Chapitre 19 : Implosion 

7 minutes de lecture

Soudain, mon hilarité s’arrête. Ma bouche passe du rire à la peur. Mon verre se fracasse contre le carrelage. Je ne peux en croire mes yeux, c’est impossible…

— Ali ? Ali ? A...

Je n’entends plus rien, car la lumière a laissé place au noir, car devant moi la pire des atrocités s’y passe...

Je ferme les paupières d’un coup sec pour mettre à l’ombre cette vision d’horreur. Rien qu’une seconde. Un millième de seconde, c’est tout ce dont j’ai besoin pour la faire disparaître. Tous mes muscles alors se contractent et mon corps se met à trembler. Je suis tétanisée par l’image de Lizzie avec… Je ne parviens même pas à prononcer son nom dans mon esprit. Et le fait d’y repenser faire resurgir derrière mes paupières bien fermées son visage à lui. Dans un espoir presque utopique, je rouvre les yeux. Mais l’atrocité n’a pas disparu, au contraire elle est encore plus criarde qu’au début. Le corps de Lizzie collé au sien me hantera toute ma vie… Seul mon corps s’est arrêté, toutes les personnes autour de moi ne se rendent compte de rien. Je veux hurler, crier pour faire s’envoler ce profond désespoir. Puis, une forte envie de vomir me saisit. Mon dernier repas n’était pas conséquent, mais il semble vouloir sortir malgré tout de mon organisme. Soudain, une main moite et fine agrippe mon bras dénudé. Je comprends que l’on m’entraine à contre-courant de la foule, mais je ne parviens pas à assembler toutes les informations que mon cerveau semble détenir. La musique assourdissante ne semble pas franchir la barrière de mes tympans. Mes oreilles émettent un bourdonnement qui me donne le vertige. Tout est en train de voler en éclat autour de moi.

Je sais que l’on a stoppé tout mouvement, mais mes yeux ont décidé de se refermer. Je cherche une échappatoire pour faire taire les battements précipités de mon cœur. C’est peine perdue… la crise d’angoisse me terrasse.

Soudain, mon visage est frappé avec force. Sous l’impulsion, ma tête est projetée sur la gauche. Passé le choc, une chaleur dérangeante se propage sur mon visage et réveille les dernières blessures des derniers jours. Une seule larme se rebelle et franchit la barrière pourtant bien solide, de mes cils. Je ne sais pas si c’est la douleur physique ou mentale qui me fait l’échapper, mais je n’ai que peu de contrôle.

— Ali ! Tu m’entends ? Je t’ai fait mal ? Ali répond moi, merde !

Mes paupières effacent la brume collée à mes yeux. Je vois le visage paniqué de Khloé. Elle semble au bord de la crise de nerfs. Sa prise se raffermit sur mon bras.

— Tu m’as giflé ? demandé-je d’une voix blanche.

Ce sont les seuls mots qui me viennent en tête. Mon esprit est encore comme anesthésié. Il en est de même pour mon corps qui semble s’être rigidifié.

— Désolée, mais je ne savais pas quoi faire. Tu ne répondais pas, et tu fixais la foule avec des yeux terrifiés. J'ai eu peur, je ne voulais pas te faire mal, s'excuse-t-elle en soupirant.

J’esquisse un mince sourire afin de la rassurer. Je comprends sa terreur, après tout je devais avoir l’air d’un cadavre au milieu de la foule. Je lie sa main à la mienne pour la remercier d’avoir osé me gifler. Finalement, cela m’a permis de regagner un semblant de réalité. Je serre fermement ses doigts entre les miens avant d’enlever ma main de la sienne. Il faut que je reparte, il faut que j’aille me confronter à l’horreur qui se joue à quelques mètres de nous. Je sais que Khloé ne va pas comprendre, mais je n’ai pas le temps de m’en soucier. Pas maintenant.

La lividité de Khloé ne l’a pas quitté, moi je ne suis plus livide ; j’ai une envie de meurtre. Je veux le tuer. Je veux l’achever de mes propres mains. J’ai bien trop attendu, j’ai été trop peureuse, mais aujourd’hui il est allé trop loin. Je ne reviendrais pas en arrière. La rage me consume et elle doit exploser aujourd’hui.

­­— Merci, Khloé, d’avoir fait ça pour moi. Ne regrette pas de m’avoir giflé, c’était ce qu’il fallait faire. Mais je dois y aller.

— Je ne comprends rien ! Explique-moi ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Ses yeux sont froncés, et son sourire de petit ange a complètement disparu.

— Rien. Je t’expliquerai plus tard.

Elle sait très bien qu’il n’y aura pas d’explications. Jamais. Elle a conscience que je ne lui dis rien. Que je suis une tombe quand il est question de parler de moi ! Mais que puis-je lui dire d’autre ? L’amitié est le plus beau des cadeaux, mais c’est aussi parfois le plus dure à assumer. Mes yeux la fuient pour retrouver ce qui me terrifie.

Mais Khloé se place face à moi, les bras croisés pour surement montrer que je n’ai d’autres choix que de la confronter. Je ne m’en sortirais pas aussi facilement. Je le sais et elle aussi. Sauf qu’elle n’a pas choisi le bon moment. J’ai toutes les peines du monde à retenir ma colère et dans peu de temps je n’y parviendrais plus.

— Arrête de mentir. Je ne suis pas idiote. Alors, fais-nous plaisir, arrête de me traiter ainsi. Parce que ce n’était pas rien ! Tu ne te défileras pas cette fois. J’ai besoin de savoir ce qui t’arrive.

Elle s'éclaircit la voix et tente surement par la même occasion de calmer ses ardeurs.

— Tu as vu quelque chose. Et je ne suis pas folle. Esti*, j'ai dû te frapper, te frapper !

— Je suis au courant, pas besoin de crier. Écoute, je n’ai aucun compte à te rendre ! À personne et même pas à toi. Alors, laisse tomber d’accord.

La colère enfle dans toutes les parties de mon être et je ne parviens pas à la contenir. Je ne veux pas la contenir, je veux seulement qu’elle s’exprime… Sans avoir davantage réfléchi, les mots s’échappent de ma bouche.

— Je n’en peux plus, Khloé. Je suis fatiguée de devoir rendre des comptes à tout le monde, de t’entendre me demander si je vais bien toutes les dix secondes. Je ne vais pas bien ! OK ?! Mais je n’ai pas envie d’en parler. Tu peux l’entendre, ça ? Je ne suis pas comme toi à dire à tout va comment je me sens. C’est très bien si pour toi ça fonctionne, mais laisse-moi qui je veux être. On vit sur un putain de vaisseau Khloé ! Un vaisseau ! Peux-tu comprendre que j’ai besoin d’avoir mon espace à moi ?

Sans reprendre ma respiration ni réfléchir à la portée de mes mots, j’enchaine :

— J’ai besoin d’oxygène, pas de toi, alors fous-moi la paix pour une fois…

Mes yeux sont braqués sur les siens. À peine, les derniers mots sortis que je les regrette. Mais le bouton retour en arrière ne m’a pas été offert et je vais devoir assumer les larmes qui coulent sur ses joues. Ma mère aurait tellement honte de la personne que je suis devenue. Je ne sais pas pourquoi je pense à elle maintenant. Mais voir le visage de Khloé me fait réaliser que le noir a contaminé le moindre de mes organes. Je suis un monstre qui fait pleurer la plus jolie fille que cette foutue planète ait donnée… Maman ne me reconnaitrait pas. Moi-même, j’en suis incapable à présent.

Aucun muscle de mon corps ne bouge. J’ai même peur de respirer trop fort de peur de la voir s’envoler. Elle essuie rageusement avec ses petits bras, ses joues imbibées d’eau.

— Tu sais quoi ?

Sa voix est entrecoupée de sanglots. Elle tente de prendre une profonde respiration afin de surement calmer la peine et la colère qui l’envahit.

— Tu as raison, Ali. Ce n’est pas mes affaires, après tout, c’est toi qui ne vas pas bien, pas moi…. Mais je croyais que je méritais ta confiance. On est amis depuis plus de deux ans maintenant et je n’arrive pas à comprendre qui tu es réellement…

Moi aussi, Khloé… moi aussi…

« … On est finalement moins liés que ce que je pensais. Je sais que tu es en colère, mais on ne peut pas tout t’excuser. Tu n’as pas le monopole des ressentis… »

Elle tourne les talons sans un regard supplémentaire, et part avec sa belle robe blanche semblable à un ange vers la sortie. Je ne me suis jamais sentie aussi seule qu’à cet instant précis. Mon pied vient frapper un des ballons gonflables. Mes nerfs sont sur pilote automatique, j’ai besoin de frapper un grand coup… et pas sur un simple ballon. Ma cible est tout indiquée… le tueur de Jacob…

Je voudrais changer la couleur du noir. Ce soir, la seule chose que je peux faire s’est éclaboussé la toile de rouge…

* Esti = Juron québécois (C’était un petit clin d’œil, mes héros ne sont pas censés avoir des expressions québécoises hahahaha)


******************

Petit aparté : Je m'excuse tellement de cette absence, mais j'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies ses derniers mois. Je retrouve un peu de temps pour écrire et je peux vous dire que ça m'avait vraiment manqué. Je sais aussi que je n'ai pas continué mes lectures, mais je promets de m'y remettre très vite. Je me suis laissée débordée par l'océan de la vie on va dire lol.

Je sais aussi qu'on n’apprend pas grand-chose dans ce chapitre alors que j'avais laissé un suspens sur la fin du dernier chapitre, mais j'avais besoin d'un chapitre comme ça pour me remettre en selle on va dire haha.

Je ne sais pas à quel rythme je vais écrire pour être honnête, mais je n'abandonne pas l'idée de finir ce roman loin de là :)

Merci et encore désolée d'avoir abandonné le navire quelque temps :/

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire laural033 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0