Chapitre 3

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Je me levai avant elle et je lui préparai son petit-déjeuner, café, pain grillé, beurre et confiture. Le tout installé au rythme de cette horloge infernale. Elle partit après avoir pris son café et une tartine de pain grillé, elle semblait satisfaite, me gratifia d'un sourire et me posa un baiser sur les lèvres. Nous partîmes en même temps vers nos emplois respectifs.

Sur le chemin du travail je téléphonais à l'un de mes amis qui était venu à la soirée.

« Salut Mec ! Alors comment va depuis la soirée ? »

« Yep, et toi alors t'as fini par conclure, depuis le temps...»

Je l'interrompai :

« C'est bon, j'ai pas envie d'en parler. Je t’appelle pour autre chose. Mon anniv, j'ai ouvert les cadeaux le lendemain et il y en a un je ne sais pas qui me l'a offert. Un gros paquet avec un papier cadeau aux affreux motifs colorés. C'est une horloge.»

« Ah ?! Et bien c'est pas moi en tout cas. Une horloge qu'elle drôle d'idée. Je sais pas. C'est pas Bob ? »

« Non, il m'a offert une coque pour mon smartphone.»

« Et bien je sais pas alors. T'as qu'a leur demander. Faut que j'y aille j'ai du taf.»

J’interrogeais de la même manière tous mes amis présents à la soirée d'anniversaire, mais aucun ne m'avait offert cette horloge. J'étais désemparé et interloqué, je ne comprenais pas d'où pouvait venir cette horloge. Je croyais de plus en plus à une farce.

Le soir après mon travail, lorsque je rentrais à mon appartement, je décidais d'étudier d'un peu plus près l’objet de mes tourments. Je tirai l'une des chaises de la table à manger pour la placer devant la commode. Tic-tac. Je m'assis et je commençai à ausculter la chose. Mon regard, comme la première fois, fut attiré par l'éclat des dorures du cadran et des pieds sculptés de l'horloge. Je regardai ensuite le cadran vitré, le fond était blanc de nacre, sur le pourtour douze chiffres romains d’ébène pour marquer les heures et entre ces caractères se trouvaient, pour indiquer les minutes, de petits chiffres arabes anthracites finement gravés. Le cadran comportait également de discrètes inscriptions en fines lettres noires, une signature, une date et un lieu. Zacharius, Genève, 1854.

Tic-Tac. Je continuais mon examen minutieux de la façade de l'horloge. Mais en y regardant de plus près les aiguilles se comportaient bizarrement. Les aiguilles étaient figées un peu après le trois. Surpris je réfléchissais un instant à la signification de tout cela, mais mis à part un dérèglement de l'horloge, je ne trouvais aucune explication plausible. Puis je remarquai que la trotteuse semblait tout de même avancer, mais très lentement. Je regardai ensuite le dos de l'horloge. J'inspectai le dos de la machine, mais aucun système ne permettait l'accès au mécanisme de l'horloge. J'étais encore un peu plus intrigué par cette découverte, comment réparer cette horloge alors ? Même en dessous de l'horloge pas d'accès au mécanisme

Tic-Tac.

Après cette observation je décidai de sortir pour manger.

Cette nuit fut pire que la précédente. Je passais mon temps à me retourner dans mon lit. Chaque fois que ma conscience commençait à dériver vers les rêves, un tic aigu et criard se faisait entendre suivi inexorablement d'un tac mat et sourd. Je me levai sans cesse, pour aller boire un verre d'eau ou pour aller aux toilettes. Je regardai l'heure en me recouchant. Je pensais à la journée du lendemain en regardant le plafond, mes paupières papillonnaient, je commençai à m'endormir, enfin…

TIC !

Maudite horloge ! Je me levai énervé dans la pénombre. Je sortis de ma chambre en trombe pour aller prendre l'horloge. Je la saisis et fus subitement étonné en la prenant, elle était particulièrement lourde, mais j'étais si fatigué. J'amenai péniblement l'horloge dans la cuisine, je cherchai du regard un endroit où l'enfermer.

TAC !

Je posai l'horloge sur le plan de travail avant de l'enfermer dans un placard. Je soupirai et je sortis de la cuisine sans oublier de fermer la porte.

TIC !

Je traversai le salon en me cognant contre le pied de la table. La douleur m'énerva un peu plus. Je filai dans ma chambre et en fermai soigneusement la porte. Je restai quelques instants dans l'expectative… Pas de tic ? Pas de tac. Je souris en me détendant et j'allai m'effondrer sur le lit exténué. Je dormais enfin.

TAC !

Je bondis de mon lit enragé et criant comme un damné. J'ouvris la porte de ma chambre d'un geste rageur la faisant claquer contre le mur. Je courus à l'aveugle au travers de l'obscurité du salon. Mais je fus stoppé net dans ma course, mon pied frappa violemment quelque chose. Le pied de la table ! La décharge de douleur fut si violente qu'elle me réveilla entièrement. Je fus projeté en travers de la pièce, le vol me parut durer une éternité, j’entendis même un délicat petit tic! Lorsque j’atterris enfin, j'entendis un craquement sinistre d'os brisés à l’unisson avec un majestueux tac.

Je gis sur le sol de mon appartement, la vie s’échappant de moi comme du sable entre les doigts vaporeux de ma conscience. Quelle mort absurde, j'étais si jeune, à peine trente ans.

Tiens ! Pas de tic, plus de tac !

Mais il me semble entendre sonner trois coups à l'horloge...

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