Le Réseau 3 : Conseil de sécurité

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 Après le départ du Messager, du redoutable Quetzalcoatl et des gardes rouges, Montparnasse s'était empressé d'informer les autres conseillers des exigences de Slau. Tous, conscients de la gravité de la situation, décidèrent d'un commun accord d'une délibération exceptionnelle afin de trouver une solution à la crise qui s'annonçait. La salle du Conseil était vaste et confortable, avec des couleurs neutres et une décoration élégante et sobre. Ils s'installèrent à la table ovale en acajou vernissé dans des fauteuils moelleux en tissu.

 Le président de séance, Chen Lee, avait une allure svelte, des yeux bridés au-dessus de pommettes saillantes. Les cheveux raides d'un noir de jais étaient disposés en touffes autour d'une fausse raie. À sa droite, Vipère, la quarantaine, le visage anguleux, le nez aquilin. Sa maigreur maladive recelait pourtant une formidable énergie quand le besoin se faisait sentir. À côté se tenait Montparnasse.

 En face, Joash respirait le bonheur, toujours souriant. Son air débonnaire le rendait tout de suite sympathique mais il savait prendre des décisions difficiles sans état d'âme. Vingt-quatre Quatorze prenait toujours soin de son apparence, les cheveux bruns plaqués avec soin sur la tête, toujours en costume cravate clair qui faisait ressortir son teint basané. Il avait un nez large aux narines arrondies et des lèvres charnues. Enfin, Brandeburg, un blond aux yeux bleus que faisait ressortir son teint blafard, aimait la bonne chair et la bière qu'il fabriquait lui-même selon une recette qui remontait jusqu'avant le Grand Chaos si on en croyait les rumeurs.

 Chen Lee souhaita la bienvenue à tous et déclara la séance ouverte. Il prononça quelques mots d'introduction pour expliquer le but du Conseil puis donna la parole à Montparnasse. Celui-ci expliqua la visite du Messager, exposant ses exigences.

— Je pense que nous avons mangé notre pain blanc, conclut Chen Lee. Notre tranquillité est menacée.

— Le Messager veut prendre nos jeunes ? intervint Vipère. S'ils peuvent combattre pour lui, ils peuvent aussi combattre contre lui. Nous ne pouvons pas le laisser détruire ce que nous avons tant peiné à construire.

— Moi aussi, j'aurais tendance à entrer en rébellion, déclara Joash, mais avons-nous les moyens de nos ambitions ? Avons-nous des armes en quantité, des soldats expérimentés ? Et ce Conseil connaît-t-il l'art de la guerre ? Sommes-nous capables de protéger nos concitoyens et mener à bien un conflit majeur pendant un temps indéterminé ?

— Là-dessus, je peux vous répondre, intervint Montparnasse. Nous sommes pacifiques et n'avons aucun moyen de tenir une guerre ou une guérilla. Je crois savoir qu'une usine fabrique du matériel militaire pour le Messager. Nous sommes complètement démunis face à cette puissance dont il est en train de se doter.

— Si je comprends bien, conclut Vingt-quatre Quatorze, il ne nous reste plus qu'à nous soumettre ?

— Si nous voulons préserver notre communauté, je ne vois pas ce que nous pourrions faire d'autre, affirma Chen Lee. Brandeburg, tu n'as rien dit. Qu'en penses-tu ?

 Brandeburg était l'un des rares descendants d'une tribu autochtone qui comptait de nombreux membres avant le Grand Chaos. Ses parents lui donnèrent le nom du village de sa naissance.

— Il fallait bien que tout cela arrive un jour. Je pense qu'il vaut mieux ployer en attendant des jours meilleurs que d'être anéanti.

Tous reconnurent la sagesse de ces propos et s'accordèrent à l'unanimité à satisfaire pour l'instant les exigences du Messager.

— Chacun fera le nécessaire dans sa juridiction pour donner au Messager une partie de notre jeunesse, décida Chen Lee. De toute façon, Il devra se contenter de ce qu'on lui offrira, il ne sera pas en mesure de savoir si nous avons bien pris un sur dix. Il est impossible de connaître le nombre exact de nos concitoyens. Quant aux trois avis de recherche, je crois savoir que tu les connais déjà Montparnasse.

— En effet, confirma ce dernier.

— Peux-tu inviter ce Max et son fils Matéo à venir passer quelques jours à Hauptbahnhof ? Ils ont confiance en toi et ne se douteront de rien.

 Ses pires craintes se réalisèrent. Il voulait surtout épargner Gilbraltar qui avait déjà connu une enfance difficile. Son protégé venait de retrouver une certaine stabilité. Il lui était pénible de le trahir d'une façon aussi abjecte.

— Justement, ils ont confiance en moi. Vous rendez-vous compte de ce que vous me demandez ?

— Nous devrons à présent tous faire des compromis et des concessions. Sacrifier quelques uns pour le salut du grand nombre est une valeur acceptable.

— Ce sacrifice ne garantit pas que le Messager ne dératisera pas le labyrinthe, rétorqua Montparnasse.

— Nous n'avons en effet aucune garantie, convint Chen Lee. Mais si nous ne le faisons pas, la dératisation sera certaine.

 Montparnasse reconnaissait que Chen Lee avait raison. La décision du Conseil l'obligeait à faire une chose immonde qui lui inspirait une profonde répugnance. Il se dégoûtait lui même. Si beaucoup avaient eu à se plaindre du Duc, que dire du Messager ? La liberté n'existait plus ! La colère mêlée à l'impuissance ne pouvait mener qu'à la haine. Le conseiller ne voulait pas se laisser assujettir par un sentiment aussi dévastateur. Quoiqu'il fasse, il perdait soit la liberté, soit l'estime de soi. Quelque soit le tunnel qu'il empruntait parmi les voies qui se présentaient à lui, la haine l'attendait à la sortie, prête à investir son esprit.

— C'est d'accord, je ferai ce qu'il faut, annonça-t-il dans un soupir.

— Je déclare la fermeture de la séance. Bon courage à tous, nous en aurons besoin à l'avenir.

 Chacun quitta la salle du Conseil en silence, abasourdi et conscient de la fin de l'autonomie dont le Réseau jouissait jusqu'à présent. Quels changements se présenteraient à l'avenir ? Plus personne n'était à l'abri de la domination tyrannique du Messager qui montrait ainsi son vrai visage.

 Le lendemain, Montparnasse rendit visite à Gibraltar. Il le félicita pour le travail accompli en tant que coursier.

— Des retours montrent que tu es très apprécié et cela rejaillit sur la bonne réputation de notre village. Tu mérites une petite récompense ou une compensation.

— Je pensais que tu venais me parler de la visite du Messager avant hier. Que voulait-il au juste ?

— Il voulait... heu !... nous informer de la création d'une armée et demandait que nous contribuons en lui envoyant quelques recrues. Le Conseil s'est réuni hier pour trouver une solution. Nous avons parlé de toi aussi ainsi que le bon travail que tu effectues à la satisfaction de tous. On voulait te remercier... Voyons... !

 Il fit semblant de réfléchir et s'écria comme si une idée lumineuse venait de germer dans son esprit.

— Et si tu invitais Matéo et Max pendant quelques jours au labyrinthe ? Vous passerez d'agréables moments j'en suis sûr, plus en sécurité sous terre qu'à l'extérieur. Qu'est-ce que tu en dis ?

— J'en dis que ce serait super, répondit Gibraltar sur un ton enthousiaste, sans remarquer le trouble qui agitait Montparnasse.

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