Le beau Signoles

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Vicomte de Signoles. L'homme d'allure à la grâce sans égale, et aux airs de noblesse. Sa fortune dépassait de loin celle de ses voisins. Son manoir aux jardins verdoyants, aux parterres fleuris et aux potagers colorés se dressait fièrement au-dessus du petit village franc-comtois. Pourtant caché dans son bosquet de chêne et de beaux saules larmoyants il profitait de sa petite part d'humilité entre les murs de sa bâtisse. L'esprit bohème de ce vicomte à la moustache brave et à l'œil doux, possédait beaucoup d'intérêt pour l'art. Un homme de goûts, qui aimait parler des classiques de la littérature, des toiles de grands maîtres et rêvait d'aventures maritimes. Marié puis divorcé, il était l'heureux pére d'une jeune femme aux boucles brunes et aux yeux d'ambre. Celle-ci lui rendait visite lors de ses retours aux sources. Faisant ses études à Paris elle ne manquait pas de visiter son cher père pendant ses congés.

Un jour, qu'eux deux se promenaient dans le petit hameau, ils s'arrêtèrent dans un café. La serveuse au sourire angélique les servit avec ses manières les plus distinguées. Des voix dures se faisaient entendre derrière le "beau Signoles", comme il était appelé dans le vaste monde. Il regarda les deux hommes se disputer, autour d'une table jonchée de verres. Leurs regards insistants étaient posés sur deux femmes dans le fond de la salle. Ils étaient ivres et leurs paroles provocantes, ne tardèrent pas à faire bouillir le sang de notre noble seigneur. Il se leva sous le regard ahuri de sa fille. Le son de sa main heurtant la joue d'un des individus, fut tel que la pauvre serveuse en reversa son plateau. L'homme écarta sa chaise. Se leva et montra l'imposante carrure musclée au beau Signoles.

- Tu ne devrais pas te frotter à plus fort que toi, graine de noblesse, cracha l'homme, chancelant.

- Vous avez, messieurs, une manière de regarder ces dames que je ne puis tolérer. Je vous prie de bien vouloir défaire votre regard malsain, défia le vicomte en ravalant sa salive.

- Tu te battras demain, même heure, même endroit. Et tu regretteras d'être venu ici et d'avoir posé la main sur moi ! Mais si tu ne viens pas, je te poursuivrais jusqu’à pouvoir assouvir ma vengeance, avertit-il en se rasseyant et en faisant comme de rien.

Signoles le visage déconfit tourna les talons et fit signe à sa fille de le rejoindre. Tandis qu'ils reprenaient le chemin du beau manoir, Adèle – car la chère demoiselle se nommait ainsi – qui s'inquiétait du sort que son père allait subir, essaya de détendre l'atmosphère pesant qui s'était installer.

- Oh père… Si vous saviez comme je me trouve désolée que vous soyez ainsi. Aussi sombre qu'une nuit sans étoile. Nous allons trouver une solution ! Je vous le promets… Vous n'êtes pas dans l'obligation de vous confronter à cet homme, avide de violence. Ce ne sont que balivernes. N'y prêtez pas attention. Je vous en prie… supplia-t-elle. Allons plutôt dîner.

La journée touchait à sa fin, et Signoles redoutait que celle-ci se termine. Même les plus hauts fonctionnaires ne pourraient point l'aider. Demain, il ne serait plus qu'un vulgaire jouet, entre les mains d'un affreux joueur. Le vicomte aurait pu prendre la fuite, mais le pirate le retrouverait, il en était persuadé. Ce fut sans surprise que son sommeil ne réussit pas à le trouver. Plus le temps s'écoulait, plus il sentait son heure approcher. Il ne pouvait guère reculer. "Quel idiot je fais. Provoquer un individu de cette ordre". Il remua cette pensée dans son esprit inlassablement jusqu’à ce qu'il ne la comprenne plus.

Le son du coup de feu résonna dans toute la résidence. Les domestiques furent tirés de leur lourd sommeil et les valets accoururent. Adèle se précipita en robe de chambre dans les couloirs et s'informa auprès des femmes de chambres. La nouvelle avait circulé à une telle vitesse que chaque personne présente dans le manoir connut la raison de ce tapage. Le beau Signoles avait décidé de mettre un terme aux souffrances psychologiques qu'il endurait. Son valet le plus fidèle, s'était introduit dans la chambre du pauvre homme, dès que le coup avait retentit. Le noble seigneur, fut pleuré par sa fille, qui malgré la distance entretenait une forte complicité avec son père. Il ne connut jamais le duel tant appréhendé et finit ses jours sous le sourire bienveillant d'Adèle, son rayon de soleil.

Fin

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