Partie 2

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04h53

 Il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits. Il regarda autour de lui. Rien n'avait changé. Rien ? Ses yeux se posèrent sur l'endroit où Jean était étendu sur le sol. Il avait disparu ! Stéphane resta pantois. Comment avait-il pu se volatiliser si vite ?

 Il n'eut pas le temps de chercher des réponses à ses question, la porte venait de s'ouvrir. Deux hommes venaient de pénétrer dans la pièce et s'avancèrent dans une allée. Ils étaient certainement à sa recherche ! Il referma la mallette aussi discrètement que possible et se prépara à sortir dès que l'occasion se présenterait.

  • Et maintenant m'sieur, on fait quoi ?
  • Je cherche une mallette portant l'étiquette Tim-Trv 2-quelque chose, tu sais comment sont rangés les choses ici ?

 Cette voix, Stéphane la reconnaissait, c'était celle de Jean, le soldat tué quelques minutes plus tôt. Comment est-ce possible ? Et qui était le deuxième homme pour rechercher exactement la même chose que lui ?

  • Oui c'est rangé par ordre alphabétique, la rangée P-U c'est la troisième.

 Le sang de l'ancien agent de police se glaça. Évidemment, s'ils recherchaient la même chose, ils allaient se diriger vers lui !

 Pas de doute possible, Stéphane avait bien reconnu le jeune soldat. Les deux hommes venaient dans sa direction. Il se décida à changer d'allée sans se faire repérer et d'attendre que les hommes s'en aillent.

  • C'est pour mon bizutage ? Vous allez faire quoi avec ?
  • Je ne peux pas te le dire, sinon les autres vont se douter que tu es au courant. Ah la voilà !

04h54

 Pas possible ! Il devait être en train de rêver ! C'était exactement la même conversation qu'il avait eu quelques minutes auparavant !

  • Vous m'avez vraiment pris pour un con m'sieur.
  • Qu'est-ce que..? Je ne comprends pas, qu'est-ce que tu fais ?

 Stéphane regarda ébahit la mallette qu'il avait entre les mains. Que contenait-elle au juste ?

  • Sérieusement, vous n'aviez pas remarqué que je m'étais rendu compte que vous aviez lu mon nom sur ma plaque ?

 Il ne se rappelait que trop bien de ce moment, dans quelques secondes, un homme entrerait et abatterait Jean d'une balle dans la tête. Il pourra alors lui demander des explications.

  • Ah et pour information, le poids d'un fusil mitrailleur est différent selon s'il est chargé ou non. Je peux m'estimer heureux que vous ne m'ayez pris mon arme de poing cachée sous ma veste.

 Stéphane tapota sa ceinture et sentit la forme du pistolet sur sa hanche. Il sortit son arme, prêt à menacer son sauveur si nécessaire pour avoir des explications.

  • Il m'a suffit d'attendre le moment opportun pour reprendre le contrôle.

 C'était maintenant, l'homme allait entrer et abattre le jeune homme. Il se rapprocha le plus qu'il put de l'allée où son double et son assaillant se trouvaient et guetta les environs, le coeur battant à tout rompre. Personne ne se manifesta. Stéphane passa la tête dans l'allée et vit son double reculer lentement d'un pas. Personne ne viendrait, cette fois c'est lui qui allait se faire tuer. Sans hésiter, il bondit hors de sa cachette, leva son arme et tira une balle dans le crâne du jeune homme.

04h55

 C'était lui ! Il n'y avait personne d'autre, ça avait toujours été lui ! Son lui passé le regarda, incrédule.

  • Qui... qui êtes-vous ? bredouilla-t-il.
  • Ça n'a pas d'importance, tout ce que tu dois savoir, c'est que tu dois ouvrir la mallette et poser ta main sur l'écran. Vite, le temps presse !

 Les mots lui venaient naturellement, et à mesure qu'il les prononçait il se rendit compte que c'était exactement ce qu'il avait entendu quelques instants auparavant, alors que les positions étaient inversées.

  • Mais...
  • On s'en fout, le temps presse ! Tu veux sauver ta fille ? Alors fais ce que je te dis !

 Sa fille ! Il venait de trouver la solution pour sauver sa fille ! S'il avait bien entre les mains une machine à voyager dans le temps, il lui suffirait de revenir au moment de l'enlèvement, et il pourrait empêcher les événements de se produire. Fort de cette idée, il se dirigea vers la porte et se saisit de la poignée. Non, avant de ressortir, il lui fallait mieux observer cet appareil et essayer de comprendre comment il fonctionne pour se tenir prêt.

«N'hésitez pas à faire usage du contenu de la mallette.»

 La voix trafiquée du ravisseur résonnait encore dans sa tête. Il savait donc ce que contenait la mallette. Et s'il lui avait dit d'en faire usage, c'est donc qu'il devait être possible d'en comprendre le fonctionnement rapidement. Il posa la mallette au sol et l'ouvrit.

 La pénombre ne lui permit pas de distinguer tous les détails du mécanisme. Stéphane sortit sa lampe torche et balaya le contenu de la mallette avec la lumière émise. L'horloge du dispositif indiquait 04h56. Un petit clavier numérique encadré de deux touches directionnelles «gauche» et «droite» attira son attention. Il pressa la touche «gauche» et le premier zéro du cadran indiquant -00:03:00 clignota. Trois minutes. Il regarda sa montre, 04h59. C'est la différence de temps affichée par sa montre et le dispositif. Ils étaient pourtant synchronisés avant. Un bref flash de lumière bleue éclaira faiblement la pièce. Stéphane sentit son coeur s'embaler. Il balaya l'endroit de sa lampe torche et constata que son double passé n'était plus là. Il se reconcentra sur la machine et pianota sur le pavé numérique.

 -00:10:00. C'est ce sur quoi il avait arrêté son choix. Dix minutes dans le passé devraient lui suffire pour trouver la sortie. Comme la première fois, il posa sa main sur l'écran tactile et la pièce autour de lui se mit à tourner dans une lueur bleutée.

04h47

 Les murs cessèrent enfin leur ballet infernal et tout redevint calme. Stéphane consulta sa montre, 05h00. Elle avait maintenant treize minutes de décalage avec celle de l'appareil qui affichait 04h47. Il referma la mallette et sortit de la pièce sombre. La lumière du couloir l'aveugla et il eut besoin de quelques instants pour s'y habituer.

 Il s'élança à travers les couloirs déserts du bâtiment, les bruits de ses pas résonnant en rythme. Si tout allait bien, au bout de l'allée il tournerait à gauche et se retrouverait devant le laboratoire vitré. Des pas se firent entendre. Quelqu'un venait justement de ce couloir. Mais oui ! Ce devait être son double passé et Jean, le jeune soldat. Des échos de voix confirmèrent bientôt ses pensées. Pas de temps à perdre, ils arriveront d'une seconde à l'autre. Il ouvrit la mallette et posa une fois de plus sa main sur le cadran. Comme les deux fois précédentes, tout se mit à tourner autour de lui.

04h39

 Alors que les murs cessèrent de bouger, Stéphane sentit son estomac remonter. Cette sensation à chaque saut temporel lui était vraiment désagréable. Il prit appui sur un mur et respira profondément. Il regarda autour de lui. Personne. Il s'accroupit et passa devant le laboratoire, comme la première fois. Le plus difficile était fait. L'ancien policier reprit sa marche à travers le dédale en restant attentif à d'éventuels bruits trahissant la présence de soldats.

04h42

 Le bâtiment labyrinthique eut raison de Stéphane qui se trompa de chemin par deux fois. Par chance, il put revenir à son point de départ, une pièce dont la porte n'était pas vérouillée. Celle-là même où Jean l'avait trouvé. Il ne lui restait qu'à franchir la porte de sortie, traverser la cour, et retourner à la voiture. Une fois là bas, il pourrait enfin remonter le temps et empêcher les ravisseurs de sa fille d'arriver à leurs fins. Il entrouvrit la porte, jeta un oeil par l'ouverture et la referma tout aussi vite. Mince, évidemment c'était pile à ce moment là que son double du passé avait choisi de se diriger vers cette foutue porte pour se cacher !

04h43

  • Il y a quelqu'un ?

 Le sang de Stéphane se glaça. Il reconnut instantanément la voix de Jean. Encore ?! En se cachant derrière deux grosses caisses, il marcha dans un étrange liquide à l'odeur nauséabonde.

  • Je sais que vous êtes là, sortez les mains en l'air !

 Jean le débusquerait dès qu'il pénétrera dans la pièce, Stéphane était pris au piège ! Il se hâta d'ouvrir sa mallette et posa rapidement sa main sur l'écran tactile.

*

*   *

 Jean marchait prudemment le long du couloir menant à la réserve de munitions, son fusil mitrailleur à la main prêt à faire feu. L'intrus potentiel s'y était engouffré, il en était certain ! Du moins, aussi certain qu'il pouvait l'être sans avoir dormi depuis plus de vingt-quatre heures. Après tout, il était également certain d'avoir verrouillé la porte de la réserve, alors comment un intrus aurait pu s'y introduire ? Peut-être était-ce un collègue.

  • Il y a quelqu'un ? tenta-il.

 Pas de réponse. Il s'avança prudemment et s'arrêta devant la porte.

  • Je sais que vous êtes là, sortez les mains en l'air !

 Il n'eut pas plus de succès que la première fois. Il se décida à pousser lentement la porte avec son fusil et pénétra dans la réserve. Effectivement, la porte n'était pas verrouillée. Foutu manque de sommeil ! Il balaya l'endroit du regard, puis vérifia chaque recoin où un être humain pouvait se cacher. Rien. Finalement, il aura certainement halluciné. Prendre un peu l'air lui ferait certainement du bien. Le jeune soldat passa son fusil en bandoulière, puis sortit un paquet de cigarettes de sa poche et en prit une avec la bouche. La première depuis douze heures. Celle-ci, il allait l'apprécier ! Il ouvrit la porte donnant sur l'extérieur et tomba nez à nez avec un inconnu.

04h33

 Cette fois, lorsque les murs reprirent leur place et se figèrent à nouveau, Stéphane se pencha en avant et vomit entre deux caisses de munitions. Il avait certainement fait usage de la machine à intervales trop rapprochés. Cette idée causa quelques inquiétudes en lui. Y avait-il un risque pour lui d'utiliser trop souvent un tel objet ? Pouvait-il avoir des séquelles, voire pire, mourir ? Une inquiétude le gagna, mais il réussit à la repousser et s'engouffra finalement à l'extérieur. L'air frais sur sa peau empoissée de sueur le fit frissonner. Il vérifia les alentours, puis s'élança en direction de la voiture.

«Encore quelques mètres et papa viendra à ton secours ma puce. Tiens bon, je viens te sauver !»

 Ces paroles, il les destinait plus à lui qu'à sa fille. Il franchit finalement la grille par le même trou et ouvrit aussitôt la mallette sur le sol. Elle avait été enlevée il y a un peu plus de deux jours, devant son école. Il calcula rapidement qu'il lui faudrait remonter au moins soixante heures dans le passé, disons soixante-deux pour être sûr.

 Un bruit sourd venant de l'arrière du véhicule le tétanisa. Il ferma la mallette et la dissimula sous l'avant de la voiture. Il se releva lentement et sortit son arme.

  • Il y a quelqu'un ? Qui est là ?!

 Évidemment, personne n'allait répondre oui en se présentant. Stéphane se sentit idiot d'avoir posé la question. Il se dirigea vers l'arrière du véhicule et essaya d'intimider l'autre.

  • Je vous préviens je suis armé !

 Voilà qui devrait dissuader son adversaire. Stéphane avançait prudemment. Il débusquerait bientôt l'autre. Soudain, il sentit un bras passer autour de son cou, et avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, il sentit sa gorge se serrer de plus en plus. Ses mains empoissées de sueur laissèrent son arme lui glisser des mains. Le manque d'air troubla ses capacités cognitives et il eut du mal à réfléchir à la bonne chose à faire pour se sortir de cette situation.

 Une pensée l'effraya. Quelle heure était-il ? Il avait tué un homme avant de commencer sa mission, se pourrait-il que..? Affolé, il se débatit et ils tombèrent à la renverse. Cette fois-ci, c'était fini. Tout se passait comme la première fois. Pourquoi n'avait-il pas pensé à ça ? Pourquoi n'avait-il pas réglé en vitesse le cadran de la machine, ou même, fait un bon rapide de dix minutes ?! Les pensées affluèrent dans son esprit. Une belle petite fille blonde le regardait.

«Tu avais dit que tu me sauverais papa... Tu m'as menti ! Pourquoi ? Pourquoi ?!»

 Il essaya de lui répondre que ce n'était pas sa faute, qu'il avait tout essayé, qu'il était désolé, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

 De longues minutes s'écoulèrent et Stéphane comprit alors que tout était perdu. Il flottait quelque part, entre la vie et la mort, et n'avait plus la force de résister. Ses dernières forces le quittèrent peu à peu, et un épais silence l'enveloppa.

04h45

 Le véhicule emprunta un sentier forestier très peu utilisé. Jane attendait ce moment depuis très longtemps. Enfin elle touchait au but ! Elle regarda la petite fille assise à côté d'elle sur la banquette arrière et lui sourit.

  • Tu vas finalement retrouver ton papa, c'est bientôt terminé ma puce !

 La petite lui rendit son sourire.

  • Ouiii ! Mais on se reverra madame, hein dis ?! Et tu m'emmèneras encore manger une glace ? Hein madame ?!
  • Malheureusement je ne pense pas que ce sera possible, répondit Jane en souriant. Vois-tu, à l'heure qu'il est, ton papa doit être parti dans un endroit très spécial, un endroit tellement bien que personne n'en revient jamais. Et toi tu vas aller avec lui.
  • Aaaah d'accord ! Mais tu viendras nous voir alors ?! Hein madame ?!
  • Oui mais pas avant de nombreuses années ma puce.

 La voiture coupa ses feux et se gara à côté d'une autre, face à une clôture militaire.

  • Nous sommes arrivés madame, intervint le chauffeur.
  • «Nous sommes arrivés madame, nous sommes arrivés madame» s'emporta-t-elle, je vois bien qu'on est arrivés ! Tu m'as prise pour une idiote ou quoi ?!
  • Pardonnez-moi madame, répondit-il penaud, je ne voulais pas vous...
  • Ouais bah fais gaffe Jeff, coupa-t-elle, à force tu vas finir comme ce pauvre homme !

 Jeff sortit du véhicule et ouvrit la porte arrière, laissant sortir les deux passagères.

  • Vas ramasser la malette, d'après ses rapports, elle est cachée sous l'avant du véhicule.
  • Bien madame.

 La petite fille sauta joyeusement sur son père avec un «Papaaaaa !» avant de commencer à lui raconter ses aventures. Après quelques secondes, et voyant que son père ne répondait pas, elle demanda :

  • Papa ? Tu m'écoutes ?

 Jane sortit un couteau et s'approcha par derrière de la petite fille. Cette idée la répugnait. Pas de tuer une petite fille, non, ça elle s'en fichait. Tuer des gens tachait ses vêtements. Quant à Jeff, son homme de main, il perdait connaissance à la vue du sang. C'était donc à elle que revenait cette tâche ingrate à chaque fois.

 Une faible lueur bleutée la stoppa. Elle se retourna et vit un homme debout avec un étrange appareil fixé sur le torse par des sangles.

  • Arrêtes !
  • Qui est-tu pour me parler comme ça ? répondit-elle outrée par l'inconscience de l'homme.
  • Je te conseille de baisser d'un ton avec moi, il me serait facile de lui demander de supprimer ton existence.

 Jane s'agenouilla aussitôt et s'inclina pronfondément, suivit de près par Jeff.

  • Je vous demande pardon.
  • Vous ne devez pas supprimer cette petite. Elle cherchera à venger son père et, de fait, sera le déclencheur de l'opération Exode sans le savoir. Elle est vitale pour le plan.
  • Bien, comme vous voudrez.

 L'homme disparut dans une lueur bleutée. Jane remonta dans la voiture, suivit par Jeff, laissant la petite fille seule. Cette dernière réalisait peu à peu que quelque chose n'allait pas, et elle commença à pleurer en martelant le corps sans vie de son père. La voiture démarra et partit en trombe, laissant la petite seule dans la nuit.

  • Qui était-ce ? demanda Jeff.
  • À ton avis crétin ? C'était un de ses assistants, le plan est en marche, une nouvelle ère commence aujourd'hui.

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