WINCHESTER dimanche 14 SEPTEMBRE 1996

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WINCHESTER

dimanche 14 SEPTEMBRE 1996

Le train arrive enfin. En y repensant, j’ai l’impression que notre histoire s’est écrite dans des gares, entre deux trains. Par la fenêtre, je le vois qui m’attend sur le quai. J’ai le cœur qui bondit de joie rien qu’à l’apercevoir. Je le trouve beau, émouvant. Impressionnant. Je ne suis pas objective mais si j’essaye de le regarder d’un œil neuf je le trouve … anglais ! Avec ses cheveux qui tirent sur le roux, ses tâches de rousseurs et son air un brin suffisant – de ceux qui sont convaincus de toujours dominer le monde, tout semble prouver d’où il vient. Et même si je sais qu’il n’y a en lui aucune suffisance, je ne peux m’empêcher d’admirer son aplomb naturel. C’est un homme qui doute mais qui ne le montre pas. A part aux gens qu’il aime. Je commence à le connaître un peu mieux ; Lorsque nous sommes ensemble la passion prend le dessus et je suis bien plus fasciné par la chaleur de son corps et la fermeté de ses muscles que par son intelligence et ses qualités d’orateur. Mais, séparés, nous avons le temps de discuter, de nous écrire. J’admire sa façon d’appréhender le monde, de voir la vie. Ce n’est pas seulement une attraction physique. Mon attirance pour lui va bien au-delà.

Depuis son départ de Londres, nous nous sommes parlés presque tous les jours au téléphone, envoyés des lettres, postés des petits mots griffonnés sur des cartes postales, offerts de menus cadeaux.

Il a réussi à venir passer 24 heures à Paris. Nous nous sommes précipités chez moi, impatients de nous retrouver enfin. Nous ne sommes pas sortis de l’appartement, à peine avons nous pris le temps de manger, obnubiler par le besoin de nous toucher, de nous caresser . Quand il est reparti, je suis restée allongée longtemps, très longtemps dans mon lit, sans bouger, gardant intact sur ma peau le souvenir de ses caresses, blottie dans son odeur qui imprégnait mes draps.

Aujourd’hui c’est mon tour de venir J’ai profité de mon anniversaire, pour demander comme cadeau un billet d’avion pour Londres. Mes parents se sont étonnés – à quoi bon partir en vacances dans une ville ou j’ai vécu – mais me voyant rougir ma mère a compris. Ravie, elle m’a bombardé de questions.

Oui, il est anglais. Il s’appelle Paul. Non il est un peu plus âgé que moi, oui il travaille. Pour un journal. Non, il ne vient pas souvent en France, mais oui la prochaine fois je vous le présente, c’est promis. Ha.. Oui.. heu.. Oui, j’ai une photo. J’en ai une, en noir et blanc, que je lui ai volé. Il est assis, seul, en pleine campagne, le regard perdu dans le vide. Je ne sais ni ou ni quand ce cliché a été pris mais je le trouve beau. Je l’ai montre à ma mère qui a sourit de contentement. Me savoir amoureuse la comble de joie. Je suis ravie de lui faire pour une fois plaisir.

On ne se retrouve pas à Londres. Il m’attend à Winchester, la ville où vit son frère. Il y est pour quelques jours et m’a demandé si je voulais bien l’y rejoindre. Au téléphone quand il m’en a parlé, j’ai senti comme une indécision. Hésitait-il à me poser la question ou craignait-il ma réponse ? Son soulagement lorsque j’ai accepté laisse penser qu’il n’était pas certain que je sois prête à franchir cette nouvelle étape. J’ai dit oui sans même hésiter, mais le suis-je vraiment ? Je suis très émue qu’il veuille me présenter à un membre de sa famille. Émue et intimidée. Comment s’adresse-t-on au frère de celui qu’on aime ? Ado j’avais peur que mes amoureux, après l’avoir rencontré, finissent par choisir ma sœur. Est ce la même chose pour des frères ? Est-il inquiet ? Jaloux ? Curieux ? Tout ce que j’ai vu à ce moment là, c’est un signe de plus de son engagement. Notre histoire se construit étape après étape. Nous allons en franchir une nouvelle.

Le train s’est enfin arrêté. Je saute sur le quai. Les retrouvailles sont toujours aussi émouvantes, mais l’excitation des premières fois est un peu retombée. Je n’ai plus la sensation de mourir quand je le quitte ni quand je le revois. Je ne me liquéfie plus sur place. Nous séparer et nous retrouver devient une sorte de routine dans laquelle nous nous sommes installées. Mon cœur bat moins fort. Est- ce une bonne nouvelle ?Et cela va-t-il durer ? Serais-je un jour blasée, sans affect ? Sur le moment j’apprécie de ne pas être totalement dominée par mes émotions, de ne plus perdre le contrôle. Mais n’y avait-il pas quelque chose de fascinant, de merveilleux ? Jamais je ne me suis sentie aussi vivante que lorsqu’il était sur le point d’arriver et que je l’attendais, ces dernières minutes, les plus longues, celles qui vous étouffent et vous paralysent. Tout en même temps. Je n’ai plus jamais ressenti un tel bonheur, une telle exaltation de tout mon être que dans ces interminables secondes qui précédaient nos retrouvailles.

Nous marchons dans les rues animées de Winchester. Je ne connais pas la ville et avant de me présenter son frère, Paul me propose de faire un peu de tourisme. Nous avons le temps. La rencontre n’est prévue qu’à 18h, dans un pub proche du centre ville. Nous déambulons, heureux simplement d’être ensemble. En descendant du train je me suis jetée dans ses bras, j’ai senti son désir aussi brûlant que le mien. Il m’a susurré à l’oreille que je ne perdais rien à attendre, que nous aurons toute la nuit, rien que pour nous. J’aime cette légère tension qui s’installe entre nous, provoquée par ce désir inassouvi. C’est nouveau. Je me sens comme électrisée dès qu’il me touche. Et je lis dans ses yeux la même envie, celle de me pousser dans un recoin sombre, à l’abri des regards. Mais nous résistons, en riant ensemble de ne penser qu’à « ça ».

Au milieu d’une rue piétonne, bordée de maisons à colombage, il me montre le buttercross. Je ne comprends pas le rapport entre cette drôle de sculpture, qui ressemble à un clocher posé au sol, et du beurre mais je n’ose rien dire et nous poursuivons notre balade. Il m’explique finalement qu’au Moyen Age, ce quartier était celui des marchands de produits laitiers. D’où le nom. J’admire son érudition mais quand je lui en fait part il éclate de rire et me rappelle qu’il travaille pour un journal de voyage, que c’est un peu son métier de faire des recherches sur les différents sites susceptibles de plaire aux touristes.

- En gros, je te sers de cobaye !

- C’est exactement ça . Et il m’embrasse dans le cou. Je me laisse aller contre lui, tout au plaisir de sa compagnie. Il me repousse doucement.

- Allez, mon cobaye, nous avons encore d’autres choses à découvrir.

Je le laisse faire. Il me guide dans les rues de la ville, entre les massifs de fleurs, les boutiques, les bancs disséminés un peu partout.

- Devine ce que je t’emmène voir…

Je n’en ai pas la moindre idée mais je joue le jeu. Une prison ? Un château ? Une pièce de théâtre?

Non.C’est plut petit

une sculpture ? Une peinture ? Un animal ?

Toujours pas.

Mes propositions se font de plus en plus farfelues. Un plat de nouilles ? La plus vieille paire de pantoufle du monde ? Un anglais sobre ?

Et pourquoi pas un français qui a pris une douche ! me demande-t-il moqueur.

Nous nous retrouvons finalement dans une immense salle, où devant nous accroché au mur.. j’hésite...un bouclier pour géant?

C’est la table ronde m’explique-t- il, étonné que je le n’ai pas reconnu.

Et il se lance dans l’histoire du roi Arthur, de ses chevaliers, de la table, de la quête du Graal. Tout se mélange dans ma tête. Je ne prête pas assez attention à ses propos pour comprendre. J’aime le son de sa voix, j’aime la passion qui l’anime, j’aime son savoir, j’aime le voir me montrer des choses, j’aime quand il tente de me convaincre de l’importance de ce qu’il me présente. Je l’aime.

Si l’amour rend aveugle, il rend aussi certainement sourd. J’ai toujours été fascinée par l’histoire, j’adore découvrir, apprendre, explorer. Mais pour l’instant je suis bien trop obnubilé par lui, par mes sentiments pour lui. Le reste semble avoir disparu. Sans doute vais-je retrouver ma capacité à m’intéresser à autre chose qu’à lui, lorsque la passion qui me dévore se calmera. Ou pas.

L’heure tourne. L’après midi s’est achevé par une petite visite de la cathédrale et une pause dans le jardins qu l’entourent. Nous nous asseyons sur un banc, au soleil. Ma main n’ a pas quitté la sienne. J’ai encore ce besoin, en permanence, de le toucher. Je caresse sa joue. Il m’embrasse. Je m’embrase. Son corps cherche le mien. Gardant, les yeux toujours fermés, il s’écarte de moi. Soupire.

Patience me dit il. Patience.

- Tu n’imagines même pas ce que j’ai envie de te faire. Ce que je vais te faire dès que nous serons seuls me murmure-t- il à l’oreille.

Oh que si j’imagine très bien. J’imagine et j’espère.

Nous quittons la solitude tentatrice de ce banc, pour replonger dans le flot de la ville. Le pub où nous sommes attendus n’est pas loin.

Je commence à avoir peur. Pendant l’après midi j’ai réussi à écarter de mon esprit la rencontre prochaine avec son frère, tout au plaisir d’être avec lui. Mais là, impossible.

Il n’est pas encore arrivé. Nous commandons à boire et nous installons dans un coin.

- Tu me parles de ton frère ?

Je ne sais pas grand-chose sur sa famille. A part ce que Matthew m’a raconté. Et que je préfère oublier.

C’est son petit frère. Ils ont deux ans d’écart. Il travaille pour un important groupe bancaire, voyage énormément. Vit avec une fille qu’il connaît depuis l’enfance mais ils sont en train de se séparer. Enfin il croit. Ils n’ont jamais été très proche. Ils sont trop différents. Depuis toujours. Ils ne se sont pas beaucoup confié l’un à l’autre. Mais c’est la famille ajoute-t-il en conclusion.

Entre alors dans le pub un homme costaud, un brin corpulent. Il a le teint mat et les cheveux bruns, quasi noirs. Je n’y prête pas attention, convaincu que le frère de Paul ne peut être que grand, maigre et blond. A la rigueur roux.

Paul se lève pour aller à sa rencontre et rit de mon étonnement. Personne ne nous croit quand nous disons que nous sommes frères. Ils s’étreignent, dans une accolade fraternelle et virile. Je me lève à mon tour, J’hésite. La bise à la française ? L’accolade virile ? La poignée de main ?

Paul règle le problème ne m’attrapant par les épaules, et me serrant contre lui, me présente. Je le sens ému lui aussi. Ému et fier.

- let me introduce you to my brother William. William, this is Alice, I told you about her… William ne maîtrise pas bien le français. Mais il parle anglais, néerlandais, allemand et chinois croit bon de préciser Paul, comme s’il devait le défendre. Il va se chercher un verre et Paul en profite pour me serrer dans ses bras. Fort.

—  Cela me fait vraiment bizarre de vous voir ensemble.

Bizarre bien ou bizarre mal? William, lui, parait surtout étonné. Il fait bonne figure, me pose des questions sur mes études, la vie en France, mais je le sens mal à l’aise. La conversation se poursuit cahin-caha. Sans doute n’avait-il pas imaginer que son frère puisse tomber amoureux d’une française. Un vieux reste de chauvinisme probablement. Ils parlent de soucis familiaux, d’un grand oncle qui perd la tête, d’une cousine dépressive. Je n’ose pas me mêler à la conversation, je les écoute, curieuse d’en apprendre plus sur la famille. Mais ol me tarde que la soirée se termine. J’ai envie de me retrouver seule avec lui, enfin débarrassée du monde extérieur, enfermé dans notre bulle. C’est sans doute cela aussi qui n’allait pas. Cette nécessité que nous avions de nous isoler. De nous couper de tout ce qui n’était pas nous. Paul l’avait-il également ou étais-je la seule à ne vouloir le partager avec personne ? Probablement était-ce une conséquence de nos nombreuses séparations. Certaine de pouvoir passer tout du temps avec lui, je n’aurais certainement pas eu besoin de l’accaparer. Je l’aurai peut-être davantage laisser respirer.

Alors que tout ce que j’ai vécu avec lui ressurgit dans mon esprit comme un torrent trop longtemps contenu, je ressent à nouveau en moi ce besoin étouffant de le garder pour moi. Pour moi seule, loin du monde, loin des autres. Rien que d’y repenser je suffoque. Certainement à l’époque, lui aussi. Je reste quelques jours à Winchester. Contrairement aux idées reçues, il fait beau. Le fond de l’air est frais mais c’est un bonheur de se promener dans la vieille ville, de visiter la cathédrale, de découvrir la campagne environnante. J’aime ces paysages lisses, propres, comme bien rangés. Le bleu du ciel, le vert de l’herbe, le blanc des moutons. Chaque élément du décors est à sa place. Net et clair. Je suis avec Paul et c’est sans doute ce qui me fait voir la vie en rose. Tout me semble beau, formidable. Même le vieux barbon qui bougonne parce qu’il n’aime pas les envahisseurs, ces sales grenouilles de français. Et le type dans le pub qui titube et me vomit sur les chaussures. Je les trouve sympathiques. Seul le regard interrogateur de William me met un peu mal à l’aise.

Nous le retrouvons le soir pour boire un verre. Les deux frères échangent des banalités mais je devine qu’il se passe autre chose. Des questions sans réponse, des doutes. Je choisis de m’absenter un instant, la bière a ça de bien qu’elle donne un alibi crédible à celui qui souhaite s’éclipser. Je file aux toilettes, les laissant seuls face à face. Je prends mon temps. Je me regarde dans le petit miroir au dessus de lavabo. Ai-je changé ? La passion se lit-elle sur mon visage ? Je trouve juste que j’ai les yeux plus brillants et les lèvres rouges. Je tente de faire la mou, je grimace et j’éclate de rire. Le bonheur me va bien au teint.

Me voyant ressortir, Paul agite la main. Il est seul à la table. - William est parti chercher à boire me dit-il alors que je m’assois à ses côtés. J’hésite à lui faire part de mes inquiétudes. Son frère n’est pas à l’aise avec moi. Quelque chose le préoccupe. Mais je ne sais pas vraiment si je souhaite qu’il explique pourquoi. Je n’ai pas envie de quitter notre bulle, je préfère penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Paul sourit en me regardant. De sa main il caresse ma joue avec tendresse. C’est la première fois qu’il me touche ainsi, sans désir mais avec amour. Je me laisse emporter et me noie dans le bleu de ses yeux. J’en oublierai presque de respirer. Nous sommes aspirés l’un par l’autre, l’univers tout entier a disparu. Je ne vois que lui.

Le raclement d’une chaise sur le sol me rappelle à la réalité. La main de Paul quitte ma joue, son regard se détache de moi. Un instant je me sens perdue, il me faut quelques secondes pour reprendre pied. William nous tend à chacun une pinte, brune pour Paul et lui, blonde pour moi. Où a-t-il été cherché que je préférais les bières blondes ? Je ne dis rien et le remercie d’un sourire. On ne m’enlèvera pas de l’esprit que quelque chose ne tourne pas rond. Les deux frères poursuivent leur conversation. Je ne m’en mêle pas et les laisse discuter tranquillement. Je rêvasse. Mes pensées s’évadent loin de ce pub, mais mon corps, lui, est ancré dans le monde par la jambe de Paul, serrée contre la mienne. Son pied, son mollet, sa cuisse, nous sommes fusionné l’un à l’autre. C’est sa façon à lui de me rappeler qu’il est là, qu’il ne m’oublie pas et même s’il parle avec quelqu’un d’autre, un peu de lui reste auprès de moi. La pièce est enfumé, la bière me monte à la tête et je sens se diffuser en moi une douce torpeur. J’ai envie de dire au monde entier que je l’aime. Que je suis heureuse. Que la vie est belle. Je souris niaisement, je le sais et j’en rigole toute seule. Paul et William me regardent étonnés. Visiblement ce qu’ils racontent n’a rien de drôle mais je m’en moque. Je crois que je suis ivre.

Moi la gentille fille un coincée, propre sur elle, qui jusqu’à présent n’a commis aucune grosse bêtise, qui a toujours obéi à papamaman, je suis bourrée. Comme un p’tit lu aurait dit Mamé. Quand on fait quelque chose on le fait bien ou on ne le fait pas. Ça c’est la maxime préférée de mon grand-père. Pas de jaloux. Et en avant les petits lus ! Je finis mon verre cul sec et le repose fermement devant moi. Oups. Il est tombé. Il roule par terre. Je me baisse pour le rattraper. Paf. Raté. Il est parti sous la table d’à côté. Scregneu zut. Si je me penche plus je tombe. Oh ça tourne en bas… Zut alors ! Mon crane tape le plancher. Je dois avoir la tête creuse parce que ça fait un gros ponk en cognant. Ouille j’ai mal. J’essaye de me redresser. Je pouffe. J’arrive pas. Elle est trop lourde ma tête. Trop lourde. Ou mes bras trop mous. Pourtant j’en ai deux des bras. - Mais oui , ne t’inquiètes pas, tu as bien deux bras. J’entends la voix de Paul qui me parle. Je devine qu’il rit en m’attrapant et en m’aidant à me redresser. Il me serre contre lui. Il émane de sa personne une douce odeur de bière. Je lui dis qu’il sent bon la bière et cela semble le faire rire lui aussi. Je ne me souviens pas vraiment du reste de la soirée.

Je me réveille le lendemain, au creux d’un lit inconnu, blotti contre lui. Tout est flou. J’ai un horrible mal de crâne, l’impression qu’on tente de m’arracher les yeux et de rentrer mes cheveux dans ma boîte crânienne. Je peine à retrouver mes esprits et à me rappeler où et qui je suis. L’Angleterre. Winchester. Paul. Son frère. Le pub. La bière. La soirée me revient en tête mais dans un certain désordre. Mais qu’est ce que j’ai bien pu ingurgiter pour finir dans cet état ? Et que va penser Paul de moi. Et William ? C’est la première fois de ma vie que j’ai tellement bu que je suis incapable de me souvenir ce que qui s’est passé. En temps normal, j’aime garder le contrôle, savoir ce que je fais, ce que je dis. Ne pas me laisser déborder. Mais là, visiblement j’ai perdu tout notion de limite.

Doucement pour ne pas le réveiller, je me lève. Si j’en crois la lumière qui filtre par la fenêtre, il est encore tôt mais j’ai besoin d’un peu d’intimité pour reprendre contrôle de mon corps. Je vais devoir attendre qu’il émerge pour découvrir ce que j’ai bien pu faire, mais je peux, au moins, tenter de retrouver forme humaine. Une douche, un shampoing, un lavage de dents et deux comprimés de paracétamol et je me sens à nouveau moi. Enfin presque. Il me tarde de savoir ce qui s’est passé. Qu’ai je bien pu faire dont je ne me rappelle pas ? Paul dort toujours. J’hésite. Une part de moi a envie de le réveiller, mais il a besoin de se reposer. Assise nue sur le bord du lit, je l’observe. La pointe de son nez, ses joues couvertes d’un duvet blond, le menton un peu pointu, la courbe de la mâchoire. Malgré l’envie, je n’ose pas le toucher. Dans son sommeil, il sourit. Il semble heureux et à mon tour je souris. Rêve-t-il de moi ? Je ne peux m’empêcher de caresser sa lèvre du bout de mon doigt. Il soupire d’aise. Je poursuis mon chemin. La mâchoire, le creux de la clavicule, le sternum. Ma main se fait aussi légère que possible. Il ne dort plus. Ses yeux sont toujours fermés mais le rythme de sa respiration a changé et je le vois sourire. J’effleure ses tétons, l’un après l’autre et je les regarde se dresser sous la caresse. Mes doigts descendent encore, touchent son ventre, contournent son nombril. Vais-je oser aller plus loin ? Je suis intimidée. Ce n’est certes pas la première fois qu’il est un devant moi, et il est évident qu’il me désire mais je n’ose pas aller plus loin. Mon doigt continue son voyage en évitant le sexe dressé devant lui, poursuivant sa course vers la hanche, la cuisse, des zones bien moins risqués. Sa main saisit la mienne, interrompant mon exploration. Il a les yeux ouverts et me regarde. Je rougis. Ai-je honte de ce que j’ai pu faire la veille ou d’être là, sans vergogne, en train d’explorer son corps pendant qu’il dort ? - Continue me dit il en me dirigeant vers là où je ne voulait pas aller seule. Je prends son sexe dans ma main. Il gémit et referme les yeux. Je le caresse. Doucement. Puis un peu plus vite. Je me fis à sa respiration, au mouvement de son bassin. Le voir ainsi livré à moi, au pouvoir de mes caresses, m’émeut et m’excite. Je ne résiste pas bien longtemps et sans rien lui demande je me redresse et m’empale sur lui, gémissant à mon tour. Je découvre le satisfaction d’être celle qui prend l’initiative, qui décide de donner du plaisir et d’en recevoir.

Un peu plus tard, attablés devant un copieux petit déjeuner j’ose enfin lui poser la question : Qu’ai je fait la veille au soir ? - rien me dit il tout en n’arrivant pas vraiment à dissimuler son hilarité. J’imagine le pire. A-t-il eu honte ? M’en veut-il ? Il éclate de rire, cette fois franchement. Non, il n’a pas eu honte mais oui il a bien rigolé. Beaucoup même. Et son frère me trouve très sympathique m’affirme-t-il. Ainsi que tous les gens du pub ! Son frère…. Moi qui souhaitait me montrer sous mon meilleur jour, faire bonne impression. Que va-t-il donc penser ? - Que tu es une petite française très mignonne et qui ne tient pas l’alcool ! Ce qui effectivement est une grave tare par chez nous. Deux pintes et tu roules sous la table, et ce n’est pas une façon de parler me dit il en s’esclaffant. Je ne vois pas trop ce qu’il y a de drôle. Je boude. J’ai été ridicule et lui trouve ça réjouissant. Il ne m’avouera que la nuit suivante, la dernière avant de devoir à nouveau nous séparer, ce que j’ai vraiment fait. Dans la pénombre, blotti contre moi, alors que je ne peux que deviner son visage quand il me parle, il me raconte. Je lui ai dit que je l’aimais. Je l’ai murmuré au creux de son oreille, je l’ai répété en gloussant, puis je l’ai annoncé à son frère, aux gars assis à la table voisine, à ceux accoudés au bar. A la dame qui est passé devant nous. - Et puis tu t’es levé et tu t’es mise à chanter. - A chanter ? Sérieusement ? Moi, chanter ? - Tu as l’amour communicatif quand tu as bu me dit-il en me serrant contre lui. Mais une chose est sûre c’est que moi aussi je t’aime.

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