Chapitre 4

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Elle marchait dans la forêt, observant avec intérêt les arbres qui l’entourait, son regard cherchant des plantes. Champignons, mousses et racines se dissimulaient grâce à la douce neige immaculée. Les yeux verts ne parvenaient point à percer les secrets des arbres. Sans leurs feuilles un Yshl pouvait ressembler à un Sydres. Son esprit gambergeant vers les paroles de son amie ne l’aidait en rien. Elle savait que sa profession comptait parmi les plus importantes mais elle avait toujours supposé qu’elle ne fût pas indispensable. De toute façon, ici-bas, personne ne faisait confiance aux guérisseuses car la rumeur populaire voulait qu’elles ne soient que des menteuses ou des filles d’Assendra, déesse de la ruse et du mensonge. Elles n’étaient donc ni respecter ni aimer et encore moins apprécier. Les plaines d’Opaal étaient un havre de paix pour elle mais son cœur battant ne cessait de lui rappeler le serpent de glace. Le vent de peur soufflait intensément sur son esprit, menaçant de le briser comme se déracinent les arbres durant une tempête. Elle prit de profondes respiratoires, plongeant dans l'abîme de ses souvenirs afin de se détourner de la terreur sourde qui battait la mesure au creux de sa poitrine. Les paroles de sa mère s’imposèrent à elle :

—Hea, dans tes veines coulent la compréhension des maladies et des plantes, tu es une guérisseuse. Néanmoins, n’oublie pas que si, ici, dans les plaines d’Opaal, tu es une amie et une alliée contre les plaies et maladies, autre part, tu seras une menteuse. Cache tes dons si tu pars. Nous sommes traquées par le roi car nous sommes avant tout des femmes et selon lui, notre rôle n’est pas de soigner mais d’être nourrice ou gardienne de temple. En somme, aucun avenir glorieux. Il préférait voir ses sujets mourir entre les mains d’un homme que de les voir vivre entre les mains d’une guérisseuse.

Dans ce souvenir, sa mère la dévisageait avec dureté. Ses yeux de glace n'avaient jamais abordé une tendre expression, ils étaient froids, impénétrables, imperturbables. Sa voix contrastait nettement avec son regard, elle était comme le miel, douce, qui coulait sur la peau comme ses mains maternelles. Ysdrine était une belle femme, elle ressemblait à toutes les paysannes de la pleine d'Opaal. Brune, plutôt petite, aux yeux presque noirs, sa peau de porcelaine faisant ressortir ses yeux abyssaux et ses tendres lèvres charnues aux plis impériaux d'une douce couleur Carmine. Ses traits étaient d'une perfection quasiment divine comme si les dieux s'étaient penchés au-dessus de son berceau et lui avait offert des traits d'un autre monde. Hea tenait toute sa compréhension du monde de sa mère. Elle savait plus que quiconque qu’une femme n'avait point de place à Kervan'yë. Seulement ici, dans les froides plaines la réalité est bien autre. Hea est guérisseuse, Aäma nourrice, Kai est chasseresse, Soray est une travailleuse aux champs. Les hommes mourraient et les femmes se devaient de reprendre le travail des morts. Ysdrine était devenue guérisseuse à la mort de sa mère comme Hea l'était devenu à sa mort. Son décès était arrivé peu après ce discours. La jeune femme avait mis des années avant d’accepter ses paroles car pour elle, la vraie vie était à Opaelia et dans ses petits villages campagnards alentour. La dureté des paroles d’Ysdrine avait frappé l’enfant et s’était gravé dans son petit esprit, encore bien étroit. Hea chassa de son pied un peu de neige et se tapota les joues afin de ne plus penser à cela.

Ses yeux fouillèrent quelques instants supplémentaire la forêt mais elle qui d’habitude était si efficace, parvenait à peine à discerner les arbres ou même le chemin. Elle n’avait pas le cœur à l’ouvrage alors, elle décida de tourner les talons pour retourner dans son village. En même temps qu’elle se leva, tous les oiseaux à des kilomètres à la ronde s’envolèrent. Un craquement de feuille se fit entendre à sa gauche, Hea se retourna, fébrile de ce qu’elle pourrait apercevoir. Non loin d’elle, on pouvait discerner les yeux luisants d’une teinte jaunâtre. La bête crainte de tous, se tenait près d’elle mais c’est comme si la mort était à ses trousses car il détala, aussi vite qu’il était apparu. La jeune femme se laissa choir dans la neige. Un rire nerveux passa la barrière de ses lèvres. Elle venait d’avoir la plus grosse frayeur de son existence et elle avait supposé se faire dévorer par l’immense bête noir que tous surnommaient un Warlf. Le rire se tarit alors qu’elle réalisa que le warlf et les oiseaux fuyaient à l’opposé de son village. La terreur anima ses jambes, elle devait rentrer au village, immédiatement. Ses jambes se meuvent tandis que la rouquine tenta de se convaincre qu’elle était encore épuisée et que ses pensées n’étaient qu’une stupide fabulation. Mais ses mots sonnèrent creux, vide de tout sens et de toute vérité. Une main crispée sur la bandoulière de son sac alors que ses foulées se font plus amples. Sa marche folle devenant peu à peu une course effrénée. Sa bandoulière bondissant sur sa cuisse résonnait comme le bruit d’un grain de sable s’écoulant dans le sablier. Plus elle se rapprochait du village, plus le sablier se vidait, bientôt le dernier grain serait tombé. L’orée de la forêt était de plus en plus proche. Les arbres encore denses masquaient le village à sa vu. Hea s’arrêta comme si une force invisible essayait de lui cacher un bien triste spectacle. Sa décision était prise et la force disparut. Tremblante, elle fit les derniers pas, les larmes aux yeux. La peur l’assaillait de partout. Et le silence aussi inhabituel que pesant renforçait cette émotion.

Quand le village offrit, aux yeux encore emprunts de candeur de la jeune femme, sa macabre vision, Hea ne put réprimer son hurlement d’horreur. Les murs étaient couverts de tâches rouge écarlate. La neige avait aussi pris une teinte rouge moins vive, tirant sur le rose à quelques endroits. Si les corps ne jonchaient pas le sol de sa cité, les couleurs l’auraient émerveillé, elle n’avait jamais vu tant de teintes différentes. Elle avança, cherchant vainement une personne dont l’âme n’avait point encore été guidée jusqu'à sa dernière demeure. Les réponses à ses questions étaient enfermées dans les yeux vides de vie de tous ceux qu’elle connaissait. Plus aucune émotion, ne lui enserrait le cœur, elle était brisée. Les visages reflétaient tous une expression terrorisée. Hea ne comprenait pas qui ou quoi pouvait inspirés cela. Elle marcha, sans un mot, regardant le carnage. Puis soudain, une illumination, un espoir naissant dans son cœur, frêle comme la flamme d’une bougie. Isael n’apparaissait pas au milieu de tout ses corps. Peut-être était-il en vie, peut-être l’attendait-il dans leur demeure. Son cœur se mit à battre à tout rompre. L’espoir lui faisait pousser des ailes. Elle se précipita jusqu'à leur demeure.

—Isael ? appela-t-elle avec espoir.

Aucun son, murmure ou bruit hormis le tendre bruissement du vent. Aujourd’hui cette douce mélodie sonnait comme une complainte. Les larmes embrouillaient sa vue mais l’espérance voyait pour elle. Son cœur palpitait de deux sentiments incertains alors qu’elle arrivait sur le seuil de leur maison. La peur qu’il soit décédé comme tous les autres et l’espoir qu’il soit toujours vivant, respirant dans leur demeure, à attendre son secours, bataillaient en son cœur afin de faire pencher son choix d’un côté ou de l’autre. La main sur la poignée, elle s’arrêta. Elle n’osait pas ouvrir la porte. La terreur prenait le dessus sur tout autre sentiment. Ses mains tremblaient. Mais bien vite, l’espérance prenait le pas sur le reste. Elle leva les yeux aux cieux, adressant une prière à ses dieux :

—Minhua, toi qui veilles sur les vivants, déesse de la guérison et de Kervan’yë et Soralia, déesse qui guide nos morts jusqu'à votre tendre demeure, ainsi que tous les dieux qui entendent ma voix, je vous en conjure à genoux, ne me prenez pas mon époux pour les terres éternelles. J’ai besoin de lui dans cette vie. Soyez clément.

La porte s’ouvrit avec une lenteur affolante. Aucun son ne parvenait à ses oreilles hormis les battements paniqués de son rythme cardiaque. Hea ferma les yeux, aussi fort qu’elle le pouvait. L’odeur du sang lui parvenait au nez et elle ouvrit, instantanément, les yeux. Le sang maculait le sol de bois de leur demeure. Une large flaque dont Hea suivait les contours du regard. Supposant de l’identité du mort, elle n’osait point regarder le corps auquel appartenait le sang. Seulement, se douter n’était pas en être certain. Dans son cœur subsistait l’espoir qu’Isael s’en soit sorti en tuant son agresseur, qu’il soit humain ou monstrueux. Elle regarda et s’effondra sur le sol, prostrée. Isael était là, gisant, sur le sol, sa poitrine ne bougeait pas d’un iota. La jeune femme n’avait plus de forces pour se lever, la vision l’avait détruite jusqu’aux tréfonds de sa douce âme. Tout sentiment avait été balayé, le vide l’emplissait. Les larmes se mirent à couler sur ses joues. Incapable de se tenir debout, elle rampa jusqu'à lui. Les yeux sans vie de l’homme qu’elle aimait été écarquillé au possible, sa bouche était tordue dans un cri silencieux. Un hurlement de douleur vrilla l’air, Hea hurla à s’en briser les cordes vocales puis quand elle n’eut plus la force de hurler, elle se mit à supplier les dieux de lui rendre son mari, son souffle de vie. La plaie qu’il avait au torse était mortel pour sûr. Les petites mains pâles de la jeune femme compressaient fébrilement la plaie comme si le sang coulait encore. Elle posa la tête sur sa poitrine dans l’espoir fou d’entendre son cœur de nouveau ou au moins de voir sa poitrine se soulever. Pourtant, rien, juste le néant, le silence complet et une douleur insoutenable lui prends le cœur et le sers. Son petit cœur fragile éclata en des milliers de petits morceaux. Elle se sentait, terriblement, impuissante. Elle savait qu’elle ne pouvait rien faire que la mort l’habitait déjà mais elle devait tenter de le sauver. S’il fallait qu’elle donne sa vie pour qu’il vive, elle l’aurait fait sans l’ombre d’une hésitation.

—Je suis sûre que je peux le sauver, je le dois. Je suis guérisseuse depuis si longtemps. Si je dois bien être capable de le sauver. Il faut juste… que son cœur reparte, murmura-t-elle.

Dans sa voix, on pouvait entendre tout le désespoir qui l’habitait déjà. Elle plaça ses deux mains au milieu de sa poitrine et compressa encore et encore et encore. De temps à autre, elle lui insufflait son air. Les yeux rivés sur son visage, elle attendait qu’il prenne une grande inspiration. Elle souhaitait, ardemment, que l’air pénètre de nouveau ses poumons.

—Il ne peut pas partir ! pensa-t-elle. Il ne peut pas me laisser ! Que vais-je devenir sans lui ?

Mais il n’ouvrit plus jamais les yeux, elle le sentait dans son corps, elle le savait au fond de son cœur. Et pour elle, c’était impensable de le perdre ainsi. Le temps s’écoulait et ses sanglots redoublaient de secondes en secondes. En elle, une petite partie avait perdu tout espoir et lui hurlait que tout cela était vain. Elle se battait avec la force du désespoir contre la mort, sa volonté était de fer mais contre l’implacable que pouvait-elle faire ? Au sein de sa poitrine écrasée par le poids d’un chagrin incommensurable, son cœur la faisait souffrir.

— Je t’en supplie, respire, murmura-t-elle en continuant le massage cardiaque. Tu n’as pas le droit de me laisser comme ça.

La réalité finit par la heurter de plein fouet : jamais il ne respira de nouveau, c’est trop tard, tout fut finit. Jamais, il ne sourira de nouveau à sa femme. Jamais plus elle ne le haïra parce qu’il souriait sans qu’elle en connût la raison. Jamais plus, il ne s’occupera avec amour de ses chevaux. Jamais plus il ne rayonnera de bonheur. Elle n’entendrait plus sa voix, ne toucherai plus jamais à la tiédeur de sa peau, ne sentira pas son parfum. Il l’avait laissé seule avec les terreurs et les ombres qui l’habitaient. Il ne râlera plus parce que la maison est trop froide, parce qu’il est trop tôt, parce que l’eau chaude n’est pas prête. Il ne sera, tout simplement, plus jamais à ses côtés. A chaque respiration, elle avait l’impression d’avoir du verre pilé à la place de son petit cœur. Elle se mit à hurler avec la force du désespoir. Elle regrettera à jamais son choix d’avoir échappé à sa surveillance afin d’aller cueillir des fleurs et des plantes.

—J’aurais dû… pensa-t-elle, laissant sa phrase en suspend, ne sachant pas comment la terminer.

Pour ne pas sombrer, elle l’imaginait assis prés de l’âtre, un tisonnier en main, en train d’attiser les flammes avec douceur. Isael dardant toute son attention vers la porte, attendant sa dulcinée. Il était comme il aurait dû être après cette escapade inattendue : énervé et inquiet et non… mort.

—Pourquoi ? hurla-t-elle, vers les cieux, vers les dieux.

Ses bras se nouèrent autour de ses épaules et elle hissa le corps contre lui, respirant son odeur de pin et de foin. Elle voulait graver en sa mémoire sa douce odeur qui l’avait tant bercé au cours des six dernières années. Ses lèvres se posèrent sur les siennes, pour la dernière fois. Ses yeux furent fermés, cachant ses iris caramel sous des paupières bronzées. Les doigts délicats de la guérisseuse retracèrent les monts et vallées de son visage, les mémorisant, les gravant dans ses pensées pour ne jamais les oublier.

—Je t’aime, Isael, j’aurais voulu te le dire une dernière fois. Pardonne-moi, le supplia-t-elle. J’aurais tellement voulu que notre dernière discussion a été remplie d’amour et de tendresse.

Elle lui adressa un sourire. Doucement, elle repoussa le cadavre qui semblait dormir entre ses bras si on omettait le sang. Elle se redressa, tremblante et elle quitta la demeure, sans regarder derrière elle. Elle en était incapable, elle se serait effondrée et jamais plus elle ne se serait jamais relevée. Elle fit le tour du village, observant chaque corps, visita chaque maison mais aucun n’avait survécu hormis elle. A son départ, il y avait trente-sept personnes vivantes, entrain de se préparer pour aller aux champs ou du moins commencer leur travail mais maintenant, ce n’était que des cadavres. Quelqu’un les avait tous anéanti, il n’avait eu aucune pitié pour les nourrissons et des vieillards. Elle se laissa choir sur la margelle du puits de son village. Ses mains étaient posées sur ses genoux, rouge du sang de ceux qu’elle avait aimé. Les larmes roulèrent sur son doux visage. Son regard, auparavant si tendre et si candide, était vide et on pouvait voir son âme brisée. Elle ne sentait même plus les larmes qui tombaient sans discontinuer. La douleur de son cœur effaçait toutes autres sensations, émotions et sentiments. Le néant l’avait empli. Il aurait pu se passer une heure, un jour ou même un siècle que la jeune femme ne s’en serrait pas aperçu. Elle avait beau être vivante et grelotté de froid, au fond quelques choses était mort, ici aussi. Elle ne percevait même pas les yeux transperçant qui la contemplait, au loin. Les images de leurs visages terrorisés la hantaient. La jeune femme s’en voulait horriblement. En elle, elle essayait de refaire l’histoire :

—Si j’avais été là, j’aurais pu être avec eux, les sauver ou mourir à leurs côtés mais je ne serais point ici, seule, l’âme brisée, le cœur en miette. Pour les voix de la déesse doivent-elles être inébranlables ? Pourquoi je dois vivre ?

Les larmes s’étaient taries, elle n’avait plus la force. Elle voulait juste mourir à petit feu, rester prostrée et se laisser mourir de faim et de soif. Seulement, elle ne le pouvait. Les cadavres seraient dévorés par les bêtes sauvages et les insectes et s’ils en restaient quelque chose au printemps, ils pourriraient sur place. La jeune femme se sentait dans l’obligation de creuser des tombes pour leur offrir une sépulture décente. Ses yeux finirent par remarquer les flocons blancs qui tombaient du ciel en tourbillonnant et qui se posaient sur ses mains rougis, pour fondre immédiatement. Elle se voûta au-dessus de ses mains afin de les protéger. Hea avait l’impression qu’ils nettoyaient le sang de ses mains pour apaiser la douleur de son cœur. Soudain, son corps grelottant sentit la morsure du froid. Son esprit reprit pied dans le monde réel, quittant la douce torpeur qui l’ankylosait. Elle se sentit investi d’une mission : enterrer les cadavres de ses amis. Elle se redresse et fit un pas après l’autre. Chaque pas était hésitant dur mais chacun plus facile que le précédent. Elle marcha jusqu'aux écuries afin de trouver une pelle. Elle espérait, sincèrement, que les chevaux avaient été épargnés. Ses vœux furent entendus car dès qu’elle ouvrit la porte un concert de hennissement paniqués l’accueillit. Elle les caressa, tendrement, les apaisant par sa présence.

Quand ils furent calmes, elle se mit à farfouiller partout pour trouver la pelle. Une fois cette dernière en main, elle se dirigea vers l’orée du sous-bois, là où elle avait enterré son père, six ans auparavant. Elle déblaya la terre de la pointe de cette dernière, pas loin de la petite pierre blanche qui avait été érigé pour Cacius d’Opaelia. La pelle ne s’enfonça pas aussi loin que Hea avait espérer. L’outil peinait à pénétrer la terre sur plus de dix centimètres. La jeune femme percevra encore et encore mais la terre était gelée et il lui faudrait des années si ce n’est des siècles pour creuser les trente-sept tombes. Elle se laissa choir dans la neige à quelques pas de là où elle avait tenté de creuser. La jeune femme se mit à rire, nerveusement, ne sachant que faire. Elle enfouit sa tête contre ses cuisses et ses bras l’enserrèrent. Au fond d’elle, elle savait très bien ce qu’elle devait faire mais elle ne pouvait s’y résoudre. Son père, lorsqu’elle n’avait qu’une petite dizaine d’année, lui avait annoncé :

— Les Hulias sont dures dans les campagnes, c’est pour cela qu’il nous est impossible d’enterrer nos morts et que nous devons nous résoudre à les jeter à la mer. Minhua, les amènera vers le pays d’Ixora.

Cette action était pour elle une cruelle façon d’amener les morts dans leur dernière demeure. Mais avait-elle le choix ? Pouvait-elle faire autrement ? Elle ne le pouvait point alors elle ferma son cœur, le mit en cage pour ne pas l’entendre hurler à ses oreilles. Elle déambula, lentement dans le village. Elle s’arrête devant une jeune fille, toute juste sortie de l’enfance. Étendue ainsi sur la neige, on aurait dit une poupée de porcelaine. Hea essuya, distraitement, les tâches de sang maculant son visage. La guérisseuse n’osait même pas porter le regard sur sa gorge tranchée. Dieux merci, ses yeux étaient fermés, Hea n’aurait pas supporté croiser ses yeux, qu’elle savait, bruns. Elle prit l’enfant dans ses bras et la porta, autant qu’elle la traîna jusqu’à la falaise. Juste avant de la précipiter au bas de la falaise, elle contempla l’eau en contre bas. Les yeux fermés, elle laissa ses mains se déplier peu à peu pour relâcher la jeune fille. Son corps bascula dans le vide et rencontre l’eau gelée au bout d’interminables secondes. Hea resta prostrée quelques instants sur le sol avant de se résoudre à emporter un autre cadavre jusqu'à la falaise. Au fur et à mesure que les corps furent engloutis par les flots, cela devient moins difficile, presque facile. Elle était devenue insensible : elle ne fermait plus les yeux, elle ne s’effondrait plus, elle n’attendait plus quelques secondes, elle n’avait plus besoin de leur fermer les yeux. À ses yeux, son humanité s’envolait, un peu plus, chaque fois qu’une vie était mené à Ixora.

Finalement, il ne lui resta qu’un seul corps à s’occuper, un seul et tout serait finit. Elle se dirigea vers chez elle et poussa la porte de leur demeure. Son cœur souhaitait que le cadavre disparaisse de lui-même ou qu’il ouvre les yeux. Mais elle savait qu’il resterait entendu dans cette marre de sang et qu’elle devrait faire comme pour les autres. Une des couvertures du lit le recouvrit car elle n’avait pas la force d’affronter ce visage jusqu'à la falaise. Elle le redressa contre elle mais cette fois, elle eu l’impression qu’il pesait une tonne. Chaque pas le rapprochait de la chute prochaine était plus difficile que celui qui le précède mais plus facile que celui qui le suivait. En haut de la falaise, l’eau en contrebas lui sembla avoir pris une teinte rouge comme le sang qui coulait dans ses veines. Elle plaça, Isael en face d’elle et se prépara à le pousser. Ses doigts frôlèrent sa poitrine et elle senti un cœur qui palpitait. De surprise, ses mains se relâchèrent et il bascula dans le vide.

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