Épilogue

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Ils étaient revenus tous les quatre à Milwaukie, par avion : Madeline, Naomi, Damin et Josh. À l’aéroport de Portland, toute la famille les attendait impatiemment. Darryl, tenant la main de Evelyn étroitement serrée dans la sienne, le petit Theo à leurs côtés. Carla était sortie de l’hôpital, et se tenait aux côtés de son grand garçon, Ezequiel, qui avait le bras autour de la taille de sa petite amie. Les adultes avaient les yeux brillants et déjà bouffis d’avoir pleuré, les plus jeunes souriaient et trépignaient d’impatience de serrer dans leurs bras les arrivants. Madeline couru dans les bras de ses parents, avant de pousser Naomi, encore timide, devant eux. Elle avait grandi, beaucoup, en onze ans, mais c’était bien leur fille. Ils auraient pu la reconnaître entre mille. Les parents la présentèrent alors à Theo, à qui ils avaient raconté brièvement l’histoire de l’enlèvement sur le chemin. Il lui serra cordialement la main, ce qui fit rire tout le groupe, détendant l’atmosphère et mettant à l’aise Naomi. Puis chacun embrassa Madeline, serra la main à Damin, tapota l’épaule des deux enquêteurs qui avaient retrouvé la trace de l’enfant disparue ce 4 juillet 2007.

Pendant ces émouvantes retrouvailles, Josh était resté en retrait, laissant la famille se présenter, s’embrasser, se serrer dans les bras. Carla le remarqua et s’approcha de lui, lui chuchotant qu’il avait bien fait de la ramener chez elle. Elle lui sourit, le calvaire était terminé, inutile de continuer à entretenir des rancœurs vieilles d’une décennie.

Une fois l’émotion passée, les larmes séchées et les battements du cœur ralentis, Madeline proposa d’aller manger chez eux, tous ensemble. Tous acceptèrent. Tous, sauf un, qui se sentait de trop. Josh refusa, s’excusant de devoir déjà y retourner, et puis que, de toute façon, il n’avait pas sa place là-bas. Evelyn insista. « Tu fais partie de la famille », lui assura-t-elle. Madeline trouva courageux de la part de sa mère de faire une telle déclaration au ravisseur de sa fille, mais parfois, le bonheur fait taire la haine.

Le soir-même, ça parlait fort dans le jardin des Peterson, ça rigolait, ça racontait des anecdotes, ça pleurait, aussi, un peu. Naomi fut installée entre Madeline et Theo, en face de ses parents. Elle parlait peu, mais observait beaucoup. Ce qui la frappa fut l’amour que se portait cette famille, malgré les épreuves traversées, les trahisons et les mensonges. C’était ça, l’amour d’un foyer, et c’était le sien. Elle qui n’avait pas caché son inquiétude à son aînée dans l’avion, elle se sentait rassurée et envisageait l’avenir avec sérénité. La maison lui avait procuré un vague souvenir, comme la sensation d’y appartenir. Elle se sentait proche de Madeline, comme si un lien indestructible avait survécu à ces onze ans séparées. Même, des souvenirs avaient ressurgi lorsqu’elles avaient discutés toutes deux, bien qu’ils étaient encore flous. Naomi avait enfin une mère, et elle en avait versé des larmes. En revanche, c’était plus compliqué de s’imaginer avec Darryl comme père, alors qu’elle avait passé onze ans à croire que son géniteur était Josh. Mais Darryl était doux, prévenant et l’avait rassuré en lui précisant qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle l’appelle « Papa » dès le lendemain. Evelyn aussi lui avait recommandé de prendre son temps, que, de toute façon, ils avaient tous besoin d’y aller doucement pour s’apprivoiser.

Pendant le repas, Josh tint un discours d’excuse. Il n’essaya pas de se justifier, de se faire pardonner, mais il expliqua les raisons qui l’avaient poussé à commettre l’enlèvement. Darryl lui répondit qu’il ne pourrait jamais lui pardonner, mais parce qu’il aimait sa fille et que Josh faisait partie de sa vie, il lui permettait de leur rendre visite quand il voulait. Il avait été son meilleur ami, et quelque part au fond de lui, le lien qu’ils avaient entretenu n’avait pas totalement disparu. C’était aussi pour cette raison qu’il ne lui sautait pas à la gorge, précisa Darryl.

La soirée suivit son cours, avec son lot d’émotion et de bonne humeur. On aborda bientôt le sujet de la rentrée scolaire, les projets des uns et des autres. Darryl avait décidé d’engager un employé pour travailler moins, et profiter plus de ses enfants. Carla avait pris rendez-vous avec un conseiller bancaire pour discuter d’un prêt qui lui permettrait d’ouvrir une pâtisserie en ville. Ezequiel avait réussi à trouver un garage à Portland qui l’engageait, en attendant de pouvoir reprendre ses études. Cependant, il restait habiter à Milwaukie, pour rester près de Faith, la fille qu’il aimait. Cette dernière et Madeline, elles, appréhendaient la dernière année du lycée, les examens finaux et la décision de leur avenir. Damin, lui, voulait se renseigner sur les études pour devenir professeur, afin d’enseigner aux enfants quelque chose d’autre que du baseball. Evelyn lui proposa de l’aider, et l’informa qu’elle cherchait un assistant. Damin accepta, ravi : sa vie évoluait ! Quant à Naomi, elle s’apprêtait à entamer sa première année au lycée, mais elle qui ne connaissait que les cours à la maison n’était pas franchement prête à entrer en école publique, surtout si elle était cataloguée comme la fille disparue onze ans plus tôt et retrouvée miraculeusement cet été. Evelyn la rassura, ce n’était pas pressé. Elle devait d’abord se concentrer sur son quotidien, apprivoiser sa famille, apprendre à vivre dans cette ville, loin de tous ses repères New-Yorkais. Naomi confia alors que son rêve était d’entreprendre des études d’art, qu’à New-York, il existait une école qui prenait les freshman, autrement dit, les premières années de lycée. Darryl lui promit de se renseigner pour la rentrée.

Le temps passa, et Naomi apprit à connaître plus les membres de sa nouvelle famille. Les goûts des uns et des autres, leurs rêves, leurs projets. Tout ce qu’ils disaient lui plaisait, et elle s’imaginait facilement vivre avec eux, les aimer. Même ce Ezequiel, qui lui avait paru froid au premier instant, mais qui se révélait être très protecteur avec ses proches. Cette idée la séduisait : être entourée, pouvoir compter sur chaque membre de la famille, se soutenir, s’adorer. Même s’il lui restait mille et une choses à découvrir sur chacun, sur sa vie à Milwaukie, et même sur elle-même, Naomi était sûre d’une chose : elle avait trouvé sa maison, sa famille, et quoique qu’il lui arrive, ils seront toujours là pour elle.

Se levant, Madeline demanda le silence. Elle voulait porter un toast :

- À vous tous, ici réunis, je voudrais vous remercier. Parce que vous êtes là depuis ma naissance, et que vous le serez sûrement jusqu’à ce que mort nous sépare. Parce que vous m’avez toujours soutenue, aimée, encouragée. Je crois cette aventure nous a encore rapprochés, mais elle m’a aussi appris quelque chose. Quoiqu’il se passe dans une vie, bonheur ou malheur, je sais que le plus important, c’est l’amour que l’on porte à sa famille, parce que c’est ça qui nous aide à tenir, toujours.

Tout le monde trinqua tandis que le soleil se couchait. Pour eux, la soirée était loin d’être terminée, et leur bonheur aussi.

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