Le départ 1 : Les préparatifs

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 Max ne dormit que d'un œil, attentif à son environnement. Le sommeil mouvementé de Matéo n'était pas passé inaperçu. Gibraltar qui avait dormi comme un loir après les émotions de la journée descendit le premier.

— Bonjour Gibraltar ! Bien dormi ?

— Très bien, merci ! bâilla le jeune homme en s'étirant. Je ne pensais pas qu'on dormirait aussi bien en haut. Dans le labyrinthe, le moindre bruit résonne dans tous les couloirs.

— Tu sais que tu peux rester aussi longtemps que tu le désires. Tu es chez toi ici. Je crois que Matéo le veut lui aussi. Sans compter Baby qui t'aime beaucoup.

— Oh ! Merci, ça me touche beaucoup. Vous êtes maintenant ma seule famille. Hem ! Bon ! Je peux faire quelque chose pour vous aider ?

— Tu peux mettre la table si tu veux.

— Oui, bien sûr !

 Pendant que Gibraltar s'exécutait, le vieil homme étala une pâte jaune clair sur du pain, ce qui attira son attention.

— C'est quoi ?

— Je vous prépare un petit déjeuner que nos ancêtres prenaient le matin. Ceci s'appelle du pain et cette pâte, c'est du beurre. On le trempe dans du café au lait, mais comme je n'ai pas de café, je l'ai remplacé par du thé.

— Ça m'a l'air dégueu ! On dirait le vomi d'un estomac malade, grimaça-t-il.

 Là-dessus, Matéo et Baby apparurent en haut de l'escalier.

— Hé ! Matéo, viens voir ça. On va déguster un repas d'avant le Grand Chaos. Va falloir t'accrocher !

 Après avoir installé Baby sur le banc près de Gibraltar, le jeune homme s'assis à côté de Max.

— Bonjour mon oncle ! Tu ne m'as jamais préparé un tel petit déjeuner. C'est Esprit qui t'a donné la recette ?

— Tu sais bien que je n'ai plus Esprit avec moi.

— Il faut tremper le pain dans le thé avant de le manger, expliqua Gibraltar comme s'il avait adopté cette habitude depuis toujours.

— C'est une curieuse façon de manger, mais ce n'est pas mauvais, commenta Matéo après y avoir goûté.

Gibraltar le dévisagea avec un étonnement non dissimulé. Il prit un morceau entre les lèvres, mâcha de façon circonspecte et reprit une grande bouchée.

 Seul Baby ne parvenait pas à s'y faire, écœuré par le beurre fondant dans sa bouche.

— Recrache-le, proposa Max. Tout le monde n'apprécie pas le beurre. Je te prépare des oeufs si tu veux.

 Baby fit oui de la tête.

— J'y vais ! s'exclama Gibraltar qui se dirigeait vers le fourneau.

— Merci mon garçon ! déclara Max. – Il leva les yeux vers Matéo – Je t'ai entendu gesticuler dans ton sommeil. Tu as encore fait un cauchemar ?

 Matéo dodelina de la tête.

— Ça ne peut plus durer, Slau va finir par t'achever. Je connais quelqu'un qui peut t'aider. C'est un visionnaire mais il demeure loin à l'ouest. C'est un long voyage.

— S'il peut me guérir, emmène-moi jusqu'à lui. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir.

— Ce n'est pas une maladie ce que tu as. Il ne te guérira pas mais t'apprendra à contrer les attaques de Slau.

— Je veux bien si vous m'accompagnez, fit Matéo à la cantonnade.

— De toute façon, plus rien ne me retient ici, répondit Gibraltar. Et toi Baby ?

 Le jeune garçon avait encore en mémoire tout ce que ses deux compagnons avaient fait pour ses yeux, comment ils l'avaient accompagné et soutenu. Il comprit que Matéo avait besoin de soins pour mieux dormir, alors il donna son accord d'un mouvement de la tête.

— On prend le temps de se préparer et on part la semaine prochaine, conclut Max qui, en tant que l'aîné du groupe, prit la direction des opérations.

 Pendant ce temps, un autre petit déjeuner avait lieu au palais ducal. Après le rapport des drones, Slau avait convoqué Judicaret. Il était assis au centre de la table, Cunégonde à une extrémité. Il portait un pantalon et une chemise de soie gris taupe, un gilet sans manches en cachemire bleu marine brodé d'arabesques jaunes. Une veste mi-long rouge à col officier passementée aux manches complétait la tenue. Cunégonde s'était parée d'une robe blanc perle composée d'un bas en froufrou et d'un bustier en taffetas à bretelles que cachait en partie une veste courte vert émeraude brodée de fils dorés.

 L'amiral Judicaret se tenait à deux mètres, impressionné par la majesté et la dignité qui se dégageaient des deux personnages.

— Les drones ont repéré la maison où se cachent Matéo et Max. Il semblerait que Gibraltar ait élu domicile chez eux après la dératisation de son village.

— Merci Amiral ! Vous avez fait du bon travail. Prenez place et discutons, proposa le Messager en désigant l'extrémité inoccupée de la table.

 Le service de table disposa à l'attention de l'officier cafetière, théière, pot de lait, viennoiseries, pain et confitures dès qu'il fut installé. Judicaret se fit servir une grande tasse de café mais ne toucha pas au reste.

— Réfléchissons ensemble au moyen d'en finir avec ces trois-là, continua Slau. Avez-vous envisagé, comme je l'ai demandé, une stratégie pour leur capture ?

 Le Messager avait encore en mémoire la défaite humiliante lors de l'évasion de Matéo et de ses acolytes. Il en ferait un exemple pour tous ceux qui oseraient s'opposer à lui.

— Les photos prises par les drones montrent qu'ils ne sont pas trois mais quatre. Matéo a recueilli un garçon aveugle qui, après enquête, se révèle être l'ancien esclave du Directeur Mahoré Elyas du camp Ouest.

— Parfait ! s'exclama Slau. C'est un poids qui va les entraver. Le petit esclave ne m'intéresse pas. Vous pouvez demander au Directeur du camp Ouest de participer à l'opération s'il désire récupérer son bien.

 Cunégonde assistait à l'entretien sans rien dire, mais elle ne put s'empêcher de désapprouver le guet-apens qui se préparait. Elle se demandait comment une personne pourrait être mauvaise lorsqu'elle hébergeait un jeune esclave en fuite et se disait que cela était bien cruel de le remettre à son maître sans précaution, sachant que la fuite était sanctionnée par la mort. Elle eut honte de douter des nobles intentions de son Seigneur, mais ne fit rien paraître du trouble qui l'assaillait.

— Nous pourrions encercler la zone autour de la maison de Max. Toutes les rues seront barricadées par des véhicules blindés et des tireurs seront positionnés sur les toits. Des soldats convergeront vers la cible tandis qu'une escouade restera sur le toit et une seconde au sol. Au signal, nous défoncerons la porte.

— Positionnez des soldats dans les airs dans des barges et une petite escouade avec des flyboards. N'oubliez pas les entrées du labyrinthe ! compléta le Messager.

 Slau se souvenait comment Matéo et ses amis lui avaient échappé grâce aux kits de vol et malgré l'attaque des serpents à plumes. Il devait être prêt à les intercepter sur terre, sous terre et dans les airs.

— Mettez toutes les forces nécessaires pour les arrêter, reprit le Messager. Tous les tasers seront sur le mode létal. Matéo est la cible principale. Vous avez jusqu'à lundi pour préparer cette attaque. Le dispositif devra être en place mardi matin deux heures avant l'aube.

— À vos ordres Monseigneur !

— Judicaret ! Si, par le plus grand des hasards, ils réussissent à nous échapper, vous prendrez les meilleurs hommes de la Garde prétorienne et les poursuivrez jusqu'à ce que la mission soit accomplie.

 Max avait décidé de partir dans la nuit du lundi au mardi. Le jour n'avait pas encore laissé place à la nuit quand toute la petite troupe se réunit dans la salle à manger, après un bon sommeil. Max leur avait préparé l'élixir des rêves qui leur assura un sommeil réparateur. Matéo avait apprécié d'avoir bénéficié d'une nuit sans cauchemar. Il demanda à son oncle pourquoi il ne lui en avait pas donné plus tôt.

— En réalité, ce breuvage est utilisé par les interprètes des rêves. Son utilisation prolongée est plus dangereuse que le mal qu'il est sensé éviter.

— Les interprètes des rêves ? demanda Matéo. Ce ne sont pas les visionnaires ?

— Les visionnaires parlent au nom des messagers. Ils révèlent leur volonté et transmettent leurs paroles. Il enseignent les vérités sur la race des messagers. Les interprètes des rêves, comme leur nom l'indique, rêvent avec toi, t'aident à comprendre qui tu es et à trouver ta voie dans ce monde.

— Trop bien ! Faudra que je consulte dès que j'en verrai un, annonça Gibraltar. J'en ai besoin aussi.

— À la condition qu'ils acceptent d'interpréter tes rêves ! précisa Max.

— Quoi ! Ils peuvent refuser ? Même si je les paie ?

— Leurs services sont gratuits et eux seuls décident qui a besoin d'une interprétation.

— Comment peuvent-ils savoir si j'ai besoin ou pas s'ils ne me connaissent pas ? s'étonna Gibraltar.

— Je ne sais pas, répondit Max. C'est pour cela qu'ils sont interprètes des rêves. Mais trève de bavardage !

 Max étala sur la table une carte de la région.

— Nous sommes ici, sur l'emplacement de l'ancien village de Stuttgart. Là, il y a des collines sur les pentes desquelles se trouve le palais ducal. Nous devons nous rendre à la cité de Paname à plusieurs centaines de kilomètres à l'ouest.

 Les deux garçons se penchèrent avec intérêt sur la carte, finement dessinée, d'une île immense, aux contours déchiquetés, qui constituait une partie de l'Europe, zone beaucoup plus vaste avant la montée des eaux.

— Cette carte est incroyable ! s'exclama Gibraltar. Je n'en ai jamais vue d'aussi précise. Il y a même le dessin des reliefs.

— Où l'as-tu trouvée mon oncle ?

— Le messager qui m'était apparu me l'a donnée. On continue si vous voulez bien. Toute la région est envahie par la forêt et la traverser nous prendra beaucoup de temps. Je vous propose donc de contourner la ville par l'ouest, de passer derrière ces collines qui dominent le palais ducal. Là, au lieu d'emprunter la route du sud-ouest, nous prendrons la direction de l'ouest pendant une cinquantaine de kilomètres jusqu'à l'Étang salé. C'est un grand lac d'eau salée, orienté comme vous le voyez sud-ouest nord-est et relié à la grande mer par d'étroits passages plus au nord. Nous ne ferons que le traverser dans sa largeur, ce qui nous évitera un long détour par le sud. Le temps gagné nous permettra de prendre une bonne avance au cas où Slau nous ferait suivre.

— On utilise la configuration du terrain au lieu d'aller à l'aveuglette. Très intelligent ! remarqua Gibraltar. Ça ne m'étonne pas que mon père vous ait pris à son service.

 C'était la première fois que le jeune homme faisait référence à son passé. Max le fixa avec un sourire aux lèvres

— Merci de valider mon plan ! ironisa gentiment l'ancien soldat. Voilà pour l'itinéraire. Passons au moyen de transport.

— Je propose une grande barge avec tout le confort. Autant voyager dans de bonnes conditions.

— Bonne idée, Gibraltar ! Mais c'est un moyen de locomation lent et voyant. Si on est poursuivi, il faudrait prévoir autre chose.

— Je propose des flyboards, intervint Matéo. C'est rapide, discret et ça se faufile partout. C'est idéal dans les bois. Il faut prévoir un système pour transporter Baby.

— Et des boucliers individuels et des tasers, compléta Gibraltar.

— Je vois que vous êtes des pros, conclut Max. Et des grenades aussi ! Matéo, tu nous mets tout ça s'il te plaît quand tu matérialiseras la barge ? Pendant que je prépare quelques provisions, reposez-vous. La nuit risque d'être mouvementée.

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