Super zéro

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Les basses résonnent dans l'appartement comme si nous étions sur le toit d'une discothèque. Lise n'arrive pas à dormir et j'ai effroyablement mal à la tête. Notre voisin du dessous est un homme colérique et froid. Il hurle régulièrement sur son épouse et est accompagné d'un chien incroyablement hargneux. Je pense qu'il se drogue, ou qu'il boit. En toute honnêteté, il me fait peur. Je regarde Florent avec désespoir, mais il ne bouge pas.

— Quoi ? Ce type bosse avec moi, je ne vais pas aller me prendre la tête avec lui !

Ce n'est pas ce que je lui demande, mais j'aimerais qu'il aille au moins lui demander de baisser la musique. Après tout, la semaine dernière, quand une jeune femme lui a coupé la route au carrefour, il n'a pas hésité à sortir de la voiture et à la traiter de tous les noms jusqu'à la terrorriser. Pourquoi n'a-t-il pas la même répartie face à son exaspérant collègue. Fatiguée, je le lui demande. Aussitôt, le ton monte.

— Attends, mais ce mec est mon supérieur, tu veux quoi, que tout le monde parle sur moi ?

— Non, je veux juste que la musique soit moins forte, et que ma fille arrête de pleurer !

— Forcément, ça fait combien de temps que t'as pas travaillé, hein ? Tu n'as aucune idée de ce qu'est la vie en entreprise !

— Ce n'est pas la question, tu peux le lui demander gentiment !

— T'as qu'à y aller, toi !

Ce mec me terrorise. Mais parce que je sais qu'au fond, il n'a pas tort, je le prends au mot.

— Ok, je mets mes chaussures.

Florent se lève comme un ressort.

— Attends, qu'est-ce que tu vas aller lui raconter ? Si c'est pour envenimer les choses, c'est pas la peine, hein ! Ne bouge pas, j'y vais !

En traînant les pieds, Florent se dirige vers la porte, contrarié. Les basses sont si fortes qu'elles font trembler les tableaux.

— Alors ?

— Il va baisser.

— Mais pourquoi pas tout de suite ?

— Parce que... Il va le faire.

Ah. J'attends quelques minutes, mais les décibels sont toujours aussi forts.

— Mais quand ?

— Je ne sais pas, à la fin de cette chanson, ou de la suivante.

— Mais il t'a dit quoi exactement ?

Florent hausse les épaules pour me faire comprendre que je l'agace. Malgré le tumulte, Lise, épuisée, a fini par s'endormir dans mes bras. Je n'ose pas lever le ton. Je répète, à peine plus fort.

— Il va baisser quand ?

— Je n'en sais rien, il m'a pas ouvert. Voilà, t'es contente ?

Je le regarde, interdite. Et je le vois enfin tel qu'il est. Menteur et lâche. Mon super héros ressemble de plus à plus à un super zéro.

— Mais pourquoi tu m'as menti ?

— Pour pas que tu m'emmerdes !

C'est de ma faute, comme toujours.

— J'en ai marre, Florent, on ne peut pas continuer comme ça.

Il me fixe avec un air défi.

— Ben alors casse-toi. La porte est ouverte.

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