Maternité

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On m'a installé en maternité. Après la rencontre avec mon bébé, mes constantes se sont stabilisées, comme si elle était le seul vrai remède à mon mal. Je ne peux toujours pas me lever, et à peine bouger mes membres. La morphine me rend malade, et je suis dans une telle faiblesse que j'ai même du mal à penser. Florent est là, jour et nuit. Mes parents sont venus garder les garçons, et il s'occupe de notre fille du mieux qu'il le peut.

Malgré mon envie, je n'ai pas pu l'allaiter. La morphine a tari mon lait, et je n'ai pas la force de lutter. Je ne peux pas l'habiller, ni la laver. Tout ce dont je suis capable, c'est de la regarder, allongée contre moi. Mais comme je n'ai aucun réflexe, j'ai toujours peur de la faire tomber, ou de lui faire mal. Je m'en veux de mon inutilité. Florent ne le comprend pas.

— Tu pourrais au moins la baigner !

Je n'arrive même pas à lever le bras plus de quelques secondes. Je voudrais le lui expliquer, mais mes mots ne trouvent pas leur chemin. Tout est flou, même mes pensées.

— Je ne peux pas, parviens-je tant bien que mal à articuler.

Je sais ce qu'il pense. Je fais du cinéma, comme toujours.

Les médecins ne comprennent pas pourquoi je ne remonte pas. Un interne est passé l'autre jour et m'a carrément engueulé. Dans mon état, le mieux, c'est de marcher. Comment lui expliquer que je tiens à peine assise ?

J'ai appris ce qui m'était arrivé. Au bloc, j'ai fait une hémorragie, le chirurgien a entaillé ma vessie. On m'a fait une transfusion. Florent, dans la salle d'à côté, n'était au courant de rien. On lui disait de patienter. Mais quand il a vu un infirmier courir en réclamant du sang A négatif, il a compris que quelque chose clochait. On me raconte cela d'un air gêné. Je sens que ce n'est pas normal, que quelque chose est arrivé. Mais je ne parviens pas à en savoir plus. Je suis si fatiguée. Les conversations autour de moi sont diffuses, comme dans un brouillard. Je ne comprends rien à rien. J'ai tout le temps froid. Je suis nourrie grâce aux perfusions. Le maïeuticien qui s'occupe de moi peste car il pense que je devrais avoir une autre transfusion. Mais pour cela il faut que le gynécologue la demande. Et cet homme qui m'a mis dans cet état, depuis mon réveil il y a deux jours, est aux abonnés absents.

— Ne vous inquiétez pas, ça va aller.

La sage-femme chargée de me transfuser est adorable. Elle me pose des tonnes de questions, plusieurs fois. Mon identité, mon âge... Il paraît que c'est la procédure. Allongée dans la salle d'accouchement, je me remémore mon arrivée ici. Mon désir d'accoucher, de rencontrer enfin ma fille, de devenir mère à nouveau. J'entends dans les box attenants des femmes qui crient. Elles accouchent de manière naturelle. Je suis jalouse, meurtrie, aigrie. Le sang d'un inconnu est transféré dans mes veines, pour tenter de me maintenir en vie. Ma fille est avec son père. J'ai l'impression que moi, je ne l'ai toujours pas rencontrée.

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