Chapitre IX : Le désir de te tuer

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La lune éclairait d’une lueur pale toute la plaine d’Asakawa. Le château paraissait calme et les sentinelles surveillaient le camp adverse. Devant les murailles, plusieurs piques avaient été placés suivi d’un fossé que les hommes de Ken s’étaient attelés à creuser rapidement. Les tentes, placés méthodiquement, allaient jusqu’à la rivière Ituo, où se trouvait le camp du daimyo et de ses généraux. Couché dans l’herbe à proximité du campement, Fubuki observait les mouvements des soldats, guettant une opportunité. Alors qu’il s’apprêtait à avancer, Yuki arriva derrière lui :


— Attends-moi, chuchota-t-elle. Je veux t’aider.

— Quoi… Mais que fais-tu ici ? Ça ne va pas ? gronda l’homme.

— C’est de ma faute si tu dois faire ça. Je veux t’aider. Je ne sais pas comment tu comptes t’y prendre mais tu n’y arriveras pas seul.

— J’ai déjà un plan. Tu n’en fais pas partie, rentre vite au château !

— Non !

— Rah, pauvre sotte ! Bon, si tu tiens tant à m’aider, tu vas devoir tuer leur daymio.

— Quoi ? Mais pourquoi moi ?

— Le vent file sud, sud-est. Si j’allume un feu sur le côté nord du camp, il va se propager et couper le campement du général de son armée. Le temps qu’ils comprennent ce qu’il se passe, tu pourras te faufiler dans la tente de Ken et le tuer.

— Mais… Je n’ai jamais…

— Je sais. Mais c’est toi qui voulais m’aider non ? À moins que tu ne refuses et que tu rentres au château.

— Je vais le faire.

— Bon… Prends ce wakizashi et sers-t’en pour mettre fin à ce siège, ajouta Fubuki en donnant l’arme à sa protégée.

— Bien, je vais le faire, répéta-t-elle. Et je ne te décevrai pas.

— Quand tu auras fini, fonce vers la rivière et traverse-là, elle n’est pas profonde. Je te retrouverai de l’autre côté.

— D’accord…

— Tu t’en sens capable ?

— Je me suis entraîné pour ça. S’il est sur ma route et qu’il m’empêche de me venger alors il est mon ennemi.

— On pourrait aussi bien les laisser tuer tout le monde, ils ne tiendront pas.

— Si on fait ça, je ne saurais jamais qui a tué mon frère et il pourrait s'échapper que je ne le saurais pas… Je dois connaitre la vérité moi-même.

— Bien. Alors hâte-toi. Rapproche-toi de la tente du général mais restes à bonne distance. Quand le feu commencera à prendre de l’ampleur, va dans sa tente et tue le d’un coup sec puis enfuis-toi. Ils ne remarqueront pas une jeune fille dans tout le chaos que je vais provoquer mais ne tardes pas.


Yuki se contenta d’hocher la tête et partie en rampant aux abords du campement des généraux. Elle se posa à quelques mètres d’une des tentes et chercha des yeux celle du daimyo qu’elle reconnut aussitôt : elle était très grande et plusieurs gardes étaient postés devant. Les minutes passées à attendre se transformèrent en heures lorsqu’un immense brasier prit soudainement toute la partie nord du camp. Les flammes étaient si impressionnante qu’elles semblaient monter jusqu’aux cieux. Malgré la distance, Yuki pouvait ressentir la chaleur que cela dégageait. Les soldats du camp se mirent à paniquer et tous allèrent au niveau du brasier pour tenter de l’endiguer. L’adolescente profita de ce moment pour se rendre dans la tente du seigneur. Comme l’avait prévu Fubuki, les gardes passaient à ses côtés sans prêter attention à elle, le feu les rendant littéralement aveugle. Elle se faufila à l’intérieur de la tente où Ken dormait toujours. Lentement, elle s’approcha de l’homme endormi et sortit son arme afin de lui porter un coup qui lui serait fatale. Alors qu’elle n’était qu’à quelques centimètres, un sentiment de culpabilité l’envahissait soudainement. Cet homme… Je dois le tuer. Je dois le faire… pensa-t-elle. Son bras était en l’air, l’arme prête à trancher son ennemi mais l’hésitation gagna la jeune fille qui resta paralysée. Soudain, un homme entra en hurlant « On nous attaque ! » lorsqu’il vit la jeune fille.


***


Le feu s’étendait désormais à une bonne moitié du camp. Il avait grandit si vite que les hommes, prit au dépourvu, courraient de manière désordonné et ne réussissaient pas à endiguer sa progression. Les gardes du château réveillèrent Sakura ainsi que ses deux généraux. Ceux-ci regardaient avec stupeur le feu et avaient du mal à comprendre d'où avait-il pu être déclenché.


— Il ne fait aucun doute que c'est l'assassin ! s'écria Keita. Il n'a pas menti... Il va vraiment faire lever le siège à lui tout seul avec un tel feu !

— Nous devrions profiter de la panique, madame. Prenons les chevaux et attaquons-les ! cria Mitsuo.

— Bien, que les hommes se préparent ! Nous allons effectuer une sortie ! Dites aux ashigarus* d'ôter les barricades que les hommes de Ken ont placé. Je veux au moins mille cavaliers prêts d'ici dix minutes !

— Bien ! Allez, on se bouge ! hurla Keita.



***



Yuki frappa Ken mais celui-ci se réveilla et dévia l'arme qui ne le blessa que légèrement au bras. Le garde se jeta sur l'adolescente et la jeta au sol, lui enlevant ses armes.


— Vous allez bien seigneur ? Cette petite garce a bien failli réussir !

— Ça... Ça va, je te remercie Roku, dit l'homme encore sonné.

— Je vais la tuer et la jeter dans la rivière !

— Attends ! Je veux la mettre à mort moi-même, annonça Ken en se levant et en prenant s'habillant partiellement.


Les deux hommes sortirent et virent les portes du château s'ouvrir, laissant s'échapper des centaines d'hommes. Ceux-ci se ruèrent sur les barricades et les enlevèrent sans grande difficulté, les hommes étant occupés avec le brasier.


— Vite ! Prépare les défenses ! Ils vont faire une sortie ! Ce feu est une diversion ! s'écria le daymio. Quant à toi ma petite... Tu as raté ton coup, c'est bien dommage.


Yuki regarda l'homme brandir son arme. Elle baissa alors la tête et ferma les yeux. Non... Cela ne peut se finir ainsi... pensa-t-elle. Ken abattit son arme sur la jeune fille lorsqu'un kunai se planta dans son bras. L'homme cria et recula de quelques pas lorsque Fubuki arriva en hurlant son nom.


— Ken ! Je vais te tuer !


Le garde du corps de Yuki sauta par-dessus elle et mit un coup de pied à Roku, le général de Ken. D'un geste vif, il bouscula la jeune femme afin qu'elle soit hors de portée des attaques de ses deux ennemis. Les trois adversaires se tenaient désormais face à face. Le feu autour d'eux avait prit tant d'ampleur qu'il faisait désormais tout le tour du camp, ne laissant que la rivière comme seule échappatoire. Roku attaqua le premier donnant un coup d'estoc avec son arme. Fubuki dévia son katana lorsque Ken leva sa lame afin de l'attaquer par le haut. Fubuki lui asséna un coup de pied dans le ventre afin de le faire reculer et il mit un coup de poing à Roku puis brisa sa garde avec une attaque bien placé. Le daymio l'empêcha de profiter de cette occasion en cassant son élan et les deux hommes échangèrent quelques coups d'épée lorsque Fubuki feinta une attaque en haut et transperça son ennemi dans les côtes. Le seigneur regarda un instant son tueur, puis tomba sur le sol totalement inerte. Pris de rage, le général attaqua avec autant d'ardeur qu'il le put et frappa de toute part Fubuki. Il brisa sa garde avec un coup de pied et profita de cet instant pour planter l'homme du cou aux côtes devant le regard apeuré de Yuki qui se mit à hurler et à pleurer devant le meurtre de son compagnon. Un soldat arriva devant la jeune fille et la poussa sur le sol puis dégaina son arme, prêt à la transpercer. Terrorisée, l'adolescente attrapa une marmite et la jeta devant elle, sans regarder où. L'homme reçu la soupe encore chaude sur son armure qui lui brûla instantanément la peau. Il se releva difficilement lorsque la jeune femme tira sa propre dague et la lui planta dans le visage, le sang l'éclaboussant atrocement. Elle essuya ses yeux tant bien que mal et vit les hommes de Sakura qui arrivèrent de la rivière et qui chargèrent les troupes restantes. Incapable de se défendre, les hommes se firent massacrer les uns après les autres. Mitsuo arriva près de Yuki avec Keita et ils virent Roku, aux côtés de Fubuki gisant à ses pieds. Le vieil homme chargea le général ennemi et le transperça de sa lance, l'envoyant ensuite droit dans la tente en feu de son défunt daymio. Yuki tituba vers son garde du corps et se jeta sur lui, pleurant à chaudes larmes.


— Je suis désolée ! Tellement désolée... répéta-t-elle.

— Il n'est pas mort en vain, répondit Keita en s'approchant de l'adolescente. Je sais que cela ne te réconfortera pas ou peu mais grâce à son sacrifice, et au tiens, des milliers d'innocents sont sauvés. Il est le héros de ce siège.

— Il m'avait promis de rester avec moi... Pourquoi... Pourquoi a-t-il fallu que j'hésite ?


Sakura arriva en compagnie de plusieurs dizaines de soldats qui finissaient la poursuite des survivants. Elle s'arrêta et descendit de son cheval puis s'approcha :


— Je suis navrée de ta perte. Il a sauvé la ville. Nous avons une dette envers lui et envers toi. J'accepte de te garder sous mon toit, même si cela ne peut remplacer son sacrifice.


Yuki ne leva pas la tête et continua de regarder Fubuki. Soudain, de sa plaie sortir des milliers d'araignées qui tissèrent des toiles et rebouchèrent les blessures de l'homme en quelques secondes. Yuki fixa avec terreur la scène et Sakura recula avec Keita et Mitsuo qui se mirent devant elle. Fubuki se releva et regarda la jeune femme qui n'en revenait pas :


— Quoi ? On croirait que tu vois un revenant... plaisanta l'homme.

— Mais... Que... Tu étais...

— Vous étiez mort... souffla Sakura. Qui êtes-vous réellement ?

— Je suis atteint de la maladie de Lyn. Je suis... Enfin, mon corps est immortel.

— La maladie de Lyn ?! s'écria Yuki.

— Oui... Une maladie qui rend immortel ceux qui l'ont.

— C'est un sortilège ! De la magie noire ! hurla Mitsuo.

— Peut-être devrions-nous garder un tel homme à nos côtés... chuchota Keita à sa soeur. Qu'en dis-tu ? Il peut nous aider à gagner la guerre.

— Avoir un immortel dans nos rangs serait un atout considérable, souria Sakura. Fubuki, vous m'aviez promis de faire lever le siège en échange de quoi je vous garder avec moi, vous et votre protégée. Vous avez tenu parole, je vais tenir la mienne. Vous êtes les bienvenus dans nos rangs.


Yuki regarda longuement Fubuki qui se mit à rigoler. Il se releva avec son aide et lui susurra :


— Tu vas venger ton frère, je te le promets.



*unité d'infanterie de base constituée essentielement de paysan.

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