Petite fille ne sera plus

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  Un coup de feu brisa le doux silence de la nuit. La petite fille se lova sous les couvertures, tandis que ses parents, apeurés, observaient les événements à travers le mince vitrage de la chambre à coucher. Ses longs cheveux roux étaient étendus le long de son corps amaigri, à l'instant crispé par la peur. Elle ravalait silencieusement ses sanglots pour ne pas alerter son père. Elle ne pouvait libérer sa tristesse au grand jour. Tout cela est de ma faute, pensa-t -elle. De ma faute...

  Elle ajusta sa couette jusqu'à couvrir ses yeux émeraudes. Ses yeux coupables de tout les maux. Ses yeux responsables de leur peine, de leurs problèmes. Abolis. Punis.

Soudain, la voix de sa mère s'éleva au dessus du vacarme.

- Chérie, c'est l'heure de l'Emission.

Maladroitement, elle tapota la place vide à sa droite.

- Je ne veux pas, maman, murmura la petite dans un souffle désespéré.

- Tu n'as pas vraiment le choix.

- S'il te plaît...

A présent, des larmes salées coulaient le long de ses joues rougies. Elle était restée forte trop longtemps, difficilement, mais ses dernières barrières intérieures venaient de s'effondrer sans un bruit.

Contrainte à obéir, l'enfant s'installa devant la télévision qui flottait contre le mur.


  Le générique débuta, celui-là même qui rythmait ses journées depuis des mois. Ce sempiternel chant dont la signification échappait à son cerveau encore innocent. Ces images de barbarie intense, sanglante, entrecoupées de scènes de réconciliation. Elle ferma les yeux, serra les points.

- Au commencement, le monde n'était qu'imperfection. Le chaos y régnait, le peuple s'entre-tuait. Il n'y avait ni argents, ni emplois. Livré à lui même, il périssait peu à peu, indéniablement, et personne ne pouvait rien y faire... C'était sans compter la venue du Sauveur. Par son génie inégalable et sa force de persuasion, Hadolf Hitler a remanié le monde à sa façon. Un monde de perfection, destiné aux meilleurs d'entre tous.

La petite fille rouvrit ses yeux qui brillaient de rage.

- Maman, je ne peux pas... je ne veux pas... ce sont des menteurs...

La femme assise à ses côtés branla la tête de gauche à droit d'un air résigné.   - Par pitié, tais-toi.

A laide de sa main, elle démêla ses cheveux blonds, presque translucide.

- À sa mort, il passa le flambeau à son neveu, Niels Hitler. Il apporta la civilisation, la technologie, la richesse. Plus jamais le peuple n'eut faim. Il ne manquait de rien...


  Le ventre de l'enfant poussa des cris affligeants.

- Maman, pourquoi mentent-ils?  Maman ? Pourquoi j'ai faim, maman ?

Sa mère ne répondit pas. L'ignorance était son seul refuge depuis qu'était née cette fille qui les mènera inexorablement vers la mort. Tous. Un par un.

A l'écran, le présentateur vociférait toujours avec plus d'entrain son discours.

- Rien ni personne ne peut y mettre un terme. L'empire est puissant. Résistant. Incassable. Quiconque le défis se voit contraint de mourir. L'imperfection doit être éradiquée. L'empire allemand sera grand !


La porte de la chambre, pourtant exiguë, claqua bruyamment contre l'étagère qui s'effondra sur le parquet poussiéreux. Un homme en uniforme pénétra d'un pas décidé dans la pièce.    - Madame Henchliss, je sais que vous abritez sous votre toit une rebelle. Donnez-la nous et vous aurez la vie sauve.

Sans même un regard pour sa fille, sans même lever les yeux, elle murmura :

- Allez-y.

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