Sandwichs (2/2)

2 minutes de lecture

II

Réel ?

Anton la revoit marcher, insouciante, sous les frondaisons. Le soleil devant elle, ses cheveux bruns dans le dos, ondulant au rythme soutenu de ses pas. Sa silhouette brille dans sa mémoire, comme parée d’un film transparent et humide, une toile tissée de fines larmes, étincelante sous les rayons solaires.

C’est pour ça qu’Anton doute.

Ou pas réel ?

A-t-il imaginé tout ça ? Était-elle réelle, ou l’a-t-il façonnée dans son esprit troué ?

Est-il seulement sorti ? Quel jour est-ce ? Il ne sait plus, Anton, il n’est pas sûr.

Hier, c’était hier. Ou juste à l’instant ?

Il ferme les yeux. La revoit, dans l’intense chaleur, avec son gilet vert pâle. Elle zigzaguait dans son parcours, mais suivait la direction générale de la cabane, Anton ne pouvait que le constater. À un moment, elle s’est arrêté sous un orme, et a relevé les manches de son cardigan. Ses bras, tout blanc, trop pâles, s’entachaient de quelques meurtrissures mineures.

Alors, réel ou pas ?

Assis dos contre la porte de sa chambre, à l’hôtel, Anton se perd. Il tente d’y voir clair, mais ne sait pas quoi faire des images scintillantes qui l’aveuglent. Elles l’assaillent, appelant d’autres images, bien réelles, qui hantent habituellement ses cauchemars. Un mal de tête terrible n’arrange en rien sa lucidité vacillante.

Rouge, rouge, du rouge partout.

Y compris sur le sol. Anton recule promptement, se cogne à la porte, puis se penche de nouveau. Trois gouttes d’un rouge profond salissent la moquette grise. Une quatrième s’écrase à côté des autres lorsqu’il comprend ce qu’elles sont.

Du sang.

Le sien.

Du mauvais sang.

Il porte des doigts tremblants à son nez, appuie, écarte, et regarde sa peau souillée.

Est-il sorti hier ? L’a-t-il croisée, sous les frondaisons, en route pour la cabane ? Il est incapable de statuer. Il a l’impression d’être assis là depuis des jours - même si ça doit être faux.

Son nez continue de saigner, mais il ne fait rien pour éponger les flots qui s’écoulent en silence.

Il aimerait que tout soit faux, que rien ne soit réel.

Il aimerait ne jamais avoir existé.

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