Dis, Fernande pourquoi tu pleures ?

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Une veille actrice en fin de carrière est au téléphone avec sa meilleure amie  du même âge. Elle cherche une oreille attentive pour se plaindre et trouver du réconfort.


Fernande

- Ah... Paulette si tu savais comme il est douloureux de vieillir ! Toute cette flétrissure qui s'en donne à cœur joie, année après année, et qui finira un jour, par me rendre méconnaissable, je te l'jure !

 L'autre matin, à mon réveil, j'ai hurlé en me voyant. Du coup, Tom, le jardinier, est arrivé en courant. Il a cru que j'avais eu une attaque. Comme si  dans ces moments là, on avait la force de hurler. Enfin bref, comme Je ne me regarde plus dans le miroir depuis déjà pas mal d'années, j'avais oublié que j'avais vieilli aussi vite.

Si, je t'assure ! Tu sais je suis toujours sous anti dépresseurs, depuis quarante ans ! Mon médecin, Bernard, pense qu'à la longue, je risque de me faire de plus en plus de frayeurs de ce type. Mon cerveau ramollit. Il parait qu'il ressemble aujourd'hui à un foie d'alcoolique. Enfin je ne l'ai jamais vu, Dieu merci, c'est lui qui me l'a dit !

 « Être et avoir été... là est la question » Enfin je veux dire, voilà le problème !      

  J'ai beaucoup réfléchi à tout ça. Tu sais que je réfléchis beaucoup plus vite que toi, et que j'aie souvent raison, alors laisse moi parler, sans m'interrompre s'il te plaît. 

  Donc je disais, ah oui voilà,  j'en suis arrivée à la conclusion que cela ne pourra jamais t'arriver à toi, fort heureusement. Pourquoi ? Mais regardes-toi, tu n'as aucun soucis à te faire vraiment, je t'assuure ! Pourquoi ? Mais réfléchis un peu, fais marcher ta grosse caboche, c'est très simple, évident. Tu ne vois pas ? Ça m'aurait étonnée aussi...

Hé bien, parce qu'il se trouve que tu es aussi laide aujourd'hui qu'au jour de ta naissance. Voilà, c'est tout, pas la peine d'en faire un plat. Mais dis Paulette pourquoi tu pleures  ? C'est vraiment ridicule, moi qui croyais te faire plaisir. C'est plutôt une bonne nouvelle, je ne te comprendrais jamais. 

Mais enfin tu ne vois pas que c'est une chance ? Et même une grande, si, si. Au moins tu n'as pas de point de comparaison possible, mais moi, tu te souviens de la  jeune première que j'étais ? Tu sais qu'à dix huit ans, pas un garçon ne me résistait ? On me comparait à Brigitte Bardot !


Paulette bonne fille mais un peu vexée quand même.

- Hé oui ma pauv Fernande, c'est ben triste c'que tu me racontes là. C'est vrai maintenant j'me souviens, tous les copains chantaient en te voyant " Quand je vois Fernande je ban.., je ban.." Mais j'ai jamais compris de quelle Félicie ils pouvaient bien parler. Tu sais toi ? 


Fernande ravie

- Ah tu vois, tu t'en souviens ! Mais ma pauvre Paulette, ce sont les paroles de la chanson, voilà tout.


Paulette comme soulagée 

- Oh ben ça alors ! j'suis bien contente d'le savoir, toutes ces années à croire qu't'avais une autre meilleure amie du nom de Félicie, ça m'tordait le coeur, tu peux pas imaginer.

 

Fernande attendrie

- Mais comment as tu pu, ne serait-ce que penser, une chose pareille ?                    


Paulette penaude

- Ben en fait, c'était pas si difficile, même si nous deux on est de la campagne, toi t'es partie à la ville et t'es d'venue actrice. Même que ça a bien marché pour toi, on t'voyait partout sur les affiches au village, alors que moi j'ai continué à la ferme.


Fernande flattée 

- Ah pour ça oui, ça à bien marché ! On me comparait même à Simone Signoret dans " casque d'or " . Une vedette quoi. Mais toi ma pauv' Paulette, t'avais pas une chance, t'as vu ta tête ?  Mais dis Paulette, pourquoi tu pleures encore ? C'que t'es sensible ma pauv fille !

Et puis regarde, toi aussi tu l'avais ta chanson  : « Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins, à bicyclette. Nous étions quelques bons copains, Y avait Fernand y avait Firmin, Y avait Francis et Sébastien, et puis Paulette. »


Paulette un peu moins triste

- Oui, c'est vrai, mais c'était quand même pas la même chose.


Fernande irritée

- Qu'est-ce que t'es difficile ! Tu sais, il faut pas m'envier comme ça, j'ai eu une vie bien compliquée et des amours bien malheureux.


Paulette ragaillardie et un peu honteuse

- Oui, mais tu t'es quand même mariée sept fois ! Alors que moi, à mon âge, j'ai toujours pas d'amoureux.


Fernande fière puis cynique 

- Oui, comme Elisabeth Taylor et Richard Burton, sans avoir leur porte monnaie. Sauf qu'eux, ils se sont remariés plusieurs fois, enfin bref. Ben oui justement, j'en ai passé des nuits à pleurer, pendant que toi tu étais tranquillement à rêver de tes veaux. Tu en as eu de la chance, pas obligée d'être belle pour plaire ou pour durer, tu ne connais pas ton bonheur. Ne pas avoir d'autre public que tes vaches, tes poules et tes cochons, pas de concurrence au moins, enfin si, mais je plaisante, tu ne vas pas te remettre à pleurer au moins ?


Paulette réprimant un sanglot

- Sur les photos tu étais toujours très belle, tu sortais de belles voitures toujours bien habillée et les gens te regardaient et y z'avaient du respect pour toi. Alors que moi...


Fernande un peu embêtée 

- Écoute « faut pas croire c'que disent les journaux », comme dit ce jeune chanteur à la mode. Les voitures, les vêtements, la villa, tout était loué pour la soirée, ou plus.


Paulette ahurie et cachant sa joie

- Comment ? C'est y pas Dieu possible ! Alors t'es sans le sou ? Moi ma ferme elle est à moi, je suis une « propriétaire terrienne » , moi, Madame...


Fernande vexée 

- Oui je vois, t'es qu'une pauv' paysanne quoi, comme dit Fernand Raynaud...


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