Retour de bâton

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Ils rentrent aujourd'hui. Je suis partagée entre le plaisir de revoir ma fille et la peur qu'ils soient encore contagieux. Il devait rentrer hier, mais devant mes protestations, il a choisi de dormir à l'hôtel en bas de chez nous, pour montrer à tout le monde qu'il fait des efforts. Pour faire croire que je le chasse de chez lui comme un pestiféré. "Maman ne veut pas qu'on rentre, Lise". C'est ridicule. La seule chose qui me rassure, c'est qu'il doit sans doute être un peu calmé par cet épisode. A cause de sa liaison, les enfants ont raté deux semaines et demie de cours. Et j'ai tout géré de main de maître. J'imagine qu'après ces vacances, il rentrera sans doute un peu reconnaissant.

— C'est quoi, ça?

Je suis assise sur le canapé du salon, et je reçois du café sur le front.

— Hein?

Il approche le filtre de la machine à café près de moi de façon agressive. Comme s'il allait me le lancer au visage. J'ai un mouvement de recul et du marc tombe à terre. Il hurle.

— Tu ne peux pas nettoyer le filtre de temps en temps, regarde, c'est dégueulasse!

Je me fige. J'ai nettoyé et désinfecté toutes les pièces de la maison avec minutie pendant toute la durée de notre confinement, terrifiée à l'idée que mes enfants attrapent le covid. Je le lui dis.

— Tu parles, c'est dégueulasse ici, regarde l'état de la machine!

Il lance à nouveau du café sur moi. Cette fois, j'attrappe le philtre et le fait tomber à terre. J'en ai plus que marre.

— Mais tu crois vraiment que ma priorité, c'était de nettoyer ta putain de machine à café? Tu te rends compte de ce qu'on a vécu, nous ici?

— Oh, ça va, t'étais en vacances!

Je ne sais même plus quoi répondre.

— Nettoie!

Il en est hors de question. Liam arrive dans le salon et nous voit face à face, tels deux boxers sur un ring. Il tente de prendre mon parti.

— C'est vrai papa, maman a nettoyé tous les jours, même les poignées de porte!

— Toi, je t'ai rien demandé!

— Je ne nettoierai pas, dis-je dans un souffle.

Florent s'approche de moi, menaçant.

— Oh si tu vas nettoyer, connasse!

Liam va dans la cuisine et revient avec une pelle et une balayette.

— C'est bon, je vais le faire, moi, calmez-vous!

Florent le pousse au sol.

— Toi, mêle toi de tes affaires!

Je m'interpose et commence à hurler de toutes mes forces.

— Je t'interdis de frapper mes gosses.

En un clin d'œil, Florent se rapproche de la fenêtre pour la fermer. Mais cette fois, je ne laisserai pas faire. Je vais de pièce en pièce ouvrir toutes les fenêtres et hurler qu'il n'a pas le droit de nous frapper. Il me rattrape dans le couloir, rouge de colère, et me colle contre le mur.

— Arrête de te donner en spectacle!

Je crie à plein poumons.

— Lâche-moi!

Il serre encore plus fort, mais je ne me laisse pas faire. Je sais qu'il a peur que les voisins entendent. Rien ne le terrorise plus que d'écorner l'image idéale qu'il prend tellement de temps à bâtir. Celle que nous n'avons jamais vue. Cette fois, il pète complètement les plombs et m'agrippe par le col, avant de me pousser plusieurs fois contre le mur. Ma tête frappe le plâtre, mais je continue de hurler. Au loin, j'entends les enfants pleurer. La scène se passe dans un brouillard froid. Je ne veux plus vivre ça. Je ne veux plus que mes enfants le vivent. Je veux que tout le monde sache. Tant pis pour les conséquences. C'est à peine si j'ai le temps de voir Liam passer avec un balai. J'entends un cri étouffé:

— Tu ne touches pas à ma mère!

Louis est derrière lui. Il tente d'avoir des mots apaisants. je ne sais pas lesquels. Ma vie s'effondre et je n'y comprends plus rien. Puis Florent se recule. Ila un rictus stupide et félicite Liam pour m'avoir défendu. Aucun d'entre nous n'y comprend rien.

— Alors, comme ça, Lise a donné la Covid à Florent?

Je regarde la voisine avec stupéfaction. C'est ça qu'il a raconté à tout le monde. Que c'était sa fille qui l'avait attrapé et le lui avait donné, pas l'inverse. En même temps, j'imagine que la véritable histoire ne collait pas trop avec sa vision de l'homme idéal.

Quand il rentre, je lui dis que je suis au courant.

— On ne sait pas comment je l'ai attrapée.

— Pardon?

— On n'en sait rien. Je suis sûr que toi, si tu l'avais eu, tu n'aurais rien dit. J'ai fait ce qu'il fallait.

— Attends, tu sous-entend que c'est moi? Mais j'ai fait trois tests! Tous négatifs!

— Une poignée de porte, les courses...on ne ne saura jamais

Je comprends soudain qu'il croit à tout ce qu'il raconte. Ce n'est pas seulement une image qu'il se donne. Il est dans le déni. Florent est fou.

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