Chapitre 04

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« Kaori. »

Une voix que j’aime résonne en écho. J’ouvre les yeux. Tout autour de moi est d’un blanc pur, immaculé. Puis, encore une fois, cette voix que je connais se manifeste. Une voix qui me redonne le sourire.

« Kaori. »

Oui, je la reconnais : ta douce voix chantante.

Alors, je me dirige vers ce son lointain. À chacun de mes pas, des ondes se propagent. Je ne sens pas le sol, c’est comme si je ricochais de plus en plus rapidement sur une surface lisse.

Chaque pas brouille cet étrange sol aqueux et m’empêche de percevoir les scènes qui se déroulent dans le reflet. Mais alors que je pense ralentir, que je désire observer ce phénomène à mes pieds, ta voix m’appelles. À contrecœur, je délaisse ma curiosité pour te rejoindre.

Ma course se termine devant le prunier du temple. Tu me fais face, vêtue d’un kimono blanc. Le genre d’habit qu’on porte pour son mariage. Tu m’offres un sourire et je retiens mes larmes de joie.

Tu te retournes et te diriges vers une autre femme. Je ne l’avais pas vue, ou plutôt, n’y avait pas prêté attention. Ce physique : on dirait la description d’Umejo. Je fronce des sourcils, je ne désire que te courir après. Te poursuivre. Je ne veux pas que tu me laisses ici, seule ! Ne m’abandonne pas, Kizuna !

À chaque nouveau pas, mon pied s’enfonce dans la surface. Ma voix est étouffée par le bruit du vent dans les branches du prunier. Je suis engloutie, et un torrent de larmes sied mes joues.

Des visions m’assaillent de toutes parts. Je souhaite hurler. Te faire savoir que je n’y comprends rien !

Je retrouve toujours le même cheminement à ces scènes. J’y vois Umejo. Elle discute avec quelqu’un : tantôt une femme, tantôt un homme. Je la découvre maladroite et hésitante, mais surtout, elle finit souvent par enlacer l’être humain. Je l’observe l’embrasser ou l’aimer… Et surtout, partager cet amour. Jusqu’à ce qu’une autre personne vienne séparer les amants.

Je n’ai pas le temps de comprendre que j’assiste à une étrange scène. Une femme richement vêtue, hurlant le nom de Kizuna tout en tirant vers elle le bras d’un homme. Ceci, avant de s’adresser avec agressivité à l’esprit :

« Je ne te le laisserai jamais ! JAMAIS ! Tu m’entends ? »

Ce cri, cette rage, on dirait les miens.

Et alors que je trouve un écho à mes émotions dans cette inconnue bafouée, je sens de nouveau l’air dans mes poumons. La dureté du matelas me rappelle à la réalité. Mon teint est pâle à l’image d’un envoyé de la Mort. Et si je papillonne des yeux, seule la nuit englobe les lieux.

J’entends les jappements de Pochi qui veut pénétrer dans ma chambre. Mon regard se porte sur mes mains tremblantes. Mon corps se souvient parfaitement de cette sensation de chute libre. Je déglutis et me lève en direction de la salle de bain. J’ai besoin de me passer de l’eau sur le visage. Un coup d’œil sur l’horloge numérique de l’entrée, en contrebas, m’indique qu’il est à peine minuit.

Qu’est-ce qui m’a pris ? C’est la question qui me trotte dans la tête, alors que j’ouvre le robinet et fais glisser ma main sous l’eau froide. Glaciale même, les canalisations subissent la température extérieure en cette saison. Le contact du liquide me tire un soupir de bien-être. J’en asperge mon visage et ma nuque. J’observe mon reflet et serre avec force le bord du lavabo. Mes pensées vont à ce rêve étrange. Cette fois, je me souviens de ce qui m’a réveillé.

Ta voix, Kizuna. La silhouette de cette Umejo. Ces visions alors que je tombais. Serait-ce les actions d’un esprit maléfique ? Mais si elle vit dans un temple, elle ne devrait pas être corrompue. Après tout, si j’admets qu’elle n’est pas humaine, je dois avouer que les esprits, et les kamis — nos dieux — existent !

« J’en ai marre... » Est la première chose qui quitte mes lèvres, alors que je soupire fortement.

« Je n’y comprends rien à rien. Bordel, Kizuna, je n’ai jamais été porté sur ces trucs ésotériques moi. »

Le couinement de mon chien me pousse à le regarder. Si même lui s’inquiète pour moi où va le monde ? Tout en retournant dans ma chambre, j’en profite pour lui glisser une caresse. Mon corps finit par s’échouer lourdement sur le lit alors que j’indique à Pochi de venir se coucher contre moi. Les yeux rivés sur le plafond, je tente de repenser à tout ça. Et mon visage se tourne vers le journal. Devrais-je le lire, ou attendre de récupérer le recueil de Kaidan ?

« Perdue pour perdue, autant en rajouter. Voyons voir jusqu’où tu vas défier mon sens logique Kizuna... » Dis-je, un petit sourire triste sur les lèvres, avant de me saisir de ce qui comporte à la fois des questions, et des réponses.

Je cherche donc à la suite de ma dernière lecture, un passage pertinent. Juste éclairée par la lueur d’une pleine lune, je sens à nouveau ta chaleur et ta présence contre moi. Voyageons dans le passé que tu me caches.

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