Chapitre 7 - L'échappée (1/2)

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 Les yeux grands ouverts, Aelis ne put rien faire de plus que de se prostrer davantage contre le tronc de l'arbre qui lui avait servi de cachette inutile. Un cerf d'un blanc immaculé lui faisait face. Ses immenses ramures étaient magnifiques et, en le voyant, la jeune fille se sentit aussitôt apaisée. L'animal semblait exempt de toute mauvaise intention. Comme pour confirmer ses pensées, Castanha descendit de l'épaule de l'humaine avant de grimper sur le cervidé et de s'installer confortablement dans ses ramures. Hypnotisée, elle se releva et se sentit très petite. En effet, le cerf la dépassait d'une bonne tête. L'adolescente le toisa un moment avant de s'incliner légèrement. L'animal était si majestueux qu'il inspirait un profond sentiment de respect. Lorsqu'il baissa la tête pour lui rendre la pareille, Aelis se permit de l'approcher.

 - Alors, c'est toi Cèrvi ? souffla t-elle.

 Et, comme pour répondre, il inclina de nouveau la tête. Ce n'était donc pas un cheval. Glenn avait omis quelques détails durant ses explications... Doucement, elle leva la main et l'approcha du magnifique animal. Il émettait comme une sorte d'aura, tout son corps semblait briller de lui-même. Le temps s'était comme suspendu lorsque la peau de l'adolescente entra en contact avec le doux pelage du cerf. Subjuguée, elle le caressait, tandis qu'il se laissait faire. Il était probable qu'il veuille gagner sa confiance même si elle lui était déjà toute acquise.

 Ce moment de pure extase fut détruit par un étrange bruit. Un son sourd qui sortait de terre. Cèrvi releva la tête et tendit l'oreille. Castanha se dressa sur ses deux pattes arrières, à l'affût. Aelis, concentrée, fut de nouveau saisie par la terreur. Ceux qui la poursuivaient avaient fini par trouver l'entrée du souterrain secret dans la maison de l'ermite. Elle pouvait entendre leurs voix grossières en plus des jappement incessants de leurs chiens de chasse. L'adolescente n'eut pas besoin de parler que le cerf blanc recula un peu et s'inclina sur ses pattes avant. Sans tergiverser plus longtemps, elle s'empressa de le monter. Il fallait partir et vite ! Imitant son ami l'écureuil, l'adolescente s'agrippa tant bien que mal pour éviter de tomber. Enfin, Cèrvi entama sa course.

 Aelis dut s'habituer tant bien que mal aux mouvements de sa monture. Ayant bien trop peur de tomber, elle s'était accrochée un moment à son cou puissant avant d'accepter de déserrer un peu son étreinte. Elle pouvait sentir les muscles puissants de l'animal se contracter au moindre de ses mouvements. Cette sensation était incroyable. À cette allure, ses poursuivants seraient bien vite semés. Elle ne les entendait déjà plus. Glenn avait eu raison, Cèrvi était extrêmement véloce. N'ayant rien d'autre à faire que d'écouter le bruit des feuilles piétinées par les sabots du cerf, l'adolescente finit par sombrer dans ses pensées. Elle songea à l'ermite qui lui avait sauvé la vie. Heureusement qu'il l'avait trouvée. Tout ce qu'elle espérait était qu'il soit encore en vie et qu'il ne souffre pas trop.

 La chevauchée dura un long moment et les animaux de la forêt de la vie se demandèrent longtemps pourquoi leur gardien était si pressé cette nuit-là. Tout danger semblait éloigné jusqu'à ce qu'Aelis sente quelque chose la frôler de près dans le dos. Elle ne comprit pas de suite mais, lorsqu'un effroyable hurlement lui glaça le sang, elle aperçut, sur le côté, une silhouette portant un arc et montée sur un étrange animal. Ce dernier possédait un corps de cheval mais sa tête n'avait rien d'équin. Elle ressemblait plutôt à celle d'un reptile. La jeune fille n'avait jamais vu de dragon de sa vie, mais le faciès de cet animal là semblait s'en rapprocher terriblement. Comme pour confirmer ses pensées, la bête se mit à pousser un cri strident lorsqu'elle fut talonnée par son maître. Enfin, elle se mit à courir. Cèrvi, quant à lui, continuait sa course. Aelis se demanda combien de temps est-ce qu'il pourrait tenir ce rythme car ce qui les poursuivait, certainement un bayard, était presque aussi rapide qu'eux.

 L'adolescente prit bien soin de recouvrir son visage de sa profonde capuche. Si jamais elle s'en sortait, il ne fallait surtout pas qu'elle soit reconnue. Elle espérait que cet éclaireur n'ait pas eut le temps de cerner ses traits. Au bout d'un temps de course qui sembla interminable, Cèrvi s'arrêta d'un coup sec, surprenant à la fois Aelis et le petit écureuil qui manqua de tomber. Il se retourna, prêt à affronter ses poursuivants. Lorsque le bayard fut assez proche, il s'arrêta net. Son maître jaugeait ses adversaires. L'arc qu'il tenait restait abaissé pour l'instant mais il y avait fort à parier que cela ne durerait pas. Ce face-à-face parut interminable à l'adolescente. Enfin, le chasseur se mit en mouvement. Son armure de plates cliqueta dans un son sinistre et il releva son arme. Sa main libre commença à se lever lentement. Il allait armer. Le cerf le comprit aussi bien que la jeune fille et il cabra tout en bramant. Les secousses de son corps étaient si violentes qu'Aelis fut projetée au sol. Castanha, qui avait sauté agilement, la rejoignit. Paralysée par la peur, elle resta là, recroquevillée sur elle-même.

 Les sabots de Cèrvi martelant la terre s'éloignaient d'elle. Il chargeait ses adversaires. Lorsqu'elle releva la tête, Aelis vit le grand coup de tête qu'asséna le gardien de la forêt. Le bayard décolla, projeté loin en arrière. Son maître, qui n'avait pas eu le temps de tirer, fut désarçonné et tomba lourdement sur le sol. Dans un cri de douleur, la monture sans cavalier, se releva avant de prendre la fuite. Le cerf toisa un moment l'être qui avait osé le chasser. Enfin, il chargea de nouveau. Ses cornes, qui s'avéraient magnifiques lorsqu'on les observait en toute tranquilité, se dévoilaient être une arme terrible. Le poursuivant était tout-à-coup devenu la proie. Il se faisait massacrer. Ses hurlements de douleur ne semblaient pas calmer Cèrvi. Bien au contraire, il s'acharnait davantage. La jeune fille, paralysée par cette vision d'horreur, ne parvenait pas à détourner le regard. Castanha, quant à lui, s'était réfugié dans les plis de son manteau.

 Aelis aurait été incapable de dire combien de temps dura cette scène de massacre. Quelques secondes, quelques minutes ? Toujours était-il que cela lui avait paru très long. Lorsque les cris de son ennemi se furent transformés en petits gargouillis, Cèrvi fit demi-tour afin de rejoindre sa protégée. Son regard ne semblait nullement menaçant. Il avait fait cela pour la sauver et elle en était bel et bien consciente. Toujours sous le choc, elle n'osa toutefois pas prendre la parole. Le cerf avait désormais les cornes d'un rouge luisant. Quelques éclaboussures entachaient également sa robe d'habitude immaculée. Reprenant ses esprits, l'adolescente entreprit d'inspecter l'animal afin de voir s'il n'était pas blessé mais tout semblait aller parfaitement bien pour lui. Comme pour se rassurer, elle le caressa sur des zones non impactées par le sang qui avait coulé. La peau de l'animal frémit à ce contact. Enfin, il piétina le sol d'impatience. Il fallait partir.

 Une longue chevauchée fut alors entreprise. Cèrvi accepta de faire une pause seulement lorsque les premiers rayons du soleil firent leur apparition. Plus aucun bruit n'avait fait surface depuis qu'il avait tué son poursuivant. Toute menace semblait éloignée pour le moment. Aelis profita de cet instant pour manger et boire un peu. Les pommes de Glenn étaient toujours aussi délicieuses. Elle garda le saborós pour plus tard, lorsqu'elle serait réellement en manque d'énergie. Très vite, le cerf pressa de nouveau l'adolescente. Il devait savoir que plus vite elle quitterait la forêt, plus elle aurait de chances d'être en sécurité. Docile, elle le monta de nouveau.

 Ils ne s'arrêtèrent que deux fois dans la journée. La jeune fille avait profité de la présence d'un ruisseau pour nettoyer sa monture. Le sang séché sur le pelage du cerf lui rappelait trop cette vision d'horreur qu'elle avait eu. Quelqu'un s'était fait sauvagement tuer sous ses yeux. Jamais elle ne l'oublierait. La dernière chevauchée fut la plus longue de toutes. Le soleil se coucha, laissant apparaître une lune blafarde. Désormais accoutumée au galop de l'animal, Aelis somnolait quelque peu. Elle était épuisée. Cependant, elle ne se permettait pas le luxe de s'endormir, ayant bien trop peur de tomber. Sa dernière chute avait été bien assez douloureuse comme cela. Des contusions lui faisaient mal dans le dos et le bas des reins.


 Lorsque Cèrvi s'arrêta enfin au petit matin, la jeune fille avala quelques baies qu'elle partagea avec ses deux compagnons. Ils profitèrent de cet instant jusqu'à ce qu'une nouvelle fois, le gardien de la forêt de la vie ne paraisse s'impatienter. Pensant qu'il allait se laisser remonter, l'adolescente s'approcha de lui mais, il ne se baissa pas pour l'aider. Au contraire, il lui tourna le dos et avança lentement sur quelques mètres. Intriguée, l'adolescente le suivit. Enfin, elle découvrit ce que voulait lui montrer le cerf. Un chemin délimité par les traces de roues de charette se laissait entrevoir. À bien y regarder, certains arbres alentours avaient été coupés. Il était probable que certaines personnes viennent ici pour trouver de quoi se chauffer durant la saison froide. Ce fut la seule explication que trouva Aelis sur le moment pour justifier la présence de ce chemin ici. Se tournant de nouveau vers Cèrvi et Castanha, toujours dans ses ramures, elle comprit. L'heure des séparations venait de sonner.

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