Les reclus du mont Kailash

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 L'hélicoptère atterrit sur une zone devant le majestueux mont Kailash dont le sommet enneigé brillait d'une lueur orangée sous les rayons du soleil couchant. Le cyborg les guida vers un village, dissimulé entre les roches. La vingtaine d'humbles habitations fabriquées en bois encerclaient un grand bâtiment de pierre orné de diverses décorations prestigieuses. Un homme élancé en toge rouge et blanche s'approcha des nouveaux arrivants. Il salua vigoureusement le Mahatma, qui l'introduisit aux européens avant de partir de son côté, puis d'un mouvement de bras les invita à le suivre. Il les accompagna vers une maison et toqua à sa porte. Un autre homme, bedonnant et portant d'ample vêtements blancs, en sortit. Le villageois en rouge lui expliqua la situation avant qu'il ne s'exprime en français, d'une voix aussi généreuse que son ventre :

 — Ah ! Bonjour et bienvenue mes amis ! Vous êtes à Ängh, le village secret. Si le Mahatma vous a amené ici, c'est que vous êtes de confiance !

 — Je vois pas trop ce qu'on a fait pour la mériter mais bon... fit Thierry.

 — Surtout qu'on voulait se retourner contre eux à la base ! lança Pablo.

 — Mais ferme ta gueule !

 — Ah... Qu'y a-t-il ? s'interloqua le tibétain vêtu de blanc.

 — Ne les écoutez pas, dit Diceni. L'altitude leur fait perdre la tête.

 — L'altitude ? Nous sommes pourtant au pied du mont...

 — Exact, affirma Lucio, incapable de rétorquer.

 — Il perd aussi la tête, inventa Marlowe. Je parlerai en leur nom.

 — Ah, ils ont l'air mal en point, vous êtes sûrs que... s'interrogea l'habitant d'Ängh.

 — Ne vous en faites pas pour eux, ils vont s'en remettre.

 — Ah si vous le dites... Dans ce cas, laissez-moi me présenter. Je me nomme Bol-de-riz, je suis ce que vous pouvez appeler "un sage".

 — Très bien, mais je vous en prie, vous pouvez nous dire votre vrai nom, j'en a déjà discuté avec Mai-Linh.

 — Ah d'accord, vous faites bien de me le dire ! Mon nom véritable est en réalité Pierre.

 — Trop compliqué, fit Marlowe, je vais faire de vous une exception et rester sur Bol-de-riz.

 L'incompréhension assombrissait le visage de Pierre. Il se gratta l'arrière du crâne avant de réagir :

 — Ah bon... Et à qui ai-je l'honneur ?

 — Je suis Marlowe, Lieutenant de police du comissariat de Charvin-les-Bouilles.

 — Ah, ces noms me sont familiers ! Vous devez être d'autres amis de Mardo !

 — En effet !

 — Parfait, suivez-moi, je vais vous montrer quelque chose qui devrait vous faire plaisir.

 Pierre les conduisit à son tour vers une autre demeure.

 — J'ai de nouveaux invités ! cria-t-il à travers la porte.

 — Fais les entrer ! répondit une voix féminine de l'autre côté.

 Il actionna la poignée. Dans la maison, une femme asiatique portant les mêmes vêtements rouge que le premier homme rencontré discutait avec deux visages familiers.

 Marlowe hésita à rentrer. Il fallut que Bol-de-riz le poussât gentiment dans le dos pour qu'il avance. Les trois autres européens lui emboîtèrent le pas, le sage ferma la marche et la porte une fois tous à l'intérieur. Le Lieutenant balbutia ces quelques mots :

 — Alors comme ça... Vous êtes déjà arrivé ?

 Magalie tourna lentement la tête vers lui et lui jeta un regard dédaigneux pour toute réponse.

 — Oh allez, on va pas se faire la gueule !

 — Je ne te fais pas la gueule. J'ai juste peur. Peur de la folie qui t'habite.

 — Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris, je réfléchissais bizarrement. Je t'en prie, oublions ce qui s'est passé. Je voudrais qu'on puisse se parler à nouveau.

 — Pourquoi ça ?

 — C'est évident ! Parce que je t'aime bien Magalie !

 — Et voilà... Il faut que je boude pour que tu te décides à ne pas m'insulter.

 Pierre chuchota quelques mots dans l'oreille dans la femme asiatique, puis frappa dans ses mains pour dissiper le malaise qui s'installait.

 — Bon, apparemment vous vous connaissez déjà, c'est parfait !

 — Installez-vous, je vous en prie, fit la tibétaine.

 Les cinq hommes s'assirent sur les coussins disposés au sol. La femme en rouge prononça alors ces paroles, d'une voix douce et calme :

 — Faisons les présentations. Je me nomme Ying Yang Yung, qu'en est-il de vous ?

 — Merde à la fin ! fulmina Marlowe. Le nom merdique, putain ! Combien de fois faudra-t-il que je le répète ? Dites-moi vos vrais prénoms à la fin, et pas cette débilité de fausse appellation ignoble ! Ce sera quoi le prochain que je rencontrerai ? Chintok ? Bridax ? Nouilles-sautées ?

 Pierre se gratta l'arrière du crâne, mal à l'aise. La femme dit alors :

 — Il y a méprise. Pierre m'a expliqué. Ying Yang Yung est mon véritable non.

 — Oh... Autant pour moi...

 — Marlowe, t'es un vrai raciste en fait ! balança Pablo.

 — Pas du tout, ferme ta gueule le rital !

 Ying Yang Yung reprit la parole, d'un ton toujours aussi détendu :

 — J'imagine que vous êtes également là pour Mardo.

 — Oui ! s'exclama Marlowe. Il est bien ici, n'est-ce pas ? 

 — C'est exact. 

 — Génial, amenez-nous à lui s'il vous plait. Cet épisode a déjà assez duré.

 — Hélas, je ne peux répondre positivement à votre requête. 

 — Pourquoi ? aboya le Lieutenant à peine eut-elle fini sa phrase.

 — Je descerne beaucoup de tension en vous.

 — Ouais ouais...

 — Vous devriez prendre exemple sur votre ami Mardo. Lui a complètement abandonné toute pulsion émotionelle négative. 

 — Ça m'étonne pas, il a toujours été deux d'tens'.

 — Il a surtout passé de nombreuses heures à méditer, à prendre sur soi, à éliminer ses pensées parasites.

 — Ah, c'est bien vrai ! s'exalta Bol-de-riz. Ce Mardo est un homme exceptionnel, je n'ai jamais eu meilleur apprenti ! Il fait le vide dans son esprit comme personne, c'est comme s'il ne réfléchissait jamais, véritablement impressionnant, tout bonnement prodigieux !

 — Je confirme, confirma la femme. Ses progrès dépassent toutes espérances. Encore quelques mois et il nous surpassera tous en terme de sagesse.

 — Vous m'en voyez ravi, soupira Marlowe. Maintenant, dites-moi, il est où ?

 — Justement, il se trouve dans le temple des songes.

 — Qu'est-ce que c'est encore cette merde ?

 — Hé, respecte la dame un minimum ! ordonna Lucio.

 — Qu'est-ce qu'il me veut lui ?

 — Oui, beaucoup de tension, répéta tout bas la tibétaine, comme pour elle-même. Je pourrais vous apprendre à vous débarasser de cette colère et de cette frustration qui vous habitent.

 — Non merci. Et donc, vous comptez répondre à ma question ? 

 — Oui. Cette "merde", comme vous l'appelez, est un lieu saint dans lequel les plus vénérables ont découvert le sens véritable de la vie, de la mort.

 — Yes, j'imagine que c'est le gros bâtiment au centre de votre village.

 — Belle perspicacité.

 — Je suis flic, manquerait plus que ça !

 — Le temple est totalement isolé des bruits extérieurs. Mardo a initié un recueillement méditatif intense pour découvrir son soi profond.

 — Intéressant, dites m'en plus.

 — Je vais ignorer votre ton sarcastique pour poursuivre mon explication, qui devrait pourtant vous intéresser. Ainsi, il a désiré pratiquer un isolement d'une semaine. Il a commencé voilà 6 jours. Comprenez qu'il ne peut nullement être interrompu. Nous vous invitons alors à dormir chez nous cette nuit pour attendre votre camarade.

 — Le destin du monde entier dépend de lui ! Nous devons le retrouver au plus vite, on s'en branle des sept jours !

 — C'est impossible. S'il ne termine pas les cent soixante-huit heures, son esprit risque d'être brisé.

 — Je suis prêt à prendre le risque.

 — Pas moi. Je vous en prie, je vous laisse cette bâtisse pour la nuit, vous n'avez pas beaucoup de temps à attendre, respectez l'isolement de Mardo.

 À contre-cœur, Marlowe accepta. Ying Yang Yung leur demanda ensuite leurs noms une deuxième fois. Les nouveaux arrivants se présentèrent. Après une brève discussion, les sages se retirèrent, laissant les européens ensemble.


 Une fois à l'extérieur, Pierre, se grattant la nuque, demanda timidement à Ying Yang Yung.

 — Dis... Pour notre enfant, du coup... On l'appelle plus Bridax, hein ?

 — Je trouve que cela sonne bien pourtant. Les considérations de ce Marlowe ne devraient pas te toucher autant.

 — Tu as raison. Et sinon, on se débarasse des gêneurs ?

 — S'ils continuent à se montrer si grossiers, nous n'aurons pas le choix.


 Dans la maison, Magalie et Pomoc s'échangèrent quelques appréhensions. Thierry et Pablo, quelques conneries. Seuls Marlowe et Lucio restèrent silencieux. Le Lieutenant engagea la conversation :

 — On voit le bout du tunnel.

 — Ouais, c'est pas trop tôt.

 — Espérons seulement que ces sages ne nous cachent rien.

 — À quoi penses-tu ?

 — J'en sais rien, j'ai juste dit la première complication scénaristique qui m'est venue à l'esprit.


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