Voyage dans le Multiverse

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D’abord la recherche des photos. Leur retouche. La déception de devoir étaler ma gueule pour le moins pas photogénique. Puis la crainte : tout le monde pouvait tomber sur ces photos. Il fût un temps où le commerce de l’âme sœur en ligne se faisait à visage couvert, mais il est révolu. Désormais, tout le monde célibataire assume son compte Tinder, on y voit passer son voisin et on lui fait coucou, sa sœur se déhanche sur ses photos putassières, pas de doute que sous peu on y retrouvera notre mère en instance de divorce et qu’elle y pêchera votre futur beau-père.

Bref.

Je finis par uploader deux photos : une photo de moi au lac – l’argument abdo, je n’en démordais pas – et une de ma gueule dans un mariage, bien sapé. J’écris vite fait une description qui se veut drôle et un brin intello et voilà ma carte de visite de célibataire (ou mon abonnement à chien-ville) envoyé dans les limbes numériques. S’en suit la valse des like/dislike où l’on se prend à fantasmer sur chaque bonnasse qu’on balaie à droite, et à se moquer de chaque mocheté qu’on balance à gauche. Du moins jusqu’à ce que mon abonnement gratuit m’interdise plus de like pour la journée, faudra attendre le lendemain.

Huit heures tapantes, les cours reprennent. Je jette compulsivement des coups d’œil à mon écran, attendant de voir s’afficher les notifications pour les matchs.

Mais rien.

Toujours rien.

Et si personne ne m’aimait. Et si… Car c’est ça aussi Tinder. Un marché de l’emploi sexuel où l’offre ne coïncide jamais à la demande, poussant les jeunes à baisser leurs ambitions pour trouver de quoi grailler.

Bref.

La première pause. Je sors tchatcher avec les potes et, feignant une virée aux chiottes, je me fais un énième check de l’écran. Et là c’est le coup d’adrénaline. On m’annonce un match avec une certaine Mélanie. Grande. Brune. Yeux clairs. Seins comme des ballons. Mais rien dans le crâne. En deux messages elle comptabilise le beau record de dix fautes d’orthographe.

MOI : Salut comment tu vas ?

ELLE : Salu

MOI : Ça répond pas à ma question, mais je suppose que tu vas bien. Tu cherches quoi par ici ?

ELLE : Toit tu cherche qwa ?

MOI : Mmmh

Je devais me la jouer franco.

MOI : Du cul.

Aucune réponse. Je suis sûr d’avoir foiré mon coup. Mais au bout de cinq minutes.

ELLE : Moua ossi ! Mé en ligne.

MOI : Pas chaud à du vrai cul ?

ELLE : No.

MOI : Ok, vas-y.

ELLE : Snap ?

Et voilà que j’installe snapchat, autre appli d’adulescents décérébré en proie à leurs hormones. Catégorie que j’aurais dû quitter il y a quelques années déjà, mais dans laquelle ma virginité me fait m’attarder. J’ajoute son pseudo – pinkycat98 – et attend qu’elle me parle en premier.

Le cours me semble interminable.

Je ne pense qu’à ça. Qu’à cette meuf qui semble, au moins par écran interposé, d’accord de s’échanger un peu d’intimité. Ça me mettait super bien, cette pré-partie de faux-sexe virtuel. Ça me gonflait à bloc, alors que ce n’était rien. Mais ça j’étais en passe de l’apprendre.

Fin du cours, dix heures. Une notification de pinkycat98. Je l’ouvre. Un message texte : NSFW. Et une photo à ouvrir. Je frissonne de plaisir. M’en vais m’enfermer dans les chiottes les plus proches et clique sur le carré rouge de l’appli, indiquant une photo en attente.

Durant dix secondes, une paire de seins blancs comme du marbre m’apparurent à l’écran. Une main en poussait un contre l’autre, de telle sorte qu’ils paraissaient sur-gonflés à l’hélium. Et une légende : rien que pour toi.

Je sentis une excitation sourde s’éprendre de tout mon ventre, puis lentement diffuser à travers mon corps. Une sensation presque euphorique. Je passai une main dans mon slip pour en vérifier la dureté, puis l’extirpa pour me branler.

Nouveau message texte : t’a kifé ?

MOI : Putain t’es trop bonne.

ELLE : Tu proposes quoi ?

J’hésite. Puis me prend la bite dans la main et la prend avec un angle qui la rendait presque titanesque sur la photo. J’hésite à nouveau. Mon cœur bat trop fort. Un mélange d’excitation et de peur, distillé par le caractère interdit de l’acte et la crainte sournoise de se faire démasquer. Puis je tape « Elle, dans ta bouche » en légende, autorise une lecture de 5 secondes et l’envoie.

ELLE, deux minutes plus tard : Ptain elle é énorme

MOI : Merci.

ELLE : Je la voudrais en moi.

Tout me parait si irréaliste. Une parfaite inconnue à laquelle je viens d’envoyer ma bite en photo et qui m’excite en me parlant comme une cochonne sur cette putain d’appli décérébrée. Je ne comprends pas bien ce qui se passe. Quelle sorte d’excitation a pris les rênes de mon corps. Ni à quel point ce que je fais est mauvais. La seule certitude, c’est que je ressens immédiatement une exaltation pure qui lorgne forcément avec une dépendance tenace.

Je reste un moment silencieux dans ces chiottes désertes, pour m’assurer qu’il n’y ait personne, puis commence à m’astiquer. Ma bite devient si dure que le décalottage se fait douloureux. Je me branle. Je me branle plus fort. Jusqu’au moment où le point de non-retour approche trop. Alors là je m’arrête, la replie tant bien que mal dans mon boxer et sort rapidement des chiottes en essayant de chasser cette image –

Ces deux seins, énormes, rien que pour toi …

– de ma tête.

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