Le Cœur du Sanctuaire

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Je fais rouler un peu mes épaules, sautille, m’échauffe, récupère ma hache. J’inspire. J’expire. J’imagine que le mieux serait de le toucher au milieu de l’œil. Mais c’est trop dangereux, essayons déjà de le clouer au sol, il sera moins dangereux s’il ne peut pas me courir après.

Je sors de ma cachette et me jette sur lui en abattant mon arme de toutes mes forces sur sa patte. La créature lance un cri tout sauf animal et sa tête se met à tourner sur elle-même. Je prends un peu de distance. Il Si le métal a entamé celui de l’ennemi, ce n’est pas suffisant pour lui couper une patte, et ce d’autant plus que son œil bouge indépendamment de son corps… Et donc qu’il me vise constamment. Je ne veux pas savoir quelle puissance a ses tirs, encore moins en finissant en passoire. Mais ce que je vois surtout, c’est qu’il y a de l’eau autour de la plateforme, et que si je peux l’y attirer, peut-être que…

Le bruit d’un tir me fait sursauter et je l’esquive au dernier moment en sautant sur le côté, en direction de l’eau qui se trouve en contrebas. Là, mon ennemi me suit, apparemment sans dommages. En fait, à part qu’il devient difficile pour moi de me déplacer, je ne vois pas vraiment de changement… Ce n’était pas une bonne idée, remontons vite avant qu’il ne me tire encore dessus…

J’esquive maladroitement un nouveau tir, me jette sur l’échelle et me rend compte que je n’arriverai pas en haut avant qu’il ait pu m’attaquer à nouveau. Ma seule solution semble être de l’éliminer, à grands coups de hache visiblement. Peut-être qu’à force de le frapper…

Je n’ai pas le temps de réfléchir qu’il est déjà en train de charger. Bon, allons-y franchement alors. Je lui assène coup sur coup, profitant du poids de mon arme pour lui faire un maximum de dégâts. Au troisième coup, son œil se fend et une sorte de fumée électrique me fait me reculer. Il explose à quelques mètres de moi, laissant derrière lui quelque chose qui ressemble à une vis et à un ressort.

Peut-être que c’est ce que cherche le vieil homme. Enfin, il aurait pu me prévenir qu’il fallait prendre des risques pour obtenir ces trucs !

Enfin, ce n’est pas grave. J’ai juste les pieds mouillés, le pantalon mouillé, mes manches et mon haut mouillés, je suis glacé, et j’ai l’impression que ce petit vieux s’est moqué de moi et m’a refilé le sale boulot parce qu’il n’avait pas envie de le faire. J’aurais simplement pu lui refiler la tablette et le laisser chasser son trésor tout seul.

Brr. Sortons de là rapidement.

Je remonte l’échelle, ôte mon haut, l’essore et le coince dans ma ceinture, pendant que j’ôte un maximum d’eau de mes chaussures et de mon pantalon. J’ai ce qu’il me faut, je devrais pouvoir remonter voir le vieillard, mais… La suite du parcours est trop claire, et ma curiosité est trop forte. Au premier adversaire, je quitte les lieux sans demander mon reste, mais je ne veux pas m’arrêter là, pas si près de… De quoi ? De la fin ? Du but ? Oh, et puis il me suffit de passer sur la plaque en métal qui relie cette plateforme à la suivante, puis la déplacer entre celle du milieu et la dernière, puis ouvrir les deux portes en métal. Et après je ferai demi-tour.

J’espère que je pourrais au moins en profiter pour récupérer le coffre métallique qui se trouve contre le mur de gauche. Je ne dirais pas non à un nouveau pantalon ou à une paire de chaussures sèches.

Je m’exécute donc, déplace la plaque, récupère le coffre et l’ouvre. Ç'aurait été trop beau, évidemment. Mais un arc, c’est déjà ça. Sans flèches, évidemment, ç’aurait été trop demander. Enfin, il faut bien se contenter de ce que l’on a.

ne restent plus que ces monstres de fer gravés de courbes qui dansent en cercle autour de leur centre commun, bras éphémères, protecteurs dont l’éclat métallique, dans la pénombre bleuté qui règne dans ce coin pourtant bien éclairé par de multiples petites lanternes très insuffisantes. Elles sont belles, oui, presque hypnotisantes, si on suit leurs dessins du regard, mais ce ne sont que deux larges morceaux de métal. Alors ouvrons ces portes et voyons ce qui se cache derrière.

C’est… Une personne ? Sur une sorte d’autel surplombé par une cheminée qui génère une sorte de cage cubique bleue, et entouré de six flambeaux de pierre ? Mais qu’est-ce que… ? Avec toute cette poussière, quelqu’un vit ici ?

Je m’approche progressivement. L’autel est surélevé, deux escaliers m’y mènent directement. Et plus je m’approche, plus une étrange odeur de chair en décomposition me prend à la gorge. Un cadavre. C’est un cadavre, ou tout du moins quelque chose qui y ressemble qui m’attend au bout de ce sanctuaire, tout juste la peau sur les os, au teint plus proche du gris verdâtre que de la véritable couleur, assis en tailleur, les mains dans une position étrange et un grand cercle de tissu abîmé derrière la tête.

Une certaine tristesse m’envahit en contemplant le symbole que le cadavre porte au milieu du front et qui se dessine sur le cube de lumière. Un œil, aux cils triangulaires, qui pleure une seule goutte. Un symbole que j’ai l’impression de connaître. Cet être, face à moi… Est-ce que je l’ai connu ? Est-ce que j’en ai su plus, un jour, ou est-ce que je suis simplement en train de devenir fou ?

J’approche ma main du symbole, le touche du bout des doigts. Il est froid, liquide, et de transparent, il s’illumine, se concrétise, comme s’il se changeait en bâtons de lumière, avant d’éclater, purement et simplement. Je ne sais exactement ce que je ressens. C’est en effet très beau, mais cela ressemble également aux barreaux d’une prison. Des milliers de barreaux si serrés, presque indiscernables les uns des autres… Ils forment une barrière, une prison, un mur, une séparation, mais pourquoi enfermer un cadavre ?

En triomphant de l’épreuve, fit ledit cadavre d’une voix qui ne faisait pas bouger ses lèvres, tu as prouvé que tu étais digne du titre de Héros.

Je fronce les sourcils.

— Je ne…

Je suis Ma’Ohnu, me coupa mon interlocuteur, qui ne devait donc pas être aussi mort que je le pensais, le moine fondateur de ce sanctuaire à qui la Déesse Hylia s’est révélée autrefois. J’ai voué mon existence à jauger la force de quiconque entre ici, et à lui apporter mon aide dans sa lutte contre le Fléau. Et aujourd’hui, enfin, le véritable Héros se tient devant moi.

Le véritable Héros ? Moi ? Non, non, il y a erreur sur la personne.

Au nom de la Déesse Hylia, laisse-moi te décerner ce qui te revient de droit et reçois l’emblème du triomphe.

De son cœur jaillit un symbole en forme d’oiseau qui vient me frapper en pleine poitrine, me réchauffant de l’intérieur. Je me sens comme revigoré, oui, mais la nostalgie m’envahis. Quelque chose dans ce symbole, dans ce titre de Héros me brise le cœur. Quelque chose que j’ai oublié, et que je n’aurais pas dû oublier. Pourquoi ? Ma mémoire refuse de répondre à mes questions. Mais peut-être que Ma’Ohnu…

Mon devoir est désormais accompli. Puisse la Déesse Hylia te protéger dans ta quête…

Un étrange courant d’air m’enveloppe, me dépasse. Le corps devant moi semble se désagréger, comme une image brûlée par une lumière verte, étrange, incompréhensible. Comme si la réalité reprenait ses droits.

— Attendez...

Je tends la main, lui demande d’attendre, mais le mot n’a pas traversé mes lèvres que je sais que c’est en vain. Et je contemple ce corps s’envoler, se disperser, comme autant de particules d’une poussière lumineuse, dont l’éclat se ternit, progressivement, jusqu’à ne plus être rien.

Je suis à nouveau seul. Abandonné par le gardien du sanctuaire, par mes souvenirs, utilisé par ce vieil homme. Vieil homme auprès duquel je n’ai plus qu’à retourner, en espérant que ces objets trouvés sur l’ennemi soient bien les trésors qu’il recherchait, parce qu’il n’y a rien d’autre ici. Rien d’autre que de la poussière et la voix des morts pour vous mettre face à votre devoir.

Sortons donc, puisque là semble être ma destinée héroïque.

Allons donner des vis à cet homme.

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