Chasse sauvage

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  • Prends ton temps, inspire et expire doucement... reste silencieuse. Là, vas-y décroche ta flèche.

  Écoutant mon père, je relâchais la corde retenant ma flèche. Le projectile fonça droit sur sa cible. Je vis le lapin se faire transpercer, nous pourrions manger ce soir. Mon père me félicita pour ce tir réussi J'étais pourtant assez triste d'avoir tué ce pauvre animal. Une main se posa alors sur mon épaule et, en tournant la tête, je vis mon père, le visage grave.

  • Je sais ce que tu penses, ma fille. Mais si tu ne le fais pas, tu ne manges pas. Et si tu ne manges pas, tu mourras. Attrape ce couteau, et dépece-le.

 Avec dégoût, je saisis l'arme que me tendait mon père. Je ne voulais pas dépecer la peau de cet animal. Mon père me faisait faire cela pour m'habituer à la chasse. Il est braconnier, pour survivre, il chasse dans les terres et bois des seigneurs des environs, profitant de la non-vigilance des gardes. Il le fait pour se nourrir, mais aussi pour me nourrir. Ce que nous ne mangions pas, nous allions le vendre sur le marché. Depuis la mort de ma mère lors de ma naissance, j'étais tout ce qu'il possédait. Il s'est débrouillé pour s'occuper de moi, ce ne fut certainement pas facile. S'occuper d'un bébé n'est pas simple, surtout pour un homme dans la situation de mon père. Désormais, âgée de dix ans, j'étais assez grande pour l'aider à la chasse.

 Il m'observait découper la peau du lapin maladroitement, pestant de mes mauvais coups de cisaille. Il se pencha alors pour me montrer, il faisait ça d'une façon si adroite. Cela paraissait simple, je me sentais être stupide de ne pas savoir le faire.

  • Regarde, ce n'est pas compliqué. Il suffit de laisser glisser la lame là, comme ça. Maintenant essaie à nouveau.

 Je repris le couteau. Je le fis glisser et tailler la chair, je retirais la peau. Mon père m'apprenait bien les choses, je ne pouvais que l'approuver. Il m'avait appris à tirer à l'arc même si j'avais encore besoin de son aide. Il m'avait appris à manier plus ou moins bien un bâton de bois, une arme qui ne tue pas mais pouvant me défendre avec un peu de maîtrise. Il m'avait appris à allumer un feu de camp... J'essayais d'être bonne élève, mais étant donné mon jeune âge ce n'était pas facile de tout comprendre ou retenir. Je faisais ce que je pouvais.

  • Bien, très bien. Tu te débrouilles un peu, tu vois ? Mets le lapin dans le sac, et la peau dans l'autre. On l'utilisera certainement pour quelque chose. Dans la vie sauvage, tout peut servir. Il n'y a pas de gaspillage à faire.

 Mon père était peut-être braconnier, mais intelligent. Le gaspillage n'est pas une option, la survie n'est pas une question de hasard. S'il n'était pas capable de survivre, s'il n'était qu'un idiot, je serais morte depuis bien longtemps. Il était mon idole, la seule personne et chose à qui me raccrocher, à qui me confier. Dans ce monde de brutes, il n'y a pas de place à la rêverie. Il n'y en a qu'à la vie.

 Nous avions terminés de nous occuper de notre lapin. Nous repartions déjà vers notre petite cabane temporaire. C'est alors que mon père fut alerté par un étrange bruit, une branche qui craque, le fruissement des feuilles mortes en cette saison d'Automne. Il tourna le regard vers l'endroit d'où venez le bruit, visiblement sur ses gardes. Il observait, ses yeux plissés. Je ne comprenais pas bien, je ne voyais rien d'étrange. Mais mon père ne semblait pas à l'aise. Il me jeta un bref regard, et au même moment des hommes débraillés sortirent alors de derrière les arbres.

 Ils étaient une dizaine, sales, pouilleux, hideux, portant des vêtements de tissus déchirés pour certains, torse-nu pour d'autres. Ils avaient en main des petites arme blanches, d'autres des cailloux ou des maillets. Leurs regards allaient de mon père et moi, et quand ils portaient leurs yeux sur moi, c'était avec d'étranges sourires perfides et pervers... je ne comprenais pas ces regards. Je n'étais qu'une enfant. Ces bandits ne voulaient pas notre viande, pas notre or, nis nos armes ou vêtements. Ils voulaient simplement notre mort. De toute façon, après nous avoir tués ils auraient eu ce qu'ils désirent en nous pillant. Mais si certaines crapules raisonnables se contentent de demander de l'argent, n'importe quel sôt pouvait voir que ceux-là étaient des tueurs. Personne ne leur dirait rien, les seigneurs se fichent bien de nous... et seraient même prêts à récompenser ceux qui se sont occupés de les débarasser de quelques braconniers. Le reste de l'histoire, la façon dont il l'ont fait, ce qu'ils y ont gagné, n'intéressent pas les seigneurs. Aucune justice ne serait faite pour nous, et aucune justice ne sera faite pour eux. Mon père s'écria alors.

  • Aude ! Va t'en d'ici, pars et ne t'arrête pas !

 Je vis mon père tirer sa petite épée de son fourreau. Il l'avait volé à un forgeron à l'époque, une arme de mauvaise qualité et émoussée. Même si mon père savait manier une arme, il n'était pas assez doué pour combattre plusieurs hommes en même temps. Il le savait, il savait ce qui m'arrivait si je restais là. Alors, il a donné sa vie pour la mienne, pour me protéger.

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