CHAPITRE II : Conseil de guerre (1/2)

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Assise dans son futon, Yuki laissait Fubuki nettoyer ses plaies. Cela faisait maintenant une semaine qu’elle vivait là, elle avait fini par être habituée de ses soins quotidiens. Nettoyant délicatement ses plaies, l’homme faisait attention et était très consciencieux. Lorsqu’il eut fini, il aida la jeune fille à remettre ses habits puis sortit de la pièce, sans dire un mot. Il est bien froid aujourd’hui… pensa l’adolescente. Elle s’allongea sur son futon, se laissant bercer par le chant des oiseaux. Elle ne faisait rien d’autre que dormir et manger, même si cela commencer à lui peser, elle avait encore du mal à se déplacer. Fubuki entra soudainement dans la chambre :

— Lève-toi.

— Pourquoi ?

— Lève-toi, je te dis.

— Aide-moi alors, demanda-t-elle.

— D’accord, soupira l’homme.

Il aida la jeune fille à se relever et l’emmena jusque dans la pièce principale. Yuki n’y était encore pas allée, car elle restait cloîtrée dans sa chambre. La pièce était assez grande et possédait en son centre un rebord surélevé, un feu se consumant à l’intérieur, chauffant toute la maison. La cuisine, toute petite, se trouvait dans un coin n’ayant que le strict minimum. La pièce en elle-même était vide, mis à part quelques draps dans un coin de la pièce et le tout était très propre. Fubuki l’emmena dehors puis la déposa sur une souche qui devait lui servir pour couper du bois avant de s’en aller. L’homme revint la voir avec un long bâton taillé, pouvant se caler sous l’aisselle, et, alors qu’il lui tendait, il ajouta :

— Tiens, je l’ai fabriqué ce matin. Si tu ne bouges pas, tu vas avoir des problèmes par la suite.

— Merci… C’est gentil de t’occuper de moi.

— Qui t’as dit que tu pouvais me tutoyer ? demanda-t-il.

— Bin… Vu que tu m’aides à me soigner depuis une semaine, j’ai pensé que cela ne te dérangerait pas. Et puis, tu as un visage assez jeune alors je ne pense pas que tu sois si vieux que ça.

— Tu as un don pour trouver les mots qui fâchent toi.

— Ah ! s’écria la jeune fille. Pardon, je ne voulais pas paraître impolie…

— Ce n’est rien, mais à partir de maintenant, tu m’appelleras « Monsieur Fubuki » !

— Quoi ?! C’est hors de question !

— Et tu me feras le plaisir de faire un peu le ménage dans ta chambre au lieu de dormir toute la journée !

— Ce n’est pas ma faute si je dors toute la journée ! D’ailleurs, où tu dors toi ? Je n’ai pas vue d’autres pièces dans la maison, ni de deuxième futon…

— Je suis seul d’habitude. À quoi cela me servirait-il ?

— Mais alors…

— Tu es dans ma chambre.

La jeune fille baissa la tête, et regarda ses pieds :

— Je suis désolée de te causer tant de soucis. Lorsque je serais guérie, je reviendrais et je paierais ma dette, c’est promis. Une fois que…

— Que quoi ? demanda l’homme.

— Tu ne m’as pas demandé quoique ce soit sur moi et tu m’as même soigné. Tu m’aides et me gardes avec toi alors même que je t’empêche de dormir confortablement. Pourquoi ? Pourquoi fais-tu tout cela ? Tu ne me connais pas.

— Tu me rappelles moi, lorsque j’étais plus jeune, rigola-t-il après une brève hésitation. J’ai longtemps vécu seul et on m’a souvent tourné le dos alors que j’étais blessé et mal en point. De plus, tu es jeune et je ne souhaite pas avoir ta mort sur la conscience.

— C’est donc la pitié qui me maintient ici ? questionna la jeune fille en se levant péniblement.

— Non, ce n’est pas ça. Je comprends ta situation. C’est tout.

— Que sais-tu de ma situation ? Tu ne me connais pas.

— Ton grand frère est mort. Et cela t’affecte beaucoup.

Yuki fit un bond et prit Fubuki par le col :

— Comment tu sais ça ?!

— Tu parles dans ton sommeil. C’est difficile de ne pas le remarquer. Presque toutes les nuits, tu dis son nom. Et vue comment tu bouges, ce ne sont pas des souvenirs agréables qui reviennent. J’en ais déduis qu’il devait être mort…

— Je… hésita la jeune fille en le lâchant. Cela fait cinq ans qu’il est mort. Cinq ans que ma vie n’avance plus.

— Comment est-il mort ?

— Il s’est fait assassiner. Je n’ai que très peu de souvenir, mais je me souviens qu’il faisait particulièrement chaud cette année-là. Je rentrais à la maison après avoir passé la journée en ville pour lui trouver un cadeau d’anniversaire et je l’ai retrouvé…

Les larmes commencèrent à monter aux yeux de l’adolescente qui arrêta de parler un instant. Fubuki la regardait, sans dire un mot. Après avoir essuyé ses larmes, elle reprit, d’une voix tremblante :

— Je l’ai retrouvé poignardé de plusieurs coups de couteaux. Il s’était vraisemblablement battu, tout le sang qui imprégnait la pièce ne pouvait pas être qu’à lui. En regardant de plus près, j’ai trouvé un bouton, celui d’une veste. Depuis, je cherche désespérément qui aurait bien pu faire ça.

— De quel bouton parles-tu ?

— Il est dans la poche de mon kimono. Il est écrit « Raito » dessus. Mais je ne sais pas si cela pourrait être un indice.

— Tu veux à ce point trouver cette personne, hein… ?

— Oui, je le souhaite du plus profond de mon cœur. Je dois le faire et je dois tuer celui qui a fait ça. Je suis hantée par cette nuit, je revoie mon frère partout où je vais. Il m’a tout appris, avant de mourir, il avait même commencé à m’apprendre à lire. Il était très intelligent. Depuis cinq ans, je ne sais plus ce que je fais, j’avance à tâtons, je ne suis plus moi-même. Je veux pouvoir le venger, je veux qu’il puisse reposer en paix.

L’homme la regarda un instant, voyant ses yeux briller, non plus de tristesse, mais de haine. Il se tourna vers l’horizon, devant lui se dressé un grand cerisier en fleur. Juste derrière, se trouvait toute la vallée de Shimizu. Il pouvait voir de chez lui la rivière qui la traversé ainsi que tous les arbres en fleurs qui composé cette vallée, lui donnant des couleurs vives et chaleureuses. Après un long silence, il prit la parole sans se retourner :

— Combien as-tu d’argent ?

— Euh… Je ne sais pas… Je ne dois pas avoir grand-chose, conclut-elle en se grattant la tête.

— Pour une certaine somme, je suis disposé à t’aider si tu le souhaites. En échange, je veux une promesse.

— Quoi donc ? demanda-t-elle curieuse.

— Peu importe qui est la personne qui a tué ton frère, tu dois me promettre de lui faire subir le même sort.

— Je… Eh bien…

— Si tu acceptes, alors je serai ton garde du corps pour t’éviter de te retrouver dans ce genre de situation à l’avenir. De plus, j’ai quelques connaissances qui pourrait nous aiguiller.

— C’est d’accord. Combien tu veux ?

— Tu acceptes si vite ? Prends le temps d’y réfléchir, au moins.

— Non. Si tu peux m’aider, alors ma réponse est toute trouvée.

— Très bien. On parlera du montant plus tard. Retourne dans ta chambre te reposer, on partira dans deux ou trois jours. Tu devrais être en état de voyager.

Yuki fixa le dos de Fubuki un instant. Celui-ci lui parut si grand, qu’elle se sentit infiniment plus petite à côté. Cette semaine avec lui avait fini par la rassurer sur cet homme pourtant inconnu. Soudain un espoir, pourtant perdu, la traversa et elle se mit à rire toute seule. L’homme se tourna et lui sourit à son tour. Elle retourna dans sa chambre, sans rien dire. Une fois la porte close, elle posa sa canne délicatement, puis s’allongea et se mis à fondre en larmes. Elle ne put s’empêcher de dire à voix haute « merci » avant de fermer les yeux et de sourire.

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