7 :Durée bergsonienne, ou l’art d’éviter les sujets qui fâchent, comme : à qui profite le crime ?

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Il existe deux façons de tuer une philosophie : la première est le silence et l’autodafé.

Platon réfute, à chaque ligne, Démocrite mais n’en parle jamais.

Selon la légende, il aurait eu pour projet de racheter tous les ouvrages de Démocrite, pour les brûler.

Seule la remarque de deux pythagoriciens l’aurait arrêté : l’acte aurait été inutile, car « quantité de gens possédaient déjà ces livres ».

La seconde est bien plus efficace. Il suffit d’embaumer l’auteur, dès son vivant, et de répandre autour de lui deux profonds répulsifs : l’évidence et l’ennui.

Notre époque a su s’immuniser contre toute pensée subversive en utilisant ce procédé, qui nous fait totalement nous désintéresser de la durée bergsonienne.

Cela n’est possible que si l’auteur n’ose aller au bout de sa propre pensée, ou reste aveuglé par ses préjugés.

Bergson constate la victoire de la science sur l’intuition, il constate que le temps spatialisé, uniforme, homogène, mesurable a remplacé la durée vécue.

Mais il évite le sujet qui fâche : à qui profite le crime ?

On parle de la science : mais comment la science pourrait- elle bouleverser ce que nous avons de plus intime, la conscience du temps, alors qu’elle est totalement incapable de modifier notre perception erronée ?

Comment la science aurait-elle pu synchroniser les pensées hétérogènes de milliards d’humains, les faire vivre dans le même temps ?

Un mauvais procès, un mauvais coupable, pour une vieille tactique de la droite la plus extrême : accuser la science (et dans une infime mesure la technologie) de tous les maux. Bergson a été, dès son vivant, encensé par le régime de Vichy. Sa judéité, jamais reniée, était le seul « détail » gênant de cette récupération. Sa critique du temps physique semblait récupérable.

Mais pourquoi éviter ce sujet qui fâche, pourquoi ne pas chercher à qui profite ce crime : tuer la durée vécue ? Marx, dés les premiers chapitres du Capital nous donne la réponse.

D’où vient la plus-value, comment faire (beaucoup ?) de profit ?

La réponse c’est le temps ! Vous possédez le capital, vous employez un ouvrier pour produire des bottes, de jolies bottes militaires qui marchent bien droit.

Marx donne la clef de la plus-value : il suffit de faire travailler l’ouvrier une heure et de ne le payer que pour dix minutes.

Pour qu’un tel système économique fonctionne il a fallu synchroniser le temps de l’ouvrier avec celui des autres ouvriers, et aussi avec celui des machines : ici la durée vécue était un obstacle, avant de devenir un produit de luxe.

Ce temps des horloges, ce temps qui est, au sens propre, de l’argent, a une origine religieuse.

Bergson ne pouvait voir, ni accepter cette vérité dérangeante : c’est la religion qui a, en premier, voulu mesurer et synchroniser le temps, le temps des prières, le temps des livres des heures.

Nous reviendrons sur cette histoire du temps, mais aussi sur le temps de l’Histoire.

Mais , avant, il convient de comprendre pourquoi cette durée vécue est, en un sens, aussi superficielle que le temps des horloges.

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