posait sans cesse des rafales de questions à la con, du genre : dis-moi, Dieu, pourquoi qu’il est bleu, le ciel ? Est-ce que les mouches pètent ? Si oui, cela les aide-t-elles à voler plus vite ?

Raymond répondait avec patience. Au début, il aimait se prêter à ce petit jeu. Il appréciait vraiment après tous ces millénaires passés à chercher dans le noir. Aujourd’hui il avait sous les mirettes le résultat tant espéré, il ne voulait donc pas l’effaroucher, même quand lassé de trop de questions saugrenues, il aurait adoré lui torgnoler la tronche à la batte de base-ball, jeu qu’il inventera un peu plus tard. Pourtant, il se devait à sa création. Et celle-ci ne manquait pas de curiosité.

En effet, l’homme aimait découvrir, poser des questions, expérimenter diverses choses, toujours très variées et inattendues. Ainsi, au prix de quelques écorchures anodines, Adam avait-il découvert qu’il pouvait découper les arbres en planches avec ses mains. Non pas qu’il eût des mains en acier, matériaux encore inconnu du benêt, mais il avait découvert en se cassant la gueule d’une branche que le bois était flexible, au point qu’il se brisait si on le pliait à l’extrême.

Raymond, inquiet de le voir se blesser, sérieusement peut-être, pensa qu’il serait utile de lui procurer quelques outils de base pour qu’il puisse se construire un abri. Dieu ne comprenait pas d’où lui venait cet acharnement à vouloir construire des trucs et des bidules mais, fier de son rejeton, il avait vite décidé de lui lâcher un peu les roubignolles et de le laisser se livrer à toutes les expériences possibles. Au moins, toutes celles qui ne choquaient pas trop Raymond.

Et puis, cela l’aidait aussi à former l’esprit de son fils Adam. Chercheur, fils de chercheur, Adam comptait peut-être quelques gènes de son père dans son génome personnel.

Pendant que Raymond cogitait, le petit bout d’homme avait fait le tour de son domaine depuis longtemps, au point de choisir le meilleur endroit, selon lui, pour s’établir et se bricoler une baraque sympa. Alors, il se mit à couper du bois. Encore. Et encore.

Rapidement, une petite montagne de bois s’était accumulée mais l’autre continuait de débiter du tronc d’arbre sans jamais s’en lasser.

Raymond, en bon précepteur, se dit qu’il serait bien de faire un peu le ménage dans la clairière ainsi dégagée, que cela lui permettrait de mieux voir l’espace dont il disposait pour ériger un petit home sweet home…

Aussi, un petit matin, alors qu’Adam se lavait les ratoches avec de la pâte naturelle, concoctée par ses soins, Raymond-Prométhée-Dieu apostropha son fils sans prendre de gants.

  • Fils, il est temps de ranger ton bois. Fais-en des stères et range-les à l’abri du mauvais temps.
  • Mais, tu déconnes, ou quoi ? rétorqua Adam, la bouche encombrée de dentifrice. Il ne pleut jamais dans mon bled, tu sais bien !
  • Fils, répondit la voix impénétrable de Raymond, fais ce que je te commande.
  • Bon, ça roule… gronchonna Adam, en finissant de se brosser les dents. Je f’rai ça c’t’aprèm…
  • Les stères, Adam ! ([1])
  • Ok, ok… ça va, j’ai capté, grommela l’intéressé à voix basse.

Raymond n’entendit pas la suite des commentaires de son fils, pourtant il nota que, pour la première fois, ce dernier avait montré de la résistance à ses injonctions…

La suite montra que le caractère d’Adam ne faisait que s’affirmer, au point de prétendre s’émanciper totalement de l’autorité parentale. Il grandissait, pensa Raymond, une petite larme au coin des yeux. Il laissa donc faire, observant son fils découvrir le monde. Ce que ledit fils fit sans perdre de temps.

Puis, Adam découvrit qu’il avait des couilles.

[1] Putain, tu parles d’un détour pour la placer, celle-là !

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