Chapitre 17 : Les apparences sont trompeuses

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 Le soleil commençait à décliner, la nuit tombait. J’étais seule au milieu du crépuscule, perdue dans ma propre tristesse. Soudain, j’entendis un bruit dans les feuillages. Je me retournai, surprise. Avorian m’avait-il déjà retrouvée ? Quelqu’un avança. Non pas Avorian, mais l’homme que je redoutais par-dessus tout : Sèvenoir. Et pourtant, il s’approcha tout doucement de moi, comme pour apprivoiser un animal sauvage, posant délicatement sa main gantée sur mon épaule gauche, en un geste presque tendre. Au lieu de repousser sa main, je le laissai faire. Je me sentais trop déboussolée pour pouvoir me défendre.

– Pourquoi pleures-tu ? me dit-il d’une voix douce.

– Comment m’avez-vous trouvée ? m’étonnai-je, ignorant sa question.

– Je ressens ta présence, Kiarah. Ton aura est si belle… mais la cité des fées me la dissimulait ! Dis-moi, qu’est-ce qui te rends si triste ? insista-t-il en repoussant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

 Je frissonnai, surprise par la légèreté de son geste.

– Je ne sais plus où j’en suis… J’ai quitté la Terre pour ce nouveau monde dont j’ignore tout. Avorian me cache constamment la vérité, sous de beaux prétextes !

– Ma pauvre Kiarah… Ne t’avais-je pas dit de ne pas lui faire confiance ? Ne t’avais-je pas prévenu de sa cupidité ? Avorian est un menteur, un usurpateur ! Il continuera de te voiler la vérité.

 Sèvenoir releva mon menton pour me dévisager. À travers son masque, je pouvais presque percevoir de la pitié dans son regard. Je me mis à rougir.

– Laissez-moi ! Vous êtes encore pire ! contestai-je, déstabilisée par mes propres réactions physiques en sa présence.

– Pourquoi ? Si tu venais avec moi, tu n’aurais plus d’ennuis. Ne te réfugie pas dans la torpeur.

– Comment ? Quelle honte ! C’est totalement aberrant ! Vous osez tenir de tels propos alors que vous m’avez blessée puis juré de me tuer l’autre jour, dans l’église !

– Mais non… je n’ai pas dit ça pour toi !

– Pourtant vous avez bien dit un truc du genre : « Maudits soient-ils ! Je vous aurai, tous les deux ! Vous mourrez ensemble ! », en parlant de moi et d’Avorian !

– Non, Kiarah. Je parlais du Limosien et d’Avorian, pas de toi.

– Vous me le jurez ?

– Oui ! Ce sont eux qui contrarient toujours mes plans.

– Alors… pourquoi m’avoir attaquée ? Que vouliez-vous voir lorsque vous avez déchiré mes vêtements ?

– C’est toi qui m’as attaqué, petite sauvageonne, n’inverse pas les rôles ! Je voulais comprendre ton identité. Voir si tu étais Terrienne ou Orfiannaise.

– Et alors, qu’est-ce qui vous a surpris ?

– Tu as des pouvoirs… et pourtant, tu as vécu si longtemps sur Terre...

– Quel rapport avec le fait de voir mon corps ?

– Certaines distinctions physiques nous différencient des Terriens. Tes ongles sont nacrés par exemple, ce qui prouve que tu es Orfiannaise. Pourtant tu ne cicatrises pas aussi vite que tu le devrais…

– Je ne comprends pas grand-chose à tout ça... En plus, c’est peut-être vous qui avez tué mes parents.

Sèvenoir se redressa brusquement en retirant sa main de mon épaule, visiblement contrarié.

– Moi ? Tué tes parents ? Cette tromperie là est bien la meilleure de toutes ! Non, je n’ai jamais tué tes parents ! Ce mensonge vient d’Avorian, n’est-ce pas ? C’est tellement facile pour lui… m’accuser à tort, mettre tous ses méfaits sur moi pour se débarrasser de sa propre culpabilité. Il te raconte des histoires ! Et toi, tu le crois, jeune naïve ! Mon apparence joue contre moi. J’ai conscience que je n’ai pas été clément avec toi. Mais n’oublie pas que tes prétendus « amis » t’ont abandonnée ! Voilà la triste vérité ! Alors que moi, je suis venu te chercher sur Terre, au péril de ma vie !

 Pour une fois, Sèvenoir semblait réellement affligé par mes dires. Ses bras s’étaient animés en de grands gestes moulinés pendant sa belle tirade. Il paraissait véritablement outré, écœuré par cette méprise. Sa voix chargée d’émotions ne trompait pas. D’ailleurs, il marquait un point : c’était bien lui qui m’avait ramenée sur Orfianne. Pas Avorian.

– Non, Avorian n’a pas menti, intervins-je, je pensais que vous les aviez tués, étant donné que vous prenez un malin plaisir à vous acharner sur moi ! Comment voulez-vous que je fasse la part des choses et que je ne sois pas naïve ? Je débarque ici, sur cette planète, en ignorant tout, jusqu’à ma propre identité ! J’ai tout perdu : ma famille, mes amis, la Terre et… moi-même. En arrivant ici, vous m’avez attaquée ! Les faits parlent contre vous…

 Je me relevai subitement de mon rocher, faisant face à Sèvenoir, le regard droit. Que cachait-il derrière son masque ? De nouvelles larmes perlaient sous mes yeux. Sèvenoir s’approcha et posa une nouvelle fois sa main sur mon épaule. Il essuya délicatement ma joue de son autre main gantée.

– Je suis désolé pour toi. Je comprends ce que tu veux dire, dit-il d’une voix soudainement calme. J’ai tout perdu, moi aussi, absolument tout. Je ne veux pas qu’il t’arrive la même chose. Je ne voulais pas te faire de mal… J’ai été extrêmement maladroit. Je le reconnais.

 Contre toute attente, Sèvenoir plaça un bras autour de ma taille, l’autre sur mon dos et m’enlaça, étreignant fermement mon corps contre le sien. Enfouie dans ses capes, je le laissai faire, autant abasourdie qu’intimidée. C’était étrangement agréable.

– Tu n’as pas encore tout perdu, Kiarah… Pas encore, me souffla-t-il à l’oreille en me caressant les cheveux. Tu m’as moi, si tu le désires. Avorian se sert de toi, sache-le. Il se moque de ce que tu ressens… cesse de lui accorder ta confiance. Sous ses airs de grand sage, c’est un acteur, un tricheur, un homme cruel ! Mon physique ne joue pas en ma faveur. Le sien, au contraire, l’aide à contrôler des créatures innocentes comme toi. Je n’ai jamais voulu te tuer, tu as mal interprété.

 Je m’éloignai brusquement de lui, m’arrachant de son étreinte étonnamment douce.

– Êtes-vous vraiment sincère ? accusai-je. Peut-être n’allez-vous pas me tuer, mais vous pourriez vous servir de moi, tout comme Avorian. Qui croire de vous deux ? Vous m’avez fait beaucoup de mal ! Alors qu’Avorian, lui, a pris soin de moi. De toute façon, je ne peux plus faire confiance en personne désormais. Tout le monde me ment.

– Moi, je ne t’ai jamais menti, dit calmement Sèvenoir, se rapprochant une nouvelle fois de moi.

– C’est vrai, avouai-je en y songeant.

 Sa main effleura tendrement ma joue, comme pour appuyer ses propos.

– Je vais tout t’expliquer. Te dire la vérité qu’Avorian te dissimule. Je ne te cache rien…

– Si. Votre visage, intervins-je.

 Sèvenoir ne répondit rien, comme surpris. Il recula d’un pas.

– Tout ce qu’Avorian t’a dit sur moi, toi et tes soi-disant parents disparus ou morts, est faux, déclara l’homme masqué pour détourner la remarque qui le gênait.

– Comment pourrais-je vous croire ? Vous n’avez pas hésité à me frapper, me mutiler et…

– Oui… car je n’avais pas encore compris une chose essentielle, et tu ne voulais pas coopérer ! Mais désormais je ne te ferai aucun mal. J’ai enfin compris qui tu étais. Je te demande pardon, Kiarah.

– Je ne suis pas dupe. C’est encore une astuce pour me piéger. J’aimerais savoir, lorsque vous m’avez emmenée la première fois, vous disiez que j’avais « tout oublié ». Est-ce que nous nous sommes déjà rencontrés par le passé ?

– Oui… lorsque tu es venue sur Orfianne. Je vais tout t’expliquer et… Oh non ! se lamenta-t-il.

 Sèvenoir disparut. Avorian arrivait accompagné de la petite fée Liana.

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